L’Allemand Ewigbyte relance le stockage de données sur verre
Le stockage de données sur verre porte la promesse de durer une éternité, alors que les SSD, disques durs et autres bandes ne durent que quelques années. Comparativement à Silica et Cerabyte, Ewigbyte mise sur la rapidité d’accès plutôt que la capacité.
On connaissait déjà le projet Silica de Microsoft et de l’entreprise Cerabyte. Il faudra désormais aussi compter avec la startup allemande Ewigbyte dans le domaine du stockage de données d’archive sur verre. Ce matériau offrirait au moins trois avantages par rapport aux disques durs et autres cartouches LTO jusqu’ici utilisés.
« Le verre promet de stocker vos données pour l’éternité. Les polymères utilisés dans les autres supports n’aiment pas l’humidité, ils ne sont pas stables à haute température. À cause de cela, vous devez les changer tous les cinq ou sept ans si vous les laissez dans un datacenter, ce qui représente 350 000 tonnes de déchets par an », lance Steffen Klewitz, le PDG d’Ewigbyte (en photo en haut de cet article), que LeMagIT a rencontré à l’occasion d’un récent événement IT Press Tour consacré aux acteurs européens qui innovent dans le stockage de données.
« Le verre est 100 % recyclable. Quand vous voulez effacer vos données, il suffit de mettre le support dans un four et il en ressort des plaquettes de verre qui sont de nouveau utilisables pour l’éternité. »
Steffen KlewitzPDG, Ewigbyte
« Et puis les supports traditionnels sont aussi sensibles aux rayonnements : une hypothétique tempête solaire, voire une explosion dans l’espace d’une tête nucléaire – à ma connaissance quatre satellites en portent – suffirait à détruire tous leurs contenus. Le verre, lui, ne bouge pas, quoiqu’il arrive. »
« Le second intérêt du stockage sur verre est qu’il s’agit d’une nouvelle solution matérielle qui viendra combler le problème de l’offre dont vont souffrir les supports traditionnels. Selon les études, la production de capacité sur ces supports va en effet augmenter de 27 %, alors que la demande en stockage va augmenter de 40 % dans le même temps. Et, ce, sans compter les besoins en IA, qui aggravent la pénurie des supports. »
« Enfin, je parlais de déchets. Le verre est 100 % recyclable. Quand vous voulez effacer vos données, il suffit de mettre le support dans un four et il en ressort des plaquettes de verre qui sont de nouveau utilisables pour l’éternité », ajoute-t-il.
Un argument supplémentaire est qu’il s’agit d’un support sur lequel on n’écrit qu’une fois. À partir du moment où des bits ont été gravés avec un laser qui creuse la surface du verre, il est impossible de combler les trous pour effacer ou modifier les données, comme aurait tendance à le faire un malware. « Nous apportons la sécurité au niveau physique, alors que le talon d’Achille des solutions existantes est qu’elles sont toutes logicielles. Or, un logiciel peut toujours être corrompu », argumente le PDG de la startup.
Miser sur la vitesse plutôt que sur la capacité de stockage
Comparativement au projet Silica de Microsoft et à Cerabytes, la solution d’Ewigbyte ne cherche pas à densifier l’information stockée, elle cherche juste à maximiser la vitesse de lecture et d’écriture des données.
« Le projet Silica bat tous les records de densité, mais à quel prix ? Ses vitesses de lecture et d’écriture sont si lentes que le support est tout simplement inutilisable. N’oubliez pas qu’il s’agit de support de secours, dont on doit pouvoir récupérer un contenu le plus rapidement possible en cas de cyberattaque, ou autre catastrophe qui auraient détruit les données », argumente Steffen Klewitz.
« Nous utilisons une solution assez similaire à la gravure de semiconducteurs. Nous gravons en même temps plusieurs bits, sous une forme équivalente à un QR code. »
Steffen KlewitzPDG, Ewigbyte
Même constat de lenteur pour Cerabyte qui parvient à percer des trous de 3 nanomètres dans un matériau qui, en plus, n’est pas exactement du verre, mais une céramique avec une surface chimique suffisamment toxique pour ne pas être recyclable.
La solution d’Ewigbyte, elle, se contente de dessiner des trous d’un micromètre de diamètre (1 000 nanomètres), mais son avantage est qu’elle en perce plusieurs en même temps. « En fait, nous utilisons une solution assez similaire à la gravure de semiconducteurs. Nous gravons en même temps plusieurs bits, sous une forme équivalente à un QR code. Chaque impulsion grave ou lit plusieurs Ko d’un coup. Et comme il s’agit d’impulsions ultra-courtes, nous pouvons atteindre 500 Mo/s par seconde par lecteur », dit le PDG.
À date, huit de ses prototypes de lecteurs pourraient tenir dans un serveur au format rack, ce qui permettrait d’avoir une machine d’archivage capable de restaurer 4 Go/s. Vingt-cinq machines atteindraient 100 Go/s dans une bibliothèque complète. On ignore la taille physique qu’aurait une telle configuration.
Pour l’heure, un projet de laboratoire
La solution d’Ewigbyte n’en est qu’au stade du projet de laboratoire. Lors de la rencontre avec LeMagIT, la startup a présenté un exemple de support, une fine plaquette rectangulaire de 8,5 x 2 cm, capable de stocker 5 Go sur chacune de ses faces. Cela représenterait tout de même une capacité de 6 Po par mètre cube.
« À la fin, peut-être qu’il s’agira plutôt d’un disque de verre. En fait, nous devons déjà réfléchir à la forme que va prendre le lecteur. »
Steffen KlewitzPDG, Ewigbyte
Mais Steffen Klewitz avoue qu’il ne sait pas encore à quoi ressemblera le support définitif. « À la fin, peut-être qu’il s’agira plutôt d’un disque de verre. En fait, nous devons déjà réfléchir à la forme que va prendre le lecteur, qui sera une sorte de juke-box capable de piocher les plaquettes de verre que vous voulez lire », dit-il.
En vérité, Ewigbyte en est encore à chercher le meilleur type de verre pour son stockage. « Il existe environ 50 000 genres de verre. Nous travaillons avec une startup à Munich qui nous permet de simuler le verre qui présentera le meilleur contraste, avec quel type de laser », précise le PDG, qui rappelle que sa société n’a été créée qu’en juillet de cette année.
« Mais pour le reste, les lasers que nous voulons utiliser existent déjà sur le marché. Les machines qui servent à insérer des plaquettes et les déplacer à une vitesse folle d’un stock à un lecteur existent aussi », prétend-il.
Ewigbyte est aussi en quête de fonds pour concrétiser son projet. Le modèle d’activité envisagé – censé le mieux séduire les fournisseurs – n’est pas de vendre des bibliothèques d’archivage sur verre, mais de commercialiser un service d’archivage en ligne, qui serait basé sur sa technologie. Et éventuellement d’en vendre des licences à d’autres hébergeurs.