Compétition sportive : la F1 en tête des infrastructures de pointe

Formula 1, l’organisateur de la compétition de F1, achète tous ses équipements informatiques chez Lenovo pour un accompagnement global qui va des appareils déployés sur les circuits successifs aux machines qui centralisent l’information à Londres.

Plus de 800 millions. Tel est le nombre de fans qui suivent régulièrement le Championnat du monde de Formule 1 tout au long des 24 courses de la saison 2025. La formule 1 est le sport le plus technologique au monde. Dans ces conditions, il apparaît normal que les grandes entreprises de l’IT aient accaparé la discipline. Parmi eux, Lenovo est devenu au début de l’année 2025 « global Partner et Global Technology Partner » de l’organisateur Formula 1 (filiale de Formula One Group), soit le plus haut niveau d’accréditation que délivre la société responsable de la compétition. Ajoutons que sa marque Motorola est également devenue partenaire de référence pour les smartphones déployés sur l’asphalte.

Pour Chris Roberts, directeur informatique de Formula 1 (en photo en haut de cet article), l’infrastructure IT de la compétition a ceci d’unique qu’elle est itinérante, critique et hyper connectée. « Je supervise un spectre très large : cybersécurité, systèmes d’entreprise, opérations de données clients, mais surtout l’environnement des opérations de course. C’est la partie la plus excitante : l’infrastructure réseau et serveur qui relie chaque circuit au centre de diffusion et soutient toutes les opérations en direct. En clair, tout ce qui permet aux voitures de tourner, aux données de circuler et aux images d’arriver chez les téléspectateurs », raconte-t-il.

L’architecture se décompose en deux parties distinctes. Au sein de Formula 1, deux acronymes structurent tout : ETC (Event Technical Centre), côté piste, et MnTC (Media & Technology Centre), au Royaume-Uni.

« L’ETC collecte les flux : caméras embarquées, statiques, drones, RF, données de télémétrie, chronométrage… Tout converge vers cette plateforme », détaille le directeur informatique en expliquant que les équipements IT de Lenovo jouent un rôle central. « Tout notre environnement virtualisé fonctionne sur du matériel Lenovo. Les systèmes de chronométrage, par exemple, tournent sur leurs serveurs, avec une redondance totale. ».

Le MnTC, lui, est le cœur de la diffusion : plus de 35 stations de montage, 160 territoires, 60 diffuseurs, 1,6 milliard d’audiences cumulées. « Nous avons des producteurs, des réalisateurs, des équipes de replay et de graphisme ici (à Biggin Hill), qui supervisent la course en temps réel grâce à ces systèmes », dit Chris Roberts. C’est justement dans cet arrondissement au sud du grand Londres que LeMagIT a pu le rencontrer.

« Nous avons besoin d’une marque qui soit capable d’assurer le même support sur tous les appareils, et ce, sur cinq continents. »
Chris RobertsDirecteur informatique, Formula 1

Le partenariat avec Lenovo, initié il y a quatre ans, n’est pas un simple contrat de sponsor. « Ce n’est pas un parrainage, c’est un partenariat technologique », argumente Lara Rodini, directrice des partenariats mondiaux de Lenovo. « Nous accompagnons Formula 1 du traitement des données à la livraison du contenu, dans toutes les conditions climatiques et sur tous les continents », ajoute-t-elle.

Pour Chris Roberts, ce partenariat répond à un double impératif : fiabilité et agilité. « Nous avons besoin d’une marque qui soit capable d’assurer le même support sur tous les appareils, et ce, sur cinq continents. Et nous devons être capables de déployer du matériel au bout du monde en 36 à 48 heures, le brancher, le faire fonctionner et garantir qu’il tiendra la distance », dit-il, en précisant que Lenovo fournit tout (des tablettes, PC, serveurs, NUC, des écrans et même les téléphones).

« Lenovo n’est pas venu nous vendre du matériel, mais comprendre nos défis. Ils ont travaillé avec nous pour concevoir des solutions adaptées à la Formule 1 : quelle résilience, quel modèle de support, quelle redondance. C’est un vrai travail coopératif. », ajoute le directeur informatique.

« la consommation énergétique a chuté, et nous utilisons aussi le service de récupération d’actifs de Lenovo : 95 % de notre matériel obsolète est réemployé ou recyclé. »
Amy SmithHead of IT Systems and Support, Formula 1

L’un des grands bénéfices du partenariat a été la réduction massive du matériel physique. « Nous sommes passés de trois racks de serveurs à un demi-rack », détaille Chris Roberts. « Grâce à un vaste processus de virtualisation, nous avons réduit d’environ 70 % le volume transporté sur les circuits. ». À la clé : moins d’énergie, moins de climatisation, moins de carbone.

Sa collègue Amy Smith complète : « la consommation énergétique a chuté, et nous utilisons aussi le service de récupération d’actifs de Lenovo : 95 % de notre matériel obsolète est réemployé ou recyclé. » La durabilité passe aussi par la polyvalence. « Les portables Lenovo sont désormais assez puissants pour exécuter de la CAO. Avant, il fallait un PC fixe au bureau », poursuit M. Roberts. « Résultat : moins de machines, moins de fret, plus de flexibilité. »

De la pandémie à l’innovation

Quand la crise du Covid a frappé en 2020, l’organisateur de la compétition de Formule 1 a dû tout repenser. « Nous avons compressé un programme de transformation de quatre ans en huit semaines », se souvient Chris Roberts. Passer à la diffusion à distance, virtualiser les systèmes, déplacer les équipes… « Nous étions le premier sport majeur à repartir en tournée, parce que nous avons osé prendre le risque. »

« Chaque application critique existe en plusieurs versions : principale, secours 1, secours 2, secours 3. Si un système tombe, le suivant prend immédiatement le relais. »
Chris RobertsDirecteur informatique, Formula 1

Une quinzaine d’ingénieurs logiciels développent et maintiennent 180 logiciels sur mesure pour un total de plus de 4 millions de lignes de code. « Chaque application critique existe en plusieurs versions : principale, secours 1, secours 2, secours 3. Si un système tombe, le suivant prend immédiatement le relais. ». Cette approche « multi-à-multi » garantit la résilience totale. « Nous pouvons retirer un disque à chaud sans interrompre le service. Tout est redondé, du matériel jusqu’aux communications. »

Côté matériel, la plateforme de virtualisation de Lenovo exécute environ 270 machines virtuelles sur 640 cœurs x86, 5,9 To de RAM et 105 To de stockage flash. Des centaines d’écrans sont utilisés dans la régie de diffusion du MnTC. L’ETC et le MnTC transfèrent environ 600 To de données par week-end d’événement, avec une bande passante atteignant un pic d’environ 8,5 Gbit/s au début de chaque événement. Le bâtiment abrite de nombreuses salles de contrôle aux murs nimbés d’écrans, de consoles. Il y a même une salle de contrôle des contrôleurs, afin de s’assurer que les conditions de course soient respectées.

L’ETC est la plus grande et la plus complexe installation transportable de ce type au monde. Une fois assemblée, elle occupe une surface de 25 m sur 15 m et abrite 750 équipements exécutant plus de 40 systèmes logiciels sur mesure. Durant un week-end de course, elle traite entre 350 000 et 400 000 passages de transpondeurs de chronométrage, produit de 750 à 800 pages de documents officiels et génère environ 300 à 400 Go de données. La plateforme de virtualisation fournit la puissance de calcul nécessaire à ces opérations : 512 cœurs, 8,2 To de RAM et 100 To de stockage flash.

Le lien entre technologie et diffusion est désormais très étroit. « L’ordinateur ne fait pas que générer un graphique, il comprend les données », souligne Amy Smith. Les équipes de production les transforment ensuite en storytelling visuel : vitesse, pneus, énergie, radio-pilote…
« Nous devons traiter et diffuser ces données en quelques secondes pour que les fans profitent de la course en direct, sans délai. Plus l’image et la donnée arrivent vite, plus l’émotion est forte. »

Pour Chris Roberts, ces technologies accompagnent une mutation du public. « En cinq ans, la démographie a basculé : 40 % de nos fans ont moins de 35 ans, et la proportion de femmes a explosé. » Les nouveaux outils numériques permettent de leur offrir une expérience immersive, où la donnée brute devient un récit visuel et sonore.

Sécurité : l’air gap comme règle d’or

La cybersécurité, dans un environnement aussi visible que la F1, est une obsession. « Notre règle est simple : les systèmes d’exploitation de course ne se connectent jamais à Internet. Il y a un air gap complet », assure Chris Roberts, qui parle d’un isolement total, renforcé par un gel des changements à partir du mercredi précédant une course. « Dès que nous passons en mode course, tout est figé. Seules les urgences peuvent déclencher une modification. »

Même la sécurité physique a été renforcée : contrôle des badges, accès segmentés, vérifications de sécurité hebdomadaires. « Mon collègue qui dirige la diffusion ne peut pas entrer dans la salle de calcul, et je ne peux pas entrer dans la sienne. Tout le monde reste dans son périmètre », précise le directeur informatique.

« L’objectif est d’explorer les cas d’usage IA dans la production et la diffusion. »
Amy SmithHead of IT Systems and Support, Formula 1

Depuis peu, la F1 expérimente les PC dotés d’accélérateurs d’intelligence artificielle, soit des ThinkPad X9 chez Lenovo. « En traitement de données, je vois un gain de productivité d’environ 30 % par rapport à mon ancien poste. Et surtout, je peux voler jusqu’en Amérique du Nord sans recharger la batterie », se réjouit Chris Roberts. Mais au-delà du confort, c’est la vision à moyen terme qui l’intéresse : « nous déployons progressivement ces appareils pour préparer l’avenir. Dans 12 à 24 mois, le logiciel sera au niveau des capacités matérielles et nous aurons ainsi déjà un parc de machines personnelles prêt pour exploiter l’IA embarquée. » Amy Smith confirme : « Nous venons de commander 25 unités pour nos ingénieurs logiciels. L’objectif est d’explorer les cas d’usage IA dans la production et la diffusion. »

Une boucle d’innovation continue

Lenovo, de son côté, nourrit cette collaboration de retours d’expérience. « Nous avons une personne dédiée qui sert de pont entre Formula 1 et nos laboratoires. Chaque retour terrain est analysé par nos centres R&D, et intégré dans la conception des futurs produits », témoigne Lara Rodini. Pour Chris Roberts, cette réactivité est décisive : « nous sommes un client exigeant. Ce qui était acceptable il y a deux ans ne l’est plus aujourd’hui. Nous voulons toujours pousser les systèmes plus loin. »

Ce partenariat est aussi une vitrine pour Lenovo. La marque y gagne en notoriété : +14 % selon les études internes de Formula 1, et une reconnaissance accrue comme « marque portable préférée des fans ». Toutefois, cela va bien au-delà du marketing ou de la notoriété. « La F1 est un environnement extrême. Si une technologie fonctionne ici, elle fonctionnera partout. C’est un banc d’essai idéal pour les innovations », assure Lara Rodini.

Depuis la bascule vers les opérations à distance, la F1 vit dans une logique d’itération continue. Les mises à jour s’enchaînent, souvent testées directement en production. « Et quand un besoin surgit – d’un diffuseur ou de l’équipe graphique –, nous devons fournir plus de calcul, plus de flexibilité, plus vite. Le tout sans jamais retarder la course. Je ne suis pas la NASA, je ne peux pas décaler une course au dimanche suivant », glisse Chris Roberts malicieusement.

Le futur : IA, cloud hybride et ultra-résilience

« Ce ballet n’est possible que grâce à une coordination extrême et à une confiance absolue dans la technologie. La fiabilité rend tout cela possible. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. »
Chris RobertsDirecteur informatique, Formula 1

La prochaine étape est de proposer une meilleure orchestration entre le cloud (opéré par AWS) et le site. Pour l’instant, les environnements sont séparés : « nous tenons à pouvoir les faire fonctionner indépendamment », explique Chris Roberts. « Si un outil de gestion unique tombait, nous perdrions le contrôle des deux côtés. ». Mais la réflexion sur le modèle de consommation – as-a-service, cloud hybride, calcul élastique – est en cours.

Quant à l’IA, elle ouvrira une nouvelle ère : analyse en temps réel, diagnostic prédictif, optimisation des flux et de la diffusion. « Nous faisons déjà des choses intéressantes, même si je ne peux pas encore en parler. Mais le potentiel est immense », affirme Chris Roberts. Il y voit une extension naturelle de la philosophie F1 : repousser les limites sans jamais perdre la fiabilité.

En écoutant Chris Roberts, on comprend que la F1 n’est plus seulement un sport, ni même une organisation technologique : c’est une usine mobile d’innovation permanente. « Chaque week-end, nous déployons une infrastructure mondiale. Chaque lundi, nous la rapatrions et nous recommençons ailleurs. Ce ballet n’est possible que grâce à une coordination extrême et à une confiance absolue dans la technologie. La fiabilité rend tout cela possible. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. »

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