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Tensions en hausse dans le recrutement de profils numériques

Face à la pénurie de profils aptes à les accompagner dans leur transformation numérique, les entreprises innovent dans leurs modes de recrutement. Mais la pénurie entraîne une surenchère salariale, qui à son tour accélère le turnover. Cette pénurie ne concerne que les métiers en pointe. Le chômage persiste pour ceux qui n'ont pas été ou ne se sont pas formés aux technologies les plus récentes.

Et le cercle redevint vicieux ! Les acteurs du secteur sont unanimes : la pénurie de candidats sur plusieurs métiers et compétences du numérique ne fait que s'accentuer. Le problème n'est pas nouveau. Il existe toujours un laps de temps plus ou moins grand – qui se compte en mois et parfois en années – entre le moment où un nouveau métier émerge et celui où il existe suffisamment de profils compétents pour l'exercer. Il faut du temps aux écoles et aux universités pour mettre en place les nouveaux cursus et produire suffisamment de jeunes diplômés dans un métier émergent. Il faut du temps aux professionnels rompus à des technologies plus anciennes pour se former aux nouveaux outils, langages, méthodes… Pendant ce temps, les entreprises cherchent toutes à recruter les rares spécialistes disponibles qui leur permettront de se distinguer sur le marché.

Les candidats ont le pouvoir

Le marché de l'emploi informatique s'est transformé au cours des dernières années. « Avant, les entreprises avaient le pouvoir. Elles passaient des annonces, recevaient de nombreuses réponses et choisissaient le candidat qui leur convenait le mieux. Aujourd'hui, le pouvoir est du côté des candidats. Selon leur profil, certains ont une dizaine d'offres sur la table », explique Benjamin Mantal, responsable des activités de recrutement en CDI chez Computer Futures, un cabinet spécialiste du recrutement informatique.

Certes, tous les profils ne sont pas égaux. Sans surprise, la maîtrise des technologies les plus récentes arrive en tête des critères, à égalité avec une expérience de 3 à 10 ans. Autrement dit, un développeur senior formé à la méthode DevOps, un expert des technologies Cloud, un développeur d'applications Android ou un data scientist disposant de quelques années d'expérience n'ont que l'embarras du choix de leur prochain poste.

Tous les métiers sont concernés

Une récente étude de l'APEC sur l'évolution des métiers cadres pour l'usine et le bâtiment du futur identifie les compétences les plus demandées dans ces secteurs. Le nombre d'annonces publiées par l'agence entre 2015 et 2016 a augmenté de 138 % pour le BIM (building information modeling), qui consiste en une maquette numérique d'un ouvrage partagée par tous les métiers qui interviennent sur l'ouvrage en question. Sur la même période, l'augmentation est de 113 % pour l'IoT, 75 % pour la fabrication additive et de 72 % pour le Big Data.

Ce que ces chiffres ne disent pas est qu'il ne s'agit pas seulement de recruter des spécialistes d'une technologie donnée. A terme, il faudra former un grand nombre des professionnels d'un secteur ou d'un métier aux nouvelles compétences requises par la transformation numérique de tous les secteurs d'activité.

Innover dans le recrutement

Pour faire face à la pénurie, « les entreprises innovent dans leur façon de recruter, notamment en développant leur marque employeur. Elles sont plus actives sur les réseaux sociaux, elles organisent des hackathons et de plus en plus de “meet-up” », souligne Benjamin Mantal. Lors de ces rencontres qui se veulent informelles, elles parlent de tout sauf… de recrutement ! Le but est de rencontrer des professionnels autour d'une thématique, de constituer et de développer leur réseau.

Corollaire de la pénurie, les rémunérations s'envolent pour les métiers les plus en tension. Les candidats peuvent jouer la surenchère et ne s'en privent pas. Le baromètre des salaires de Computer Futures montre que l'augmentation par rapport à l'année dernière atteint 5 à 10 % sur certains profils. Ce qui accélère le turnover, un expert n'hésitant plus à changer d'entreprise pour toucher plus.

Toutefois, ceux qui optent pour la mobilité ne le font pas que pour être mieux rémunérés. « Les candidats recherchent plutôt des projets, soit qui démarrent soit des PoC [proof of concept, NDLR]. Lorsque le projet est terminé, ils n'hésitent pas à aller voir ailleurs si on ne leur propose pas quelque chose de nouveau », précise Benjamin Mantal.

La pénurie de certains profils ne doit pourtant pas masquer la réalité du chômage. Ceux qui n'ont pas fait « les bons choix » techniques ou qui ne se sont pas formés aux nouveaux langages, technologies et méthodes sont beaucoup moins mobiles et n'auront pas le même choix s'ils décident de quitter leur entreprise. La peur du chômage reste forte parmi les informaticiens qui n'ont pas tous la possibilité de se former en continu. « C'est vrai qu'il y a actuellement des “eldorados” mais pas pour tous les informaticiens », conclut Benjamin Mantal.

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