Ducellier - LeMagIT

ERP : le new-yorkais Infor en quête de notoriété internationale

Nouvelles alliances, nouvel actionnaire, nouvelles briques BI et AI. Le "Oracle de Manhattan" s'est dit prêt, lors de son salon annuel Inforum, à « passer à la vitesse supérieure » dès 2017. Notamment en France.

« Infor ? Connais pas ». C'est la réponse que pourraient donner la plupart des DSI français si on les interrogeait pour un sondage sur les ERP. La notoriété est en effet aujourd'hui, et encore, le plus gros problème de l'éditeur new-yorkais d'applications métiers (EAM, CRM, SCM, ERP, etc.).

Ce déficit se manifeste surtout à l'international. Infor peut se targuer d'avoir des clients comme Decathlon (pour GT Nexus, son concurrent maison du Ariba de SAP), Kiabi (pour Predictix) ou encore Carrefour, le Cern ou Zodiac. Mais la réalité est qu'en France, c'est avec Anael (une solution comptable) que l'éditeur fait le plus gros de son chiffre d'affaires dans le pays. L’offre était déjà bien établie lorsqu’Infor la rachète en 2005.

Alliance avec Capgemini et Accenture

Le problème est d'autant plus dérangeant pour les commerciaux de l'américain que quand ses solutions arrivent à figurer en "short list", elles remportent souvent le marché. Une source rencontrée à l'Inforum 2017 évoque un "win rate" entre 30 et 40% en France.

Cette réussite en phase finale profite à plein d'un "raz le bol" grandissant des entreprises face aux pratiques d'un Oracle - récemment dénoncées par le Cigref - ou d'un SAP - récemment tancé par le même réseau d’utilisateurs.

Pour résoudre le problème, Infor a évoqué plusieurs pistes lors de sa grand-messe annuelle 2017.

La première est l'annonce de trois nouvelles alliances avec des "faiseurs de marchés" : CapGemini, Accenture et PWC. Les trois ESN et cabinets de conseils ajoutent officiellement Infor à leur catalogue pour le proposer à leurs nombreux clients. Ils rejoignent IBM et CGI.

La 2ème plus grosse entreprise privée des Etats-Unis devient actionnaire pour de nouvelles ambitions

La deuxième piste est passée un peu plus tôt dans l'année par un changement capitalistique. Infor a confirmé que l'arrivée d'un nouvel actionnaire allait lui permettre d'investir encore plus dans ses produits mais aussi, voire surtout, dans la communication.

Infor l’a rappelé fortement lors de l'Inforum 2017 : l'arrivée du géant industriel américain Koch (2ème plus grosse entreprise privée des Etats-Unis) dans son capital devrait lui permettre de « passer au niveau supérieur », dixit un porte-parole européen de l'éditeur.

L'investissement consenti par Koch s'élève à 2,5 milliards de dollars. Le chiffre est d’autant plus important quand on le compare au CA d'Infor de 2,9 milliards de dollars ou au 2 milliards de dollars investis par l’éditeur dans le développement de ses solutions sur les cinq dernières années.

Infor espère trouver un second souffle avec Koch. Car si son chiffre d'affaires 2016 est bon, il peine à trouver une croissance franche (il oscille entre 2,65 et 2,9 milliards depuis 2011). Et comparé aux 37 milliards d'Oracle (dont presque 5 milliards dans le Cloud) ou aux 22 milliards d'euros de SAP (dont 4 milliards dans le Cloud espérés pour cette année), le new-yorkais fait encore figure de challenger. En d’autres termes, même si son PDG Charles Philips revendique une place de leader mondial dans l'EAM et de précurseur dans l'ERP Cloud, Infor se cherche encore une place  sur le marché malgré de nombreux atouts.

D'où la décision de Koch d'investir dans une stratégie gagnant-gagnant.

« Nous sommes paranoïaques », avoue le PDG du groupe industriel qui réalise 115 milliards de dollars de CA par an.

Client d'Infor pour le HCM et bientôt pour l’Asset Management (EAM), il explique sa décision de devenir actionnaire par le fait que « mettre de l'argent dans Infor [lui] donne une vision plus claire de ce qui se passe. Personne n'est à l’abri des effets de la technologie. Aucun business n'est à l'abri de l'Uberisation. Être dans Infor permet de mieux anticiper ces changements ».

Infor, un attelage en route pour l’entrée en bourse

Côté Infor, l'arrivée augmente un capital qui était détenu par deux fonds (Golden Gates et Summit Partners) et par le management exécutif.

Les deux premiers fonds avaient racheté la branche ERP de SCT Corporation en 2002. Un an plus tard, fin 2003, la jeune société (baptisée Agilisys) mettait la main sur l’allemand Infor Business Solution. Début 2004, dès la clôture du rachat, Agilisys reprenait ce nom d’Infor.

Depuis, Infor a réalisé 19 acquisitions (en plus des neuf sous le nom Agilisys). Des CRM (SalesLogix, Epiphany), des outils de supply chain (ShipLogix), de gestion du marketing (Orbis), de HCM (PeopleAnswers) sans oublier plusieurs ERP (Lawson pour 2 milliards de dollars, SSA Global, MAPICS ou GEAC – éditeur de Anael).

Plus récemment, en 2015, Infor a mis presque 700 millions de dollars sur la table pour GT Nexus, un réseau Cloud B2B qui permet de gérer les processus multi-entreprises qui impliquent une logistique complexe, des appros diverses, une facturation multiple, etc.).

Enfin, en 2016 et en 2017, Infor s’est tourné vers l’analytique en rachetant les algorithmes de Predictix et la BI / DataViz de Birst.

Le gros de ces rachats a été réalisé sous la direction d’un nouveau management entièrement remanié en 2010 et entièrement issu d'Oracle (Charles Philips, PDG d'Infor, était l'ancien bras droit de Larry Ellison).

Aujourd'hui, avec ses 2,5 milliards, Koch est devenu le plus gros actionnaire (mais reste minoritaire). Cette somme devrait permettre à Infor de se consolider pour atteindre son Graal : une introduction en bourse qui lui permettrait de bénéficier d'un afflux encore plus massif de capitaux frais pour mener à bien ses projets et d'autres rachats.

D'autres cibles ne sont en effet pas exclues si l'on considère les chantiers considérables que sont l'Internet des Objets et l'Intelligence Artificielle, deux domaines où Infor veut se positionner. Le travail d’intégration et de rebranding ne risque pas de s’arrêter.

40% d'ERP en mode Cloud en France pour 2017-2018

En Europe, Infor va également travailler son écosystème de partenaires. Le responsable commercial ERP pour l'Europe du Sud, Laurent Jacquemain, évoque la publication d'une newsletter qui leur sera dédiée ou l'organisation d'évènements.

Ses initiatives "channels" locales pour palier son déficit d'images devront rapidement porter leurs fruits. L'objectif qui lui a été fixé par la maison mère pour la France est en effet ambitieux.

Pour la première fois, plus de 50% des revenus de licences logicielles d'Infor dans le monde se sont faits dans Cloud. En France, où l'éditeur réalise entre 90 et 100 millions d'euros par an, ce chiffre ne dépasse pas les 5%.

Pour les ERP, qui sont le cœur de métier d’Infor, seuls 17% des revenus français se font via le SaaS. Pourtant, l’éditeur joue à plein la carte Cloud dans ce domaine pour se différencier de ses concurrents historiques (voir encadré).

Ce décalage hexagonal s'expliquerait par un marché local de l'ERP industriel encore peu réceptif au Cloud et, encore et toujours, par un déficit d'image.

Pour l'éditeur New Yorkais, 2017 devra y remédier. Il a fixé à sa filiale française un objectif de 40% des revenus ERP de l'année en mode SaaS.

« C'est un défi, mais c'est réalisable » espère Laurent Jacquemain.

Le responsable Europe du Sud  a déjà identifié des clients Infor sur site qui pourraient être séduits par le SaaS à l'occasion d'un upgrade. Mais il lui faudra tout de même trouver de nouveaux clients. Et leur faire connaître Infor pour les arracher à SAP et à Oracle. Réalisable. Mais un défi tout de même.

La stratégie d'Infor en 3 points

La stratégie du new yorkais de Manhattan s’appuie sur 3 points clefs :

1 - Infor développe des suites industrie par industrie (les verticaux) qui sont utilisables « clefs en main » (moyennant paramétrage tout de même), par opposition à des plateformes communes (comme SAP) personnalisables entreprise par entreprise.

Une des devise d’Infor résume ce parti pris : « Put it in the product, don't customize it ».

Cette personnalisation native se traduit par exemple par une AI adaptée métier par métier ou, dans le cas de BIRST, par le développement de Dashboards analytiques préconçus différents en fonction du secteur d’activité concerné.

2 - Bien que disponible sur site, les solutions d’Infor sont proposées prioritairement dans le Cloud (ses CloudSuite).

« Nous avons vu venir le Cloud il y a 6 ans, c’était bien avant les autres », revendiquent Charles Philips et son bras droit Duncan Angove.

3 – Infor a passé des accords avec Salesforce ou Marketo mais sa philosophie est à l’opposé du « Best of Breeds ». L’éditeur ne cesse de souligner l’intérêt de l’intégration applicative (comme Oracle), du « Single Sign-On », de l’UI unifiée, de la centralisation des informations et des synergies qu’elles rendent possibles beaucoup plus simplement - d'après l'éditeur - qu'avec des solutions éparses.

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