D’après un rapport de Panorama Consulting, la négociation d’un ERP serait devenue plus complexe sous l’effet du cloud, de l’IA et des exigences ESG. Le document recommande également d’intégrer des clauses sur les conditions de réussite des projets et sur la conduite du changement.
Les contrats ERP changent de nature. Selon le rapport annuel du cabinet de conseils en ERP, Panorama Consulting, la logique centrée sur les licences et les frais de maintenance laisserait désormais place à une tarification par abonnement, plus « dynamique », assortie de garanties en matière de sécurité et d’engagements environnementaux.
Ces évolutions plutôt positives ajoutent cependant de nouvelles dimensions à prendre en compte lors des négociations.
Cloud et SLA
Les ERP en mode cloud deviennent, pour Panorama Consulting, la norme.
Conséquence, le rapport met en garde contre une analyse trop rapide des coûts initiaux, qui peuvent sembler faibles dans le cloud. Les conditions associées à ce type d’hébergement du PGI deviennent en réalité critiques et doivent donc être passées en revue.
« Les dirigeants doivent examiner attentivement les termes concernant la portabilité des données, les accords de niveau de service (SLA) sur la disponibilité et les clauses d’évolutivité », résume Panorama Consulting
Un SLA réellement protecteur doit prévoir des pénalités financières explicites si le fournisseur ne respecte pas ses engagements.
Le rapport insiste également sur la vigilance à porter à l’évolutivité : « les systèmes qui semblent rentables au premier abord peuvent entraîner des coûts élevés pendant la croissance ou les périodes de pointe s’ils ne sont pas négociés avec soin », écrivent ses auteurs.
En pratique, il s’agit pour les entreprises de s’assurer que les paliers tarifaires sont clairement définis pour éviter une hausse brutale des coûts en cas de pic ou de croissance de l’activité.
La question de la portabilité apparaît tout aussi essentielle. Elle conditionne la capacité d’une entreprise à récupérer ses données en cas de changement de fournisseur. Sans clauses claires, avertit le rapport, l’entreprise peut se retrouver totalement coincée.
Ces éléments (coûts cachés, modalités de service réelles, mécanismes de sortie) sont des zones de risque majeures qui exigent un examen approfondi.
« [Les systèmes ERP doivent fournir] des résultats d’IA explicables, des journaux d’audit et des mécanismes de gouvernance configurables ».
Rapport Panorama consulting
Les clauses dépassent désormais les seules conditions financières ou techniques pour toucher également à la gouvernance, à la transparence des algorithmes et à l’architecture sous-jacente.
Le rapport insiste sur le fait que, puisque l’IA intervient dans la planification financière ou dans la chaîne d’approvisionnement, la confiance devient un élément stratégique. Les systèmes ERP doivent fournir « des résultats d’IA explicables, des journaux d’audit et des mécanismes de gouvernance configurables ».
Ces exigences doivent figurer explicitement dans les contrats afin de garantir que les décisions « augmentées » par l’IA restent compréhensibles et correctement supervisées.
Le choix de la plateforme ERP s’en trouve également affecté. Le document affirme que les entreprises ont tout intérêt à privilégier des « architectures ouvertes et modulaires capables de s’intégrer avec des outils d’IA ».
Le rapport considère que cette modularité est un critère de négociation, car elle conditionne la capacité à intégrer de nouveaux outils d’IA, sans engager des développements sur mesure, à la fois coûteux et complexes. Cette approche permet dans le même temps de réduire la dépendance vis-à-vis d’un seul fournisseur et de mieux suivre l’évolution rapide des technologies.
Panorama Consulting attire également l’attention sur les risques liés aux solutions d’IA-as-a-Service proposées par les éditeurs.
De nombreux modules d’IA reposent en réalité sur des services cloud tiers, avec des implications contractuelles importantes en matière d’intégration, de conformité et de pérennité. Le rapport recommande donc de se tourner vers des ERP « flexibles et conçus pour se connecter à des outils externes, ce qui permet d’éviter beaucoup de maux de tête ».
Quant à l’arrivée progressive d’agents autonomes dans les ERP, elle imposera de plus en plus de clarifier contractuellement, et noir sur blanc, les mécanismes précis de supervision humaine. Là encore, le cabinet conseille de se tourner vers des systèmes ERP dotés de « des garde-fous configurables, des alertes en temps réel et des circuits d’escalade pour préserver la responsabilité humaine ».
Sécurité et conformité
Les enjeux de sécurité et de conformité se complexifient également.
Les vérifications de base qui suffisaient auparavant ne couvriraient plus l’ensemble des risques liés aux réglementations sectorielles ou aux cybermenaces. Le rapport de Panorama souligne que les contrats « modernes » intègrent à la fois des normes générales, comme ISO 27001 ou SOC 2, et des obligations propres à certains secteurs, comme IPA (santé aux États-Unis), ou à certaines régions, comme le RGPD.
Ces exigences deviennent déterminantes pour les organisations dans les secteurs régulés comme la santé, la finance ou l’énergie. « Les entreprises de ces secteurs devraient éviter le langage standardisé et adapter plutôt les termes à leurs environnements de conformité spécifiques », invite le rapport.
Ce qui implique de définir précisément les réglementations applicables à l’organisation et de vérifier que le contrat couvre bien toutes les dimensions de la compliance (gestion des données sensibles, traçabilité, réponse aux audits, etc.).
Les négociations sur ce point précis nécessitent souvent l’appui d’experts internes, notamment des équipes juridiques et de conformité, voire d’appuis externes.
La question du coût et de la valeur
La logique du « paiement à la performance » gagnerait par ailleurs du terrain par rapport aux abonnements au forfait (par utilisateur et par mois, par exemple).
« Les éditeurs sont de plus en plus ouverts à lier la rémunération à des résultats mesurables », note le rapport. L’objectif de cette nouvelle forme de tarification serait d’aligner plus étroitement les intérêts du client et ceux du fournisseur. En cas de réussite du projet, la valeur est partagée ; en cas de difficultés, une (petite) partie du risque serait assumée par l’éditeur d’ERP.
Des modalités contractuelles peuvent ainsi lier les paiements aux étapes de la mise en service, au taux de disponibilité du système ou au degré d’adoption par les utilisateurs.
Mais l’étude appelle à la prudence. Ces approches, bien que séduisantes en théorie, supposent une définition rigoureuse en amont de KPI objectifs et une supervision par une tierce partie. Sans cela, le mécanisme perdrait en crédibilité comme en efficacité.
Les critères ESG
Les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) entrent aussi dans le nouveau périmètre contractuel de l’ERP.
Selon Panorama, les entreprises cherchent aujourd’hui à évaluer la responsabilité des fournisseurs (ce qui n’est pas toujours simple), tout en s’assurant que l’ERP soutiendra leurs propres engagements ESG.
Un ERP moderne peut faciliter ce type de reporting. Il convient donc de vérifier si l’ERP intègre des outils de suivi et d’observabilité de la chaîne d’approvisionnement (par exemple pour contrôler le respect des droits humains chez les fournisseurs), la robustesse de ces outils, et de formaliser le niveau d’engagement du fournisseur quant à la maintenance de ces fonctionnalités.
L’enjeu est d’aligner, sur le long terme, l’investissement dans l’ERP avec les obligations extra-financières de l’entreprise.
Gestion du changement organisationnel
« Le succès de la transformation numérique dépend de l’adoption du système. »
Rapport Panorama consulting
On le sait, le volet humain est déterminant dans le succès d’un projet ERP. Le meilleur ERP, même bien négocié, sera un échec si les équipes métiers ne comprennent pas les raisons du changement ou si elles ne sont pas suffisamment formées. « Le succès de la transformation numérique dépend de l’adoption du système », insiste Panorama Consulting.
Son étude souligne que l’inscription de clauses sur la gestion du changement (ou OCM pour Organizational Change Management) est une des évolutions les plus notables dans les contrats ERP.
Les clauses OCM peuvent porter sur la formation par rôle, sur le suivi de métriques d’engagement et d’usage, ou encore sur la mise en place d’un accompagnement étendu après la mise en service, au-delà d’une simple assistance technique.
Avec l’OCM, ce ne sont plus seulement les fonctionnalités de l’ERP qui sont contractualisées, mais également les conditions de réussite – résume le rapport.