Edge Computing : oui, mais pour quels usages dans les entreprises

Les cas d’usage autour de l’Edge Computing commencent à se dessiner mais il reste encore des zones d’ombres pour permettre à la technologie de décoller. Cet article fait le point sur l’un des pendants de l’IoT.

Les systèmes IoT ne peuvent pas survivre seuls dans le cloud. L’Internet des objets se frayant un chemin dans les processus des entreprises, certaines applications nécessitent ainsi des analyses en temps réel ou en quasi-temps réel. La latence est ici une problématique clé pour exploiter ces données et leurs analyses.

C’est pourquoi il est aujourd’hui difficile d’évoquer le terme IoT  sans parler de l’Edge Computing. Comme son nom l'indique, il s'agit de traiter des données brutes aux extrémités du réseau, aussi près que possible de leur origine, souvent sur les terminaux eux-mêmes ou sur des passerelles Edge.

Malgré  cette apparence simple, la confusion règne autour du concept, ce qu’il représente, comment l’implémenter et sur ses cas d’usage.

Définir l’Edge IoT

Quand on parle d’Edge Computing, un des premiers concepts qui se présente est celui de Fog Computing. Certains affirment que les termes sont interchangeables, alors que pour d’autres, l’Edge est un segment du Fog Computing.

Robert Schmid, responsable technologique IoT chez Deloitte Digital, définit l’Edge comme de la puissance de calcul placée juste à côté de la machine et qui n’est pas managée. Il place en revanche le Fog Computing loin de ces machines -  au niveau d’une gateway, par exemple. « Cela reste toutefois un peu brumeux. Je pense que nous avons encore une définition à trouver. »

Jason Shepherd, CTO en charge des activités IoT et Edge Computing chez Dell Technologies, confirme quant à lui que le Fog Computing est trop abstrait. Il ajoute que l’Edge est le plus souvent lié à un emplacement physique.

« La façon dont je le décris l’Edge Computing ? Déplacer les ordinateurs aussi près que nécessaire et possible de ceux qui en ont besoin »,  pense-t-il. Pour un spécialiste de la téléphonie, cela pourrait être au bas de la tour de téléphonie cellulaire. Dans une usine, cela s’applique au plus près de la chaîne de production. Pour un constructeur automobile, c'est dans la voiture elle-même. « Et quand on parle de Fog Computing, ce sont l’ensemble des terminaux Edge, le réseau et tout ce qui se trouve entre eux. »

Comment mettre en place l’Edge Computing

« Actuellement, c’est un peu le Far West », lance Chris Gardner, analyste chez Forrester Research. « Il existe de nombreux cas d'utilisation intéressants, mais il n'y a pas vraiment de normes cohérentes en matière d'architecture et d’administration. »

Mais les entreprises sont pourtant prêtes à résoudre cette équation. Parmi les solutions techniques qui donne vie à l’Edge, on retrouve à de nombreuses reprises le déploiement de conteneurs et de microservices au sein même d'un système IoT - que ce soit sur le capteur lui-même, la gateway qui connecte les capteurs, au niveau d’un datacenter modulaire par exemple.

Pour Cisco, ces microservices utilisent le système propriétaire IOx, l’environnement de la société qui, selon Vikas Butaney, vice-président des produits IoT, comporte deux niveaux. Premièrement, il permet d’héberger des microservices sur des gateways Edge et des réseaux traditionnels. Deuxièmement, si on y ajoute Cisco Kinetic, il peut créer des règles qui gèrent les données IoT et ainsi donner forme à une logique au sein du terminal Edge.

Dell, ainsi que de nombreuses autres sociétés, comme Intel, Samsung et VMware, ainsi que des acteurs du secteur tels que FogHorn Systems, Striim et Canonical, ont quant à eux choisi EdgeX Foundry, une solution open source et indépendante, hébergée par la Linux Foundation.

« ll faut considérer EdgeX comme un framework », explique Jason Shepherd de Dell. « Il comporte des API, avec une gouvernance ouverte, indépendante du fournisseur. Chaque microservice qui s'y connecte peut faire référence à ces API, quel que soit le propriétaire ou l'ouverture de ce microservice. C'est le liant qui unit les éléments. »

D'autres options open source sont également disponibles. Si EdgeX cible la couche applicative, Akraino Edge Stack, également open source, apporte des API pour la couche infrastructure.

Pour le responsable de Dell, ils forment la « plomberie » de l'IoT.

Cependant, choisir entre un logiciel propriétaire ou open source n’est pas le plus important pense Chris Gardner. Selon lui, il s’agit plutôt de faire correspondre la plateforme Edge au cas d'utilisation.

« Par exemple, IOx a fait ses preuves dans certains projets liés au manufacturing. Si j'étais une entreprise de ce secteur, j'aimerais explorer ce domaine. Il est probable que certains problèmes architecturaux ont été résolus ou, à tout le moins,  abordés dans de précédentes implémentations », commente-t-il.

Le véritable état d’Edge Computing

IDC prédit qu'au moins 45 % des données créées par l’IoT seront stockées, traitées et analysées au niveau des extrémités du réseau en 2019.

« L’Edge est désormais omniprésent », confirme Jason Gardner, citant par exemple l'installation de serveurs dans des succursales et la collecte des données de l’avionique par l'IoT transmises aux pilotes. « Ce qui est nouveau en revanche, c'est l'utilisation de ressources locales pour renforcer de les technologies IoT et mobiles et créer de nouveaux processus. » Par exemple, a-t-il ajouté, un club de football peut utiliser des balises dans un stade pour identifier les bons maillots à commercialiser en fonction des emplacements des supporters - un cas d'utilisation qui aurait été impossible il y a dix ans à peine.

Chez Deloitte, Robert Schmid constate que près de 80 % de ses projets incluent un composant Edge, souvent parce que l’envoi de données dans le cloud n’est pas possible.

Et de citer l’exemple de la prévention des incendies dans une usine de galvanisation. Parce qu'il y a une source d’incendie potentielle chaque fois qu'un objet est plongé dans un pot de galvanisation, la prévention et la détection ne se résument pas à l'installation d'un avertisseur de fumée acheté à la quincaillerie du coin. « Certains incendies pourraient être mal détectés. Et nous n’avons pas le temps d’attendre, entre la détection au sol et le cloud. C’est un simple exemple de latence. »

Vikas Butaney (Cisco) prend quant à lui l’exemple d’une ville de taille moyenne qui a déployé IOx et Kinetic pour gérer ses intersections et ses flottes. « La ville compte 1 500 intersections et 12 informaticiens. Ils doivent gérer 1 500 voitures de police et camions de pompiers. Cela pose les bonnes questions : comment faciliter le déploiement et la gestion ? »  Considérer la dimension d’échelle était ici essentiel, ajoute-t-il.

Cependant, ces exemples ne signifient pas nécessairement que l’Edge Computing soit prêt à décoller. « Ce n'est pas une réalité, mais tout le monde est prêt et tout le monde est prêt à déployer. Cependant ce n'est pas ce qui se passe actuellement sur le marché », souligne Vikas Butaney. « Je pense que les besoins de nos clients sont assez élémentaires et qu'il est important de se lancer. Nous pouvons ensuite intégrer des éléments tels quele  Machine Learning et des modèles plus sophistiqués dans les terminaux. »

L'application phare de l'informatique de bord IoT

Il existe certainement un cas d’usage métier pour l’Edge Computing, même si celui-ci n'a pas encore été mis au point. C'est à cette extrémité que se passent aujourd’hui les choses. Il est donc facile de comprendre pourquoi certaines applications IoT nécessitent ce traitement. De la latence à la sécurité, l’Edge Computing est logique.

Mais quelle est « la killer app » ?

De l'avis de Chris Gardner (Forrester), il n'y en a pas encore. Il a toutefois constaté des cas d'utilisation intéressants dans les transports, pour par exemple surveiller les données des capteurs sur les wagons et les bus, ainsi que pour surveiller le fret et les bagages. Il a aussi vu des projets auprès des services publics, citant l’exemple d’entreprises du secteur de l’énergie qui surveillent la température et les vibrations des plateformes pour assurer la sécurité des employés. Il voit également diverses applications dans l’expérience client. Dans le commerce de détail par exemple, avec la réalité augmentée et virtuelle.

Jason Shepherd pense davantage au phénomène de computer vision comme application phare. Pour lui, le traitement de données basées sur des images proches de leur source et la mise en parallèle d’événements sont extrêmement utiles. Il a également constaté une augmentation des applications dans le contrôle de la qualité de fabrication et dans le secteur du véhicule autonome. Il pense également que l’Edge Computing peut connaître un certain intérêt dans le commerce de détail et les soins de santé, où la technologie pourra toucher sa cible principale : les personnes.

« Ce que tout le monde veut, c'est créer de nouvelles sources de revenus et de nouvelles expériences client », conclut-il.

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