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Faire une blockchain pour faire une blockchain n'a aucun sens
Un rapport du NIST du Département du Commerce américain revient sur les cas d'usage et les bonnes pratiques qui permettent de mener un « vrai » bon projet blockchain. Première étape ? S'affranchir de l'effet de mode. Et comprendre la blockchain.
Le Département du Commerce américain vient de publier un rapport sur les blockchains avec plusieurs conseils pour les entreprises. Plus exactement, c'est le NIST (National Institute of Standards & Technology) qui a rédigé ce document de synthèse d'une soixantaine de pages, titré « Blockchain Technology Overview ». Celui-ci revient dans le détail - et très clairement - sur les fondements de la technologie : registre distribué, noeuds, consensus, hash, « preuve de », blocks, Smart Contracts. Mais, surtout, il aborde la thématique d'un point de vue pragmatique (ce qui n'est pas toujours le cas) pour les entreprises qui souhaiteraient la tester.
Pourquoi une Blockchain plutôt qu'une base de données classique ?
Devant la vague marketing et l'avalanche de projets plus ou moins sérieux, les premières réactions dubitatives ont commencé à se faire entendre.
Une blague regrettait par exemple que la Blockchain, qui sait tout faire en PoC depuis la traçabilité alimentaire jusqu'à l'assurance sur les annulations de vols, ne puisse toujours pas faire le café en production. Une infographie, sarcastique et purement humoristique, résumait cette défiance grandissante :
Blague mise à part, la vérité est évidemment plus nuancée. Le Gartner évalue dans son Hype Cycle que l'usage de la blockchain arrivera à maturité d'ici 5 à 10 ans. Elle ne pourra pas tout faire, certes, mais il existe de nombreux cas où elle est une option très intéressante à tester.
Frédéric Panchaud, l'ex Monsieur blockchain de Viseo, nous dévoilait les leçons que les premiers projets blockchain.
Récemment, Martha Bennett, analyste de Forrester Research, dessinait elle aussi les contours d'une réflexion sur l'usage pertinent (ou pas) d'une blockchain dans un projet d'entreprise.
Pour faire un pré-diagnostic, Martha Beneth recommandait de se poser quatre questions clefs :
- Plusieurs parties ont-elles besoin d'accéder au même jeu de données ?
- Toutes les parties ont-elles besoin d'être sûres que les données sont justes et n'ont pas été falsifiées ou dégradées ?
- Le système actuel est-il sujet aux erreurs, incroyablement complexe, peu fiable, en désordre ?
- Y a-t-il de bonnes raisons de ne pas avoir un système unique et centralisé ?
Les modèles de décisions ont fleuri pour répondre à cette question simple : pourquoi utiliser une Blockchain plutôt qu'une base de données classique ?
Une question pas si simple au final car si l'on sait lire entre les lignes des réponses des responsables des projets, les motivations d'un projet blockchain ne sont pas que techniques. Loin de là.
« Vouloir à tout prix tester » vs « Trouver un bon cas d'usage »
« La peur de passer à côté est grande. Beaucoup d'organisations abordent la question sur le mode du "nous voulons absolument tester la blockchain, sur quoi pouvons-nous le faire ?" », confirme le NIST. Or cette approche « débouche souvent sur des frustrations parce qu'il s'agit d'une technologie qui n'a pas vocation à tout résoudre ».
Au contraire, son rapport préconise « une bien meilleure approche [qui] consiste d'abord à comprendre la blockchain - là où elle est adaptée ; puis à identifier les systèmes (anciens ou nouveaux) qui peuvent gagner à entrer dans le paradigme des blockchains ».
Pour repérer ces systèmes, on pourra avantageusement appliquer le révélateur de Martha Beneth. Le rapport du US Department of Commerce rappelle pour sa part - en reprenant un arbre décisionnel du Department of Homeland Security - que la blockchain est un dépôt de données bien particulier.
Il est partagé, participatif (plusieurs entités sont amenées à y écrire), non modifiable a posteriori (ou immuable), avec un registre public ou semi-public (c'est à dire dont les données ne sont pas entièrement confidentielles), entre acteurs qui ne se font a priori pas confiance. Et, dernier point, mais pas des moindres, il s'agit d'une base adaptée aux enregistrements pour lesquels la chronologie exacte des évènements est importante.
Avoir une approche critique et favoriser les solutions existantes
Avec cette approche en entonnoir, les cas d'utilisations pertinents semblent assez peu nombreux. Et encore, même si un projet correspond aux 7 points ci-dessus, la conclusion est qu'il peut être un cas approprié pour une blockchain. Pas qu'il l'est.
Mais le NIST l'assume. « L'approche critique est celle que la plupart des organisations devraient avoir ; elles devraient évaluer si d'autres solutions IT existantes (NDR : bases de données, bases managées, bases chiffrées, bases distribuées) peuvent résoudre leurs problèmes ». Le rapport enfonce le clou : « analysez la blockchain et utilisez là si elle est pertinente - pas parce que c'est nouveau ».
Reste que ce rapport - téléchargeable gratuitement sur le site du NIST - oublie un avantage actuel évident de la blockchain. Elle est un formidable outil de communication pour faire parler de son entreprise, se donner une image moderne et innovante, et au final « être à la mode ». Ce qui, comme le souligne bien Frédéric Panchaud est une justification tout aussi valable qu'une autre lorsque elle est assumée.
Merci à Jonathan Gérardin de Wavestone d'avoir attiré notre attention sur ce rapport.
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