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Fin de Windows 10 : faut-il passer à la virtualisation ?
Alors que Microsoft cesse de supporter Windows 10, plus de 40 % des appareils continuent de l’exécuter. Les directions informatiques doivent désormais décider comment gérer ce parc hétérogène et quelles stratégies adopter pour l’avenir.
Windows 10 n’est plus pris en charge par Microsoft. Pourtant, selon les données de StatsCounter, plus de 40 % des appareils Windows fonctionnent encore sous ce système d’exploitation vieux de dix ans. Ce n’est qu’en juillet dernier que Windows 11 a dépassé son prédécesseur en parts de marché. L’étude révèle également que 4 % des utilisateurs utilisent toujours Windows 7, tandis que 0,38 % continuent d’exploiter Windows XP, près d’un quart de siècle après sa sortie.
Microsoft propose bien des mises à jour de support étendu (ESU) aux entreprises, facturées 61 dollars par appareil et par an. Ce tarif double chaque année pendant un maximum de trois ans. L’éditeur précise toutefois que ces mises à jour sont disponibles sans surcoût pour les machines virtuelles Windows 10 hébergées sur plusieurs services Azure.
Pour les organisations qui dépendent encore largement de Windows 10 ou souhaitent éviter de futures migrations complexes, plusieurs scénarios s’offrent à elles.
La migration vers Windows 11 : solution évidente, mais pas toujours possible
La voie la plus directe consiste à migrer vers Windows 11, une option que Microsoft encourage depuis plusieurs années par des messages répétés. Dans les secteurs fortement réglementés, cette transition est d’ailleurs devenue la norme et devrait déjà être engagée.
Mais pour Eran Livne, directeur principal de la gestion produit chez Qualys, cette option n’est pas toujours réalisable : de nombreux appareils sous Windows 10 ne sont tout simplement pas capables d’exécuter le nouveau système, faute de module TPM (Trusted Platform Module) ou d’autres composants requis.
Ce problème dépend aussi du cycle de renouvellement matériel de chaque organisation. Et beaucoup d’entre elles, surtout les grandes, ignorent parfois l’état réel de leur parc. « Les appareils Windows 10 sont des terminaux clients. Cela signifie qu’il faut les trouver là où ils sont. Une machine dont personne ne soupçonne l’existence peut très bien rester dans votre environnement sans que personne ne la suive », prévient Eran Livne.
Nombre de ces machines sont des terminaux de paiement ou des distributeurs automatiques de billets (DAB). « Le problème, c’est qu’il s’agit de systèmes fermés. Ce sont juste des boîtes. Mettre à jour tous ces terminaux de paiement, tous ces DAB, c’est extrêmement compliqué », ajoute-t-il.
Même une fois ces obstacles surmontés, toute mise à jour comporte des risques de défaillance liés à des changements de code non documentés, à des dépendances ou à d’autres problèmes logiciels habituels. « Cela signifie énormément de tests, et donc énormément d’argent », résume Eran Livne.
Virtualisation : une alternative de plus en plus crédible
Les machines Windows 10 laissées en place et les applications anciennes deviendront une cible de choix pour les cybercriminels. Il faut donc les sécuriser, par exemple en désinstallant autant que possible les logiciels obsolètes ou en isolant les appareils qui ne peuvent pas être mis à jour.
Kevin Mootoosamy, directeur commercial de JK2 Consulting, spécialisé dans les migrations massives, recommande d’envisager des options virtuelles. Son cabinet a accompagné une grande institution financière britannique dans la migration de plus de 100 000 appareils – physiques et virtuels – et de 3 000 applications vers Windows 11.
« Nous avons mis en place un processus en “T moins” (T-minus process), qui consistait à envoyer des communications aux équipes, à leur faire tester la migration et à vérifier que tout fonctionnait sur Windows 11 », explique Kevin Mootoosamy. Une fois le processus validé, la migration a été lancée progressivement et entièrement automatisée, réduisant sa durée de plusieurs années à une seule.
Certaines machines, manifestement obsolètes, ont dû être remplacées. Mais les plus grands obstacles concernaient les applications – souvent développées en interne il y a plusieurs décennies. Celles-ci ont été transférées sur des machines virtuelles « en attendant » leur refonte.
Cela soulève une question clé : une approche 100 % virtualisée peut-elle offrir un moyen plus simple de migrer ? Peut-être pas pour Windows 10 aujourd’hui, mais potentiellement pour l’avenir.
Centraliser pour mieux gérer
Pour James Sturrock de Nutanix, les clients de sa plateforme bénéficient déjà d’un environnement où « tous les postes de travail sont centralisés ». « D’un point de vue sécurité des données et conformité réglementaire, tout reste sous votre contrôle », souligne-t-il.
Dans un tel environnement, la mise à jour d’un système d’exploitation devient plus simple : « Il suffit de mettre à jour une image principale, et tous les postes de travail sont automatiquement concernés », explique-t-il. Cela permet aussi d’effectuer des instantanés (snapshots) et de revenir en arrière en cas de problème.
Nutanix propose également son service NC2, qui exécute sa pile logicielle dans un hyperscaler et donne accès à des mises à jour de sécurité étendues ainsi qu’à d’anciennes versions logicielles. « Vous pourriez continuer à exécuter Windows 10 et il serait toujours pris en charge dans NC2, même après sa fin de vie », précise James Sturrock.
Citrix : prolonger la vie des applications
Autre partenaire historique de Microsoft, Citrix propose une voie différente. Selon un porte-parole, « Citrix offre un moyen sécurisé et fiable de donner accès aux applications Windows 10 difficiles à migrer, grâce à Citrix DaaS et Citrix Virtual Apps and Desktops ».
Les appareils clients incapables de faire tourner Windows 11 peuvent même être réutilisés via Citrix Unicon, transformés en terminaux d’accès sécurisés sous Linux pour accéder à ces applications virtualisées, ce qui permet aux entreprises de réduire leurs coûts.
Adopter un environnement virtualisé comporte néanmoins ses propres défis, notamment celui de la compatibilité applicative. « Il y a tout un cycle de test et de développement à mettre en place », souligne James Sturrock. De plus, les exigences matérielles de Windows 11 subsistent en partie : « Si vous pouviez faire tourner 50 postes virtuels sur un serveur avec Windows 10, ce chiffre pourrait tomber à 40 », prévient-il.
Chercher des alternatives – ou rester sur place
Certaines entreprises explorent d’autres voies. Kevin Mootoosamy cite le cas d’un client dont une cinquantaine d’employés, lassés de l’écosystème Microsoft, ont choisi de basculer vers les ordinateurs portables Google et Workspace. « J’ai pu échanger avec la direction pour évaluer les options », dit-il.
Mais ces décisions restent rares. « Microsoft est la norme de l’industrie. Dans la plupart des projets, la décision est déjà prise au sommet », reconnaît-il. Convaincre les décideurs d’envisager une autre solution demeure difficile.
D’autres évoquent le fantasme récurrent d’un « âge d’or de Linux sur le poste de travail ». « Je l’ai déjà vu fonctionner avec succès, mais il faut être très audacieux pour déployer cela à grande échelle », admet James Sturrock. L’adoption reste marginale : en août 2025, Linux représentait 3,92 % des systèmes dans le monde, en baisse par rapport aux 4,55 % de l’année précédente.
Et puis il y a l’option dont peu de professionnels osent parler ouvertement : ne rien faire. Un consultant estime que pour les organisations non soumises à des contraintes réglementaires et sans plan de migration en cours, la meilleure stratégie pourrait être de rester sur Windows 10 un temps.
« Si j’étais une petite entreprise, je ne m’en inquiéterais pas trop », affirme-t-il. « Ce n’est pas comme si tout allait s’arrêter le 1er novembre. Certains diront même que c’est mieux : vous ne serez plus dérangés par toutes ces mises à jour de sécurité. »
Ce pari comporte des risques, mais il peut fonctionner – comme en témoignent les irréductibles qui utilisent encore Windows XP, 25 ans après sa sortie.