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ERP : Supplay (groupe Manpower) bâtit du neuf à partir d’un existant pas évident

ERP maison, et ancien, données réparties sur 185 agences, et des bases de données propriétaires. L’existant de Supplay partait de loin. Grâce à la virtualisation des données et au low-code, la DSI a pu malgré tout développer de nouvelles applications et se transformer rapidement.

Supplay (700 millions d’euros de chiffre d’affaires) est une filiale du groupe Manpower. Son legacy était ancien et monolithique, un handicap pour se moderniser et permettre à la DSI de 26 personnes de satisfaire les demandes de ses métiers. Mais elle y est tout de même arrivée.

Libérer l’accès au trésor de guerre interne

Le cœur du SI, explique son DSI André Wei, est un ERP développé en interne en 4 GL il y a 30 ans, une base de données propriétaire, un fork d’Informix, et « un monolithe par agence », soit une informatique dédiée pour chacune des 185 agences de Supplay.

« Nous partions de loin, de très loin », se souvient André Wei, qui dit aujourd’hui être un « DSI heureux » après deux ans et demi à son poste. Il reconnaît toutefois que la peinture est encore fraîche, mais avec des fondations solides qui lui permettent « désormais de délivrer rapidement. »

Mais pour y parvenir, la DSI a dû trouver un moyen d’accéder à son « trésor de guerre » : un patrimoine riche de 30 ans de données d’historique. Deux ans plus tôt, le SI et ses flux de données relevaient du « plat de spaghettis ».

L’enjeu, résume André Wei à l’occasion de la Matinale Data & IA de Business & Décision, « consistait à conserver l’ADN de l’entreprise tout en transformant. » Cela signifiait en particulier préserver l’efficacité économique du SI (sa « frugalité ») et de l’organisation. Pas question de bousculer le modèle économique et de transformer Supplay en entreprise technologique.

Priorité est ainsi donnée à la modernisation du SI et à la création de nouveaux services, notamment de sourcing, pour rester compétitif sur le marché de l’intérim. Comment y parvenir en dépit d’un ERP ancien, mais qui présente l’avantage « de coller aux processus métiers » et aux spécificités de Supplay ?

« Il était très complexe de migrer sur un ERP du marché », constate André Wei. Par ailleurs, un tel projet de migration aurait retardé les projets de transformation de plusieurs années. La DSI a donc fait le choix de conserver certains composants de son legacy et d’y ajouter une couche logicielle.

Microservices, API et virtualisation des données

Le résultat est une architecture à base de microservices et de virtualisation des données avec la technologie de Denodo. « Nous avons développé des API dont la fonction est d’appeler un champ fonctionnel en entier […] L’API appelle l’information qui correspond à une vue des données contenues dans la base de données sous-jacente. »

« Nous avons développé des API dont la fonction est d’appeler un champ fonctionnel en entier […]. L’API appelle l’information qui correspond à une vue des données contenues dans la base de données sous-jacente. »
André WeiDSI, Supplay

Toutes les applications développées par Supplay, comme celles sur mobile, reposent ainsi sur des API. Outre une base pour des besoins de cache notamment, les applications accèdent donc aux données des bases du siège et des agences.

« Nous avons continué à écrire dans les bases de données de notre ERP, notre colonne vertébrale métiers, et nous exploitons uniquement ces sources », sans réplication au niveau des différentes applications.

Voilà pour la version courte. Le DSI ajoute cependant que ce chantier d’intégration de données s’est avéré « complexe à mener ». Trois mois ont été nécessaires pour former les équipes, déployer la solution de virtualisation et installer le socle technique pour développer les applications.

200 Go de données structurées et des écrans en low-code

L’évolution IT de l’entreprise ne pouvait pas attendre. Après 30 ans de croissance, Supplay rencontre des difficultés en 2022. « Nos méthodes n’étaient plus les bonnes. Il fallait [nous] transformer très vite », justifie le DSI qui siège également au Codir. Le métier du sourcing faisait par exemple défaut à Supplay.

« Cette urgence est à présent derrière nous ». Et cela grâce à l’accès « au trésor de données » permis par la nouvelle architecture. Cette disponibilité a d’abord été exploitée pour des usages transactionnels, mais Supplay développe aussi des applications analytics, c’est-à-dire du décisionnel.

La DSI dispose par ailleurs de microservices fonctionnels. Ceux-ci permettent d’appeler, par API, les données (200 Go de données structurées au total, répartis sur les 180 bases en agences). « Le système est extrêmement optimisé […] La gouvernance s’avère très simple. Au travers de développements d’API, il est possible d’afficher les données sur tous les écrans conçus pour les applications. »

Pour André Wei, être une DSI qui dit oui nécessite certes du sponsoring et des budgets, mais surtout un accès aux données, insiste-t-il. Ces fondations lui permettent à présent d’implémenter de nouveaux cas d’usage et de remplir le backlog de projets métiers « qui sont aujourd’hui demandeurs ». Satisfaire ces attentes dans des délais raisonnables est « critique », car c’est la source d’un avantage concurrentiel, souligne André Wei.

Les modules de l’ERP progressivement décommissionnés

La DSI peut désormais s’attaquer à la modernisation de son existant et à la réduction de sa dette technique.

En concevant de nouvelles applications et des écrans, Supplay réduit en effet sa dépendance à son ERP. L’outil de sourcing est amené à prendre en charge toute la gestion des intérimaires. Une nouvelle application pour les interactions avec les clients se substitue elle aussi à l’ERP pour la gestion administrative et la facturation.

« En même temps que nous préparons ce changement d’ERP, nous avons développé de multiples applications d’IA, par exemple pour automatiser de nombreux traitements et ainsi aider les agences. »
André WeiDSI, Supplay

Grâce à ces services applicatifs intégrés progressivement, Supplay s’affranchit du principal composant de l’ERP, le module « agence ». La voie vers un décommissionnement de l’ERP s’ouvre.

Un changement d’ERP d’emblée aurait eu des conséquences sur la productivité durant 3 ans, évalue le DSI. Et ce temps n’aurait donc pas été consacré à la conception de services nécessaires à la création d’un avantage concurrentiel, ajoute-t-il. La DSI a donc opté pour un scénario alternatif.

« En même temps que nous préparons ce changement d’ERP, nous avons développé de multiples applications d’intelligence artificielle, par exemple pour automatiser de nombreux traitements et ainsi aider les agences […] Nous avons implémenté de nouveaux services tout en modernisant l’ERP sans devoir en passer par une [longue] phase de transition. »

Datawarehouse et Data Catalog pour l’IA et la BI

Sur les performances, le résultat est jugé satisfaisant malgré le choix d’architecture. Un appel base de données est en effet plus rapide qu’un appel API. Supplay en a tenu compte en repensant sa méthode de développement et en s’inspirant des pratiques issues du mobile.

Dans ce cadre, Supplay exploite d’ailleurs une solution low-code/no-code pour la conception des écrans des applications. La combinaison du low-code et des API a été clé afin de livrer rapidement et soigner le time-to-market, apprécie le DSI.

Pour accélérer l’usage des données, l’entreprise s’est aussi dotée d’un entrepôt de données, créé avec Denodo. Avec des API, Supplay répond à ses besoins liés au transactionnel. Pour la BI et l’Intelligence artificielle, elle s’appuie sur la couche sémantique du catalogue de données de Denodo.

En ce qui concerne le cloud, Redshift (AWS) a été envisagé au début du projet. Mais 200 Go de données ne justifiaient pas une telle migration cloud, considère le DSI. Ceci étant, l’accroissement du patrimoine de données (vidéos, etc.) n’interdit pas un recours ultérieur au cloud.

Sur l’IA, Supplay s’appuie sur deux Data Scientists en interne et sur un partenariat académique avec l’université de Reims. En stage ou en alternance, des étudiants du master IA ont participé au développement de modèles pour des usages de type moteurs de recommandation sur le sourcing, de matching, ou de prédiction des documents administratifs en agence.

Dans le recrutement et l’intérim, il est critique pour les entreprises de « se créer la ressource », confie André Wei. La solution : du presque matching. L’entreprise identifie les profils les plus susceptibles de répondre à un poste et les parcours de formation associés pour atteindre un matching complet.

« C’est différenciant pour une entreprise d’intérim dans un contexte de pénurie de ressources. […] Par rapport à nos concurrents, nous faisons des choses en IA dont eux ne disposent pas. Et nous le pouvons parce que nous avons accès à la donnée », martèle-t-il.

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