Brian Jackson - Fotolia

La Gendarmerie nationale implique ses 130 000 militaires dans sa transformation

La Gendarmerie s’est lancée dans un grand projet de transformation. Mais pas question de ne pas impliquer ses effectifs. L’institution s’est dotée de la solution SaaS de Qualtrics pour collecter leurs avis, en s’assurant de la confidentialité totale des données et d’un TCO prévisible.

On a coutume de dire que l’Armée est une « Grande Muette ». Il arrive pourtant qu’elle demande aux militaires de partager leurs avis. C’est le cas à la Gendarmerie nationale.

La gendarmerie s’est en effet engagée dans un plan stratégique de transformation, en 5 ans, Gend 20.24 porté par le général d’armée Christian Rodriguez et « élaboré sous l’autorité du ministre de l’intérieur, afin de donner à la gendarmerie un nouveau modèle à l’horizon 2024 » 1. Or « même si nous avons un statut militaire, on ne fait pas une transformation en disant aux gens “garde à vous, faites ce qu’on vous dit” », explique le général Patrick Touak, sous-directeur des systèmes d’information de la Sécurité intérieure. « On ne peut pas transformer une organisation sans solliciter l’avis de nos militaires. On le fait avec eux ».

Pour collecter ces avis, la gendarmerie utilisait jusqu’ici un outil open source. Mais selon le responsable, qui l’a utilisé personnellement, l’ergonomie n’était pas satisfaisante : concevoir des sondages était « fastidieux » tout comme l’exploitation des résultats.

« Quand on acquiert une solution, nous nous posons deux questions : peut-on utiliser techniquement ce type d’offre ? Et est-ce soutenable financièrement ? »
Général Patrick TouakSous-directeur des systèmes d’information de la Gendarmerie nationale

Le général Patrick Touak et son équipe se sont donc lancés à la recherche d’une alternative plus simple et plus fluide pour accompagner Gend 20.24. La solution devait (aussi et surtout) répondre aux critères très stricts de la gendarmerie.

« Dès le début, quand on acquiert une solution d’un éditeur, nous nous posons deux questions : est-ce que techniquement on peut utiliser ce type d’offre ? Et est-ce soutenable financièrement ? », confie le sous-directeur. « Une de nos obsessions, c’est le coût de possession dans la durée (TCO) », ajoute-t-il.

Pour la partie technique, l’outil d’écoute des collaborateurs devait donc pouvoir être mis en œuvre dans un environnement sécurisé, s’intégrer avec le SIRH de la gendarmerie (du SAP sur site) et assurer la confidentialité stricte des données.

Plusieurs solutions sont alors proposées. Dont une, justement par SAP : Qualtrics. Comme celle-ci répondait aux critères, « on a tenté l’aventure », raconte Patrick Touak, également séduit par sa promesse de simplicité, sa capacité à partager les enquêtes déjà faites (et ne pas avoir à tout refaire à chaque fois), et par l’exploitabilité des résultats.

Un Qualtrics qui n’accède pas aux données sensibles

Qualtrics est une solution pure SaaS, hébergée sur AWS. « Nous cochions toutes les cases pour ne pas être choisis par la gendarmerie », plaisante aujourd’hui Olivier Savornin, General Manager Southern EMEA de Qualtrics. Un grand sujet – si ce n’est le grand sujet – a donc été la connexion avec le SIRH sur site, hébergé au sein du datacenter de la gendarmerie.

L’intégration s’est faite avec les APIs de Qualtrics. Mais avec un grand « Mais ». La gendarmerie l’a faite « en garantissant la sécurisation et l’anonymisation des données », insiste le Général.

Concrètement, les données critiques (par exemple les noms et les prénoms) sont anonymisées depuis le SIRH avec un ID avant d’être envoyées à Qualtrics. Quand un militaire répond, son retour et l’ID sont réconciliés avec l’identité réelle du répondant ou avec ses caractéristiques dans le SIRH. « La plateforme [de Qualtrics] sert pour la production, la gestion des données [des réponses], et un peu l’interprétation ».

En revanche, l’envoi des mails – qui exige d’accéder aux adresses (qui peuvent chacune être un proxy d’une identité) – ne se fait pas via le service de l’ex-filiale de SAP. « C’est le sujet que nous sommes en train de traiter », confie au MagIT Patrick Touak qui souhaite aller plus loin dans l’automatisation, mais sans sacrifier à cette sacro-sainte confidentialité.

Par ailleurs, pour contrecarrer les risques du SaaS, la gendarmerie gère en interne ses propres clefs de chiffrement.

Un coût fixé à l’avance

Pas question, non plus, de se laisser déborder en cas de popularité croissante, qui augmenterait les coûts, comme c’est possiblement le cas avec un paiement à l’usage dans le SaaS. « On se met d’accord sur un usage et sur un périmètre. Et à partir de là, nous n’avons pas de coûts additionnels », explique le Général Patrick Touak, « nous voulons être sur un usage maîtrisé ».

C’est exactement ce qui a été fait avec Qualtrics. « C’était fondamental pour notre collaboration ». Sans cela, et indépendamment de la qualité de la solution, la gendarmerie n’aurait pas signé.

Le périmètre choisi – du moins dans un premier temps – est celui des 100 000 gendarmes et des 30 000 réservistes de l’institution.

Plusieurs études internes déjà menées

Une fois le contrat signé, le chantier de déploiement, d’intégration et de sécurisation a pu commencer pour apporter rapidement ses premiers cas d’usages.

 « Ce n’est pas un travail aussi complexe qu’il y parait », constate le Général Touak, qui rappelle toutefois que la DSI de la gendarmerie a une singularité : « nous sommes notre propre intégrateur ».

« Dès que l’on a contractualisé, j’ai voulu rapidement montrer la valeur de la solution en interne », continue-t-il. « En quelques semaines seulement, nous avons pu faire notre première enquête de masse sur plusieurs milliers de personnes ».

Depuis, la gendarmerie a mené une vingtaine de sondages internes. Certains pour quelques dizaines de personnes, d’autres sur un périmètre aussi vaste que le monde entier (la gendarmerie a 4 200 implantations y compris à l’étranger).

Par exemple, une enquête a demandé à 31 000 réservistes s’ils étaient disponibles pour les JO 2024, et s’ils l’étaient pour une autre région que la leur. « Cela aurait été compliqué auparavant. Là, on a eu un retour de presque 50 %. Ce qui est très satisfaisant » se félicite Patrick Touak. Un sondage devrait être fait chaque trimestre. « Cela aura un impact opérationnel très fort en planification ».

Autre exemple, la DRH a sollicité 2 000 officiers sur leurs mutations (les officiers et sous-officiers changent d’affectation périodiquement). 80 % ont répondu contre 75 % auparavant. Là encore, le gain de 5 % est jugé très appréciable par les responsables de l’enquête.

Troisième exemple : à chaque passage au Commandement des écoles, les avis des gendarmes sont recueillis pour améliorer les formations.

Doucement, mais sûrement

À présent, le Général Patrick Touak veut aller plus loin avec Qualtrics. Mais doucement.

Quelques mois après le lancement du projet, l’industrialisation totale n’est pas encore là. Le but, une fois celle-ci effective, sera par exemple de lancer un sondage directement depuis le SIRH, sans autre action que celle de préciser la population visée.

Cette volonté s’inscrit dans la philosophie « Dites-le une fois » de la gendarmerie. « Mon Directeur général n’accepterait pas qu’un gendarme doive dire deux fois la même chose. Par exemple, la situation de famille, entrée dans le SIRH, est utile pour gérer le logement attribué. Pas question que l’on demande plusieurs fois cette information » illustre le Général. Les systèmes sont intimement intégrés. Qualtrics doit fonctionner de la même manière « fluide et transparente ».

Avec l’industrialisation totale, les informations présentes dans le SIRH sur les gendarmes qui passeront en formation déclencheront par exemple automatiquement une enquête. « Plus besoin de faire une mailing-list, le SIRH saura qui était là ou pas. Et l’envoi est fait au bon moment », entrevoit déjà le sous-directeur. Ce n’est pas encore le cas, mais « on y sera dans quelques semaines », promet-il.

Pas question, cependant, de brûler les étapes. « Nous allons pas à pas. Nous n’essayons pas d’utiliser toute la puissance de l’outil [d’un coup] », nuance le Général Touak qui souligne l’importance de l’accompagnement des utilisateurs dans l’IT pour que les fonctionnalités soient réellement utilisées.

Une ouverture des sondages vers l’extérieur ?

Dans les prochaines étapes, en plus de l’industrialisation, le responsable envisage d’utiliser les capacités de redressements (les gendarmes sont des populations disparates qui ne répondent pas toujours conformément au pourcentage qu’elles représentent) et d’analyse de texte (text mining) pour poser des questions plus libres avec des réponses plus ouvertes exploitables.

L’outil pourrait également s’ouvrir à la Police nationale. « Nous sommes une DSI commune et [la Police] a la même problématique de demander leurs avis aux personnels quand elle transforme les choses », rappelle-t-il.

L’ouverture pourrait également se faire vers l’extérieur, vers les élus (« Nous sommes une force de proximité, avoir l’avis des Maires est fondamental »). Et pourquoi pas vers les usagers des téléservices ? Une possibilité qui ne se fera que « si nos finances le permettent », plaisante le Général en lançant une perche à Olivier Savornin de Qualtrics, sur une question qui est, derrière la boutade, un des points les plus sérieux de la stratégie IT de la Gendarmerie nationale.

1 Présentation stratégique du projet annuel de performances par le Général d’armée Christian Rodriguez.

Pour approfondir sur Applications métiers

Close