Newen (TF1) compte sur le métavers pour vendre et promouvoir sa production

Groupe de production audiovisuelle, Newen s’est doté d’un environnement virtuel pour recevoir ses acheteurs internationaux, mais aussi présenter ses dernières productions, dont ses séries. D’autres usages sont en développement.

Sa série vedette « Plus belle la vie » prend fin, mais Newen possède d’autres contenus à son catalogue. Propriété de TF1 depuis 2015 (à 100 % en 2018), le producteur et distributeur poursuit son développement à l’international. En 2017, la troisième saison de sa série « Versailles » était ainsi vendue dans 135 pays.

Ces ventes de productions audiovisuelles ont cependant été profondément chamboulées par le Covid. Comme le rappelle lors de l’IMAgine Day Metaverse Marianne Carpentier, directrice de l’innovation et des technologies, ce processus est étroitement lié à des événements physiques, comme des salons.

Capter les acheteurs étrangers lors du Festival de Cannes

Lors de ces rendez-vous, les producteurs doivent réunir leurs acheteurs en un même lieu. « Le Covid a mis un gros coup dans nos transactions et nos négociations puisque nos acheteurs étaient répartis aux quatre coins du monde », souligne la responsable de Newen Studios.

L’entreprise a donc dû imaginer d’autres moyens de présenter sa production et de vendre. En janvier 2022, la directrice innovation réalisait une présentation en Comex des technologies NFT et métavers… sans totalement convaincre. Mais si les confinements ont pris fin en France, ils se poursuivent dans d’autres pays, notamment en Asie.

En février 2022, le directeur de la distribution est ainsi directement confronté aux effets persistants de la pandémie. En effet, aucun acheteur asiatique ne pourra a priori être présent lors du Festival de Cannes en mai, un rendez-vous majeur pour les vendeurs de contenus.

Le besoin exprimé devient d’un coup beaucoup plus tangible. La décision est prise de concevoir un espace métavers pour recevoir les clients.

En quête de prestataires, Marianne Carpentier rencontre Komodal, spécialisé dans les services et conseils sur le métavers et les mondes virtuels, et Manzalab, éditeur de minivers, dont Teemew, un espace virtuel dédié à la formation. L’objectif est de concevoir rapidement un environnement adapté aux standards du cinéma.

« Le rendez-vous était celui du Festival de Cannes où se réunissent les plus grands producteurs (…) L’effet “wahou” était indispensable pour cette clientèle. Impossible de proposer un espace virtuel pixelisé à la Roblox », souligne la directrice innovation. Pour développer cet environnement sur-mesure, Newen a donc collaboré avec les équipes créatives de Manzalab.

Stand et salles de réunion virtuels et immersifs

Pour rejoindre l’espace, les utilisateurs créent au préalable un avatar après le téléchargement d’une photo. L’étape nécessite moins d’une minute pour proposer un avatar – qui peut être personnalisé. La connexion s’effectue sans casque de réalité virtuelle pour faciliter l’usage.

Photo projet métaverse Newen
Le métavers selon Newen

Conçus pour le Festival de Cannes, des éléments de la ville ont été modélisés, en vue 360. Cette modélisation est évolutive. En novembre, Newen participe à un événement à Londres pour la présentation dans le métavers d’une nouvelle série. Le décor sera donc adapté pour proposer une vue de la capitale britannique.

Le métavers développé se présente comme un « stand virtuel » intégrant des fonctionnalités multiples adaptées au métier de l’audiovisuel. Ainsi, des écrans activables permettent de diffuser bandes-annonces et autres trailers. Les avatars peuvent interagir. Une fois à proximité se créent automatiquement des cercles de conversation.

« Je peux ainsi discuter en mode one-to-one de manière très fluide. Si je m’éloigne, la communication s’arrête. Cela permet de créer des conversations privées même avec plusieurs personnes à l’intérieur de l’environnement », détaille Marianne Carpentier.

L’espace Teemew de Newen Studios comprend également des salles de réunion, quatre au total, dont trois « assez classiques » et une « salle de Comex ou Codir permettant de réunir 20 personnes autour de la table. » Ces lieux virtuels intègrent des écrans pour le partage de présentations pour un fonctionnement comparable à une visioconférence sur Teams, avatar en plus.

Réunions d’équipe et mise en valeur des séries

Après un premier test lors du Festival de Cannes, la directrice innovation se félicite du rendu avec « un sentiment de présence très fort, en comparaison d’un Teams où l’on n’a pas l’impression d’être physiquement avec les autres participants. En outre, les échanges se révèlent beaucoup plus fluides. »

Le métavers de Newen poursuit sa vie au-delà du festival. Le recrutement fin septembre d’un chef de projet métavers a été mené directement sur la plateforme. Une cinquantaine de premiers entretiens ont été réalisés selon ce mode, permettant de faire la présentation de l’environnement et de finaliser une sélection de candidats.

D’autres usages se mettent en place. Les réunions d’équipe du pôle innovation sont organisées régulièrement dans le métavers, en alternance avec Teams. « Par cette pratique, nous nous acculturons à ces environnements virtuels. » Et d’autres services, dont le juridique et la communication, toquent à présent à la porte pour réaliser également leurs réunions d’équipe dans cette configuration.

Mais Newen souhaite avant tout développer les applications pour la vente de ses médias. En plus des rendez-vous business, la filiale de TF1 a pris la décision « de passer la seconde en créant des espaces qui représentent les univers des séries » en projet et dans l’attente d’acheteurs.

En octobre, un nouvel espace dédié à une série accueillait des chaînes du monde entier, avec la présence (virtuelle) de son réalisateur. « Ce n’est pas qu’un espace de présentation. Les visiteurs peuvent se promener » et interagir avec différents écrans dans un décor calqué sur l’univers de la série.

L’immersion présente comme avantage de « gamifier l’expérience des acheteurs » et ainsi de favoriser l’achat du contenu. Pour concevoir ce nouvel environnement, Newen a dû développer la partie graphique, c’est-à-dire le décor. Une étape qui nécessite 1 à 2 mois. En revanche, toutes les fonctionnalités, dont celles de discussion privée, sont intégrées nativement à la solution Teemew.

Un auditorium virtuel pour les avant-premières et la formation

Enfin, le groupe audiovisuel a conçu un dernier espace, un auditorium, destiné à des présentations devant un large public, par exemple pour des lancements de séries ou de films de cinéma. Pour s’en doter, Newen exploite le module auditorium de la plateforme, ici « une salle de cinéma virtualisée. »

L’auditorium se destine en particulier aux avant-premières. Mais il a aussi été exploité pour un programme RH de coaching des femmes du groupe Bouygues. « Nous avons organisé une journée au cours de laquelle chacune venait se présenter. Chacune a ainsi pu faire un pitch devant tous les autres », explique Marianne Carpentier.

« Pour faire de la formation à la prise de parole, le métavers présente un véritable intérêt. »
Marianne CarpentierDirectrice de l’innovation et des technologies, Newen

Ce mode de présentation en virtuel présente l’avantage de « déstresser » les participants, ajoute la dirigeante. « Pour faire de la formation à la prise de parole, le métavers présente un véritable intérêt. »

Après ces tests, Newen prévoit d’ouvrir l’auditorium à des formations orales pour les jeunes auteurs devant un auditoire de producteurs internes.

Pour capter le ressenti des utilisateurs de ces environnements virtuels, Newen a par ailleurs déployé un outil de mesure des émotions conçu par une startup. La solution interroge les auditeurs d’une présentation, qui répondent en quelques mots. Grâce à un traitement par l’intelligence artificielle, l’entreprise obtient une mesure du ressenti.

« Cela va nous permettre de mesurer l’intérêt que des producteurs peuvent avoir pour un projet », déclare la directrice innovation et technologies. D’autres outils devraient être déployés pour capter le sentiment et donc de la donnée. Mais attention à ne pas déshumaniser le travail non plus.

« Allons à fond dans les mondes virtuels, travaillons différemment », préconise Marianne Carpentier en conclusion, « mais en même temps faisons du sport, développons notre intuition, les mécanismes de notre cerveau… tous nos supers pouvoirs d’humain. Travaillons les deux aspects en parallèle ».

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