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Transformation : sous pression, les groupes français veulent aller vite (Cathy Mauzaize, Microsoft)

Dans un entretien au MagIT, la nouvelle Directrice de la division Enterprise Commercial de Microsoft France revient sur les tendances IT profondes qui traversent actuellement les grands groupes (AI, cloud, réalité mixte) et sur les promesses de révolution de l'informatique quantique.

Arrivée de SAP en mars, la nouvelle Directrice de la division Enterprise Commercial de Microsoft France, Cathy Mauzaize, a pour mission d'accompagner les 150 plus grands clients nationaux dans leurs transformations numériques. Ce qui en fait un témoin privilégié des tendances et des évolutions du marché local.

Dans cet entretien au MagIT, Cathy Mauzaize souligne l'importante demande de rapidité des grands groupes pour leurs transformations numériques, leur maturité envers le cloud (même si l'hybridation reste la règle) et l'appétence forte pour la réalité mixte et pour l'IA (même si elle suscite encore des craintes chez certains grands clients).

Ces « gros clients » s'interrogeraient par ailleurs déjà sur l'informatique quantique qu'ils regardent de près, tant elle s'annonce comme la prochaine grande révolution numérique. 

Le MagIT : quels sont les défis numériques des grands groupes français aujourd'hui ?

Le principal défi des grands groupes, c'est vraiment la rapidité

Cathy Mauzaize : le défi n'est pas celui auquel on s'attend. Ce que je vois, c'est que depuis deux ans, les clients veulent aller de plus en plus vite au regard des disruptions qui sont en train de se passer. Il ne se passe pas une conversation - pas une seule - sans que l'on ne discute de transformation ou de nouveau business model à inventer. Leur principal défi, c'est vraiment la rapidité. Ils voient que le digital accélère les évolutions. Certains clients en sont même arrivés à se dire qu'il en allait de la pérennité de leur entreprise, parce qu'ils pouvaient se faire ubériser.

Chez Microsoft, en interne, nous sommes habitués à cette vélocité des technologies. Mais pour nos clients, qui sont les principaux acteurs de tous les secteurs, c'est une nouveauté. Ma mission est de les accompagner, et de répondre concrètement à ce besoin de rapidité.

Le MagIT : quels leviers utilisent-ils concrètement pour se transformer ?

Cathy Mauzaize : l'Intelligence Artificielle, le cloud et la réalité augmentée.

Dans la santé par exemple, Hololens permet aux chirurgiens de voir et de partager des images au moment où ils opèrent (NDR : pour mieux repérer une tumeur par exemple). Les applications sont innombrables, dans l'industrie et la production, dans la maintenance, dans le nucléaire, etc. La réalité mixte est une tendance de fond. Au quotidien, c'est d'ailleurs un sujet qui revient systématiquement, quel que soit le secteur. Tout comme l'IA.

Le Machine Learning est un facteur qui crée de l'urgence. Comme l'algorithme apprend, plus vous commencez tôt plus vous vous procurez un avantage.

Dans ce domaine, le Machine Learning est aussi un facteur qui crée de l'urgence pour les entreprises. Comme l'algorithme apprend, plus vous commencez tôt plus vous vous procurez un avantage.

Dans les exemples concrets et novateurs de transformation par l'IA, je vous citerais Publicis, qui vient de concevoir avec nous une plateforme destinée à connecter ses 80.000 collaborateurs autour des projets clients pour libérer le potentiel créatif de Publicis et développer de nouveaux services.

L'IA est en plus un sujet très vaste qui va jusqu'à la manière de collaborer en passant - comme chez Renault Nissan - par les véhicules connectés.

Ce qui est sûr c'est que l'IA, la réalité augmentée / mixte, et les services cognitifs sont les grands leviers que l'on retrouve au sein des entreprises françaises.

La transformation n'est pas qu'une question technologique

Mais je voudrais insister sur un point. La transformation n'est pas qu'une question technologique. C'est aussi une question humaine, d'accompagnement du changement. Nous parlons aussi beaucoup avec les métiers, et nous parlons usages. C'est très important. Nous ne sommes pas qu'un vendeur d'IT, ou une entreprise considérant que nos produits sont les meilleurs ou les seuls au monde. Microsoft aussi a mené sa transformation.

Le MagIT : et l'IoT ?

Cathy Mauzaize : l'IoT c'est presque déjà du passé (rire). L'Internet des Objets est rentré dans les mœurs mais il ouvre le défi de la mise en œuvre et de l’utilisation des données.

Le MagIT : de ce que vous voyez, sur quels sujets les grands groupes français ne sont-ils pas encore matures ?

Cathy Mauzaize : il reste, chez certains groupes, de la pédagogie à faire sur l'IA - car elle peut faire peur. Mon rôle, c'est de la rationaliser, d'expliquer les impacts concrets et d'accompagner la transformation. Et de faire cela de manière à ce que l'IA reste éthique ! C'est très important pour nous.

L'IA c'est la tendance d'aujourd'hui, l'informatique quantique c'est celle de demain

L'IA doit aider et améliorer les choses globalement, pas l'inverse. C'est un point qu'il faut travailler sur le marché français. Nous allons favoriser les échanges d'expériences sur le sujet. En France, l'IA n'inspire pas totalement confiance. Nous avons un rôle fondamental à jouer pour l'expliquer et la démocratiser.

Un autre gros sujet est celui de l'informatique quantique. Les grands groupes regardent cela avec beaucoup d'attention : qu'est-ce que cela signifie ? Quand cela va-t-il devenir réel ? Qu'est-ce que cela va changer dans le quotidien ?

L'IA c'est la tendance d'aujourd'hui, l'informatique quantique c'est celle de demain.

Le MagIT : vous ne parlez pas du tout de Blockchain. Est-ce parce que les grands groupes n'en parlent pas ?

Cathy Mauzaize : ils en parlent, mais surtout dans le secteur bancaire et les services financiers. J'ai échangé sur la Blockchain il y a peu avec une grande banque mais ce n'est pas un sujet qui revient tous les jours. Et c'est limité à certains secteurs alors que l'IoT, l'IA, la réalité mixte - et même demain l'informatique quantique - suscitent l'intérêt partout. Mais la Blockchain reste une technologie que l'on sait proposer au client s'il en a besoin.

Le MagIT : y-a-t-il encore en France une réticence au cloud chez les grands groupes ?

Cathy Mauzaize : il y a encore beaucoup d'hybride. Mais ce n'est pas propre à la France. Il me semble qu'il est critique d'écouter les clients dans leurs cheminements vers le cloud - et de les challenger à l'occasion. L'hybride leur permet de différencier les approches. Mais le mouvement va vers le cloud.

Des structures 100% sur site, aujourd'hui, je n'en vois déjà plus

Les grands groupes, d'une façon générale, sont tous convaincus que l'avenir va se jouer par la donnée. C'est la donnée qui va révolutionner les modèles de demain et créer de nouveaux services. Ils comprennent qu'ils doivent se doter des capacités pour traiter cette donnée. Et ils savent, au final, que ces capacités sont très dures à mettre en place sur des infrastructures sur site.

Le MagIT : c'est la fin de l'hybride que vous annoncez ?

Cathy Mauzaize : non, cela veut juste dire qu'il faut avoir des structures agiles. Dans certains cas, la solution sera à 100% dans le cloud. Dans d'autres ce sera 75% cloud, 25% sur site. Dans d'autres encore ce sera 50/50. Mais des structures 100% sur site, aujourd'hui, chez mes clients... je n'en vois déjà plus.

Le MagIT : chez SAP, vous aviez un poste européen, la France vous parait-elle en retard par rapport aux autres pays ?

Cathy Mauzaize : les pays nordiques et le Royaume-Uni ont déjà, beaucoup plus que nous, engagé le changement. C'est vrai. Mais le contexte économique très positif et les initiatives du gouvernement français pour le digital favorisent aujourd'hui le rattrapage.

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