IT stratégique, RH, Gen AI : les trois piliers de la forte ambition de ServiceNow en Europe

En Europe, ServiceNow croît à vitesse « grand V ». Mais l’éditeur veut aller encore plus vite. Sa responsable EMEA, Cathy Mauzaize, explique au MagIT comment elle entend saisir les opportunités qu’offrent la diversification de son offre et l’arrivée de l’IA générative.

Comme Corine De Bilbao (Microsoft France), Béatrice Kosowski (IBM France), Christel Heydemann (Orange) ou encore Emilie Sidiqian (Salesforce France), Cathy Mauzaize fait partie de cette nouvelle génération de femmes qui ont réussi à tracer leurs chemins et à accéder à des postes de dirigeantes dans un milieu IT réputé très « masculin ».

Après un passage chez SAP puis chez Microsoft, Cathy Mauzaize est aujourd’hui la « patronne » de ServiceNow EMEA. À ce titre, elle est une observatrice de premier plan des entreprises européennes, des tendances technologiques, dont l’IA générative, et, bien sûr, de la transformation de ServiceNow qui étend – de plus en plus sûrement – son empreinte au-delà de l’ITSM vers les métiers du CX et des RH.

Trois sujets clefs que cette voyageuse infatigable, à l’agenda surchargé, a accepté d’aborder avec LeMagIT entre deux déplacements.

ServiceNow en Europe : une croissance qui dépasse les 25 %

LeMagIT : Quelle est la dynamique de ServiceNow en Europe par rapport à celle de votre maison mère ?

Cathy Mauzaize : Nous sommes alignés avec les performances globales de ServiceNow [N.D.R. : +25,5 % dans le monde, pour un CA qui approche les 9 milliards $]. Je dirais même que nous allons un peu plus vite. Nous avons une croissance très forte. En Europe, il existe encore beaucoup d’entreprises qui s’équipent et de jolies opportunités inexploitées. Nous sommes en pole position pour répondre à leurs objectifs.

Si nous regardons par pays, il existe une très forte accélération en Middle East avec l’Arabie Saoudite, impulsée notamment par le plan de développement Vision 2030. Mais nos grandes locomotives restent la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France – qui se porte d’ailleurs plutôt bien après un démarrage en douceur.

LeMagIT : Et par industries, y a-t-il des disparités fortes ?

Cathy Mauzaize : Au sein des marchés porteurs en Europe je citerais la banque, l’assurance et les services financiers – qui connaissent d’immenses défis pour gérer leurs processus – ou encore les télécommunications – qui ont un besoin d’automatisation et de service client.

Je citerais aussi le manufacturing, « au sens large », avec les utilities, la santé, l’automobile, etc.

En attendant le service public

LeMagIT : J’ai l’impression que c’est un peu tous vos secteurs qui sont des locomotives ?

Cathy Mauzaize : Il n’y a rien qui ne fonctionne pas. Vous ne pouvez pas faire 25 % à 30 % de croissance avec certaines industries à la traîne. En revanche, il y a des secteurs qui progressent encore plus vite que d’autres.

LeMagIT : Comme le secteur public (que vous ciblez en France) ?

Cathy Mauzaize : Le secteur public va moins vite et c’est normal. Nous sommes sur des cycles de vente plus longs.

En revanche, une fois que nous aurons fini de convaincre, je suis certaine que cela peut s’accélérer.

D’ailleurs, nous avons déjà de très belles références dans le monde, y compris en France [N.D.R. : comme le ministère des Armées]. Nous investissons beaucoup sur cette partie parce que nous pensons que notre plateforme répond bien aux besoins de « services » – services aux citoyens, services aux soldats, ou services aux fonctionnaires.

Nous pensons que nous avons un rôle crucial à jouer dans le secteur public. C’est en cours. Nous avons déjà initié des conversations, qui sont très bien avancées.

IT et RH, moteurs de la croissance de ServiceNow

LeMagIT : Et si on plonge un peu dans la « plateforme », pour quelles offres les entreprises européennes ont-elles le plus d’appétence ?

Cathy Mauzaize : D’une façon générale, tous les sujets stratégiques autour de l’IT marchent très bien. Le besoin d’orchestrer le multicloud et de sécuriser, l’ITOM, l’ITAM, le HAM (Hardware Asset Management), le SAM (Software Asset Management), ou encore l’AIOps avec la Gen AI. Tout ce que nous appelons « l'IT for IT » fonctionne à plein régime.

Nous menons beaucoup d’échanges avec les CISO et les CIO sur les transitions vers le cloud, sur la manière d’accélérer leurs développements et de moderniser leurs applications.

Les RH s’avèrent être le deuxième grand pilier qui connaît une forte croissance et accélération [N.D.R. : ServiceNow ne fait pas de SIRH. L’éditeur propose une offre de services RH, transverses, qu’il utilise en interne avec le Core RH de Workday et qui peut également s’intégrer avec SAP ou d’autres outils HCM sur le marché].

« Aucun acteur ne fait ce que l’on fait : l’appontage entre tous les systèmes de l’entreprise, dans une plateforme unique […] C’est notre force. »
Cathy MauzaizePrésidente EMEA de ServiceNow

Nous recevons beaucoup de demandes sur la mise en place de services partagés qui mélangent RH, IT, services centraux. Je crois qu’il n’y a pas un seul grand groupe européen du secteur privé avec lequel nous ne discutons pas de cela… Au même titre que l’expérience employé – avec l’automatisation de l’expérience collaborateur tout au long de sa carrière professionnelle.

Ce sont des problématiques RH que je retrouve partout en Europe.

LeMagIT : Et la partie Customer Service Management et CX ?

Cathy Mauzaize : C’est très fort dans certaines industries comme les télécommunications, la banque (pour le Know-Your-Customers et tous les workflows qui améliorent les flux de clients du front vers le middle au back office, et du back jusqu’au front).

C’est un sujet aussi dans l’industrie classique ou, donc, dans le secteur public.

Cette situation est notamment liée au « shared services », mais pour l’externe. Dès qu’il y a des centres avec des agents, cela intéresse. Donc c’est variable selon les secteurs d’activité.

LeMagIT : Votre offre est devenue très large. Qui sont vos concurrents ? Qui avez-vous en face de vous sur les appels d’offres européens ?

Cathy Mauzaize : Si on prend la plateforme de ServiceNow de bout en bout, objectivement, personne ne fait ce que nous faisons.

Si vous prenez petit bout par petit bout, nous avons plein de concurrents. Mais aucun acteur ne fait ce que l’on fait, c’est-à-dire l’appontage entre tous les systèmes de l’entreprise, dans une plateforme unique, avec une seule architecture, sécurisée, et un seul socle de code.

C’est d’ailleurs ce qui fait notre force.

Forte appétence des entreprises européennes pour l’IA générative

LeMagIT : ServiceNow met beaucoup en avant l’IA générative. Il y a actuellement un débat pour savoir si cette technologie, dont tout le monde parle, répond vraiment à des besoins des entreprises, et si elles sont prêtes à payer pour des LLMs. Vous qui en vendez, que constatez-vous sur le terrain ? Les sociétés européennes veulent-elles de la GenAI ?

Cathy Mauzaize : (rire) Alors là ! Je peux vous dire qu’elles en veulent énormément !

Une illustration pour vous donner une idée. Nous avons lancé au Q4 notre outil d’aide à base de Gen AI qui augmente nos workflows (Now Assist). De tous les produits lancés par ServiceNow depuis sa création, c’est celui qui a connu la croissance la plus fulgurante.

LeMagIT : C’est un assistant gratuit ou vous le facturez ?

Cathy Mauzaize : C’est payant. Notre modèle, c’est de développer l’efficacité et la productivité [de nos clients], de faire plus avec moins.

Si vous mettez de l’IA générative dans un centre de services partagés RH, vous aurez des gains significatifs de productivité, d’efficacité, et d’OPEX à la clé. Nous avons d’ailleurs quasiment une discussion par jour, partout en Europe, parce que cela répond à des besoins d’efficacité opérationnelle et de pression.

LeMagIT : Mais à l’inverse, des gains de productivités peuvent signifier des licenciements. Cela ne crée-t-il pas des tensions en interne chez certains de vos clients, et donc des réticences à l’achat ?

Cathy Mauzaize : C’est intéressant parce que cela dépend des pays et des industries. Certaines entreprises dans certains pays sont relativement à l’aise pour réduire leurs effectifs.

« En France, en Allemagne et aux Pays-Bas en particulier, la réduction des effectifs n’est pas ce qui est recherché [avec la Gen AI]. »
Cathy MauzaizePrésidente EMEA de ServiceNow

D’autres envisagent plutôt une stratégie d’amélioration de la qualité, en mettant les OPEX libérés sur des sujets à plus forte valeur ajoutée pour eux. En fin de compte, lorsque nous déployons l’IA, c’est pour que l’IA travaille pour l’humain – et non l’inverse.

Il existe vraiment deux philosophies. Nos conversations avec nos clients en EMEA sont clairement plus orientées vers l’optimisation de la qualité et la façon d’offrir une plus forte valeur ajoutée aux clients. En France, en Allemagne et aux Pays-Bas en particulier, nous ne parlons pas de réduction d’effectifs. Ce n’est pas ce qui est recherché. Ces pays cherchent avant tout à optimiser, à aller plus vite et à voir comment ils vont réallouer [leurs ressources].

LeMagIT : Mais dans tous les cas, vous constatez une appétence pour l’IA générative ?

Cathy Mauzaize : Une énorme appétence, même. Avec en France et dans les pays de l’ouest de l’Europe, les mêmes questions qui subsistent : sécurité, LLM, privacy, transparence et explainabilité. Et c’est parfaitement normal.

Accélérer encore et travailler l’image de ServiceNow

LeMagIT : Quels sont vos objectifs pour 2024/2025 ? Et comment allez-vous les atteindre ?

Cathy Mauzaize : Notre objectif sera d’accélérer notre croissance en Europe – en s’appuyant justement sur la Gen AI et sur toutes les nouvelles capacités de notre dernière release Washington.

Au-delà de la croissance, ce qui sera vraiment primordial, c’est de voir l’impact de ServiceNow en tant que partenaire stratégique sur les sujets de transformation métier. ServiceNow est sorti de l’IT pour aller dans le monde applicatif et des métiers.

« ServiceNow est sorti de l’IT pour aller dans le monde applicatif et des métiers. »
Cathy MauzaizePrésidente EMEA de ServiceNow

Nous continuons évidemment de discuter avec les DSI. Le fournisseur de technologie qui vous dit qu’il ne parle plus au DSI, je ne le crois pas une seule seconde. Ce n’est pas possible. Il faut un partenariat avec les patrons de l’IT… c’est bel et bien eux qui délivrent en coulisses.

Mais nous discutons également de plus en plus avec les DRH, les DAF, les CPO (pour l’optimisation de leur source to pay/procure to pay), les responsables des factories OT et IT, et même avec les magasins [N.D.R. : ServiceNow a racheté G2K et ses technologies d’optimisation du retail].

À mon sens, notre priorité est la suivante : s’imposer en tant que technologie qui impacte durablement et directement la transformation des métiers, bien au-delà de notre cœur d’activité historique.

C’est évidemment en cours. Mais il est primordial de continuer d’œuvrer sur l’innovation et d’initier de solides partenariats avec chaque leader métier au sein des directions, pour faciliter une transformation en profondeur de l’entreprise.

Pour approfondir sur ITSM, Case Management, Enterprise Service Management

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