Les services informatiques en 2020

Big Data, Internet des Objets, Cloud, Shadow IT, consumérisation de l'IT : autant de facteurs qui vont modifier le SI et le profil des DSI, qui seront de moins en moins "purement technique" d'après Bill Godwin.

Au cours des dernières années, la technologie a eu un impact considérable sur le lieu de travail. Au cours des prochaines, cet impact devrait encore s'accentuer. En d'autres termes, le rôle du service informatique et du DSI va subir des changements radicaux.

« Il est difficile de sous-estimer le rythme du changement, explique Alastair Behenna, analyste en chef chargé des DSI chez Forrester Research, Il y a six ou sept ans, aurions-nous imaginé le milliard de smartphones actuel ? Aurions-nous imaginé que nos employés réclameraient à cor et à cri des solutions informatiques ? Aurions-nous imaginé qu'Apple et Google domineraient le marché comme ils le font actuellement ? ».

Il est clair que la convergence de la mobilité, du Big data, du Cloud, des outils de collaboration et de l'Internet des objets va entraîner des bouleversements, non seulement pour l'entreprise au sens large, mais pour le rôle et la fonction du service informatique.

Les DSI devront se consacrer davantage à l'innovation et moins à la gestion des affaires courantes.

« L'Internet des objets sera bien plus important que nous ne l'aurions jamais imaginé », explique Victor Newman, conseiller du SILK (Social Innovation Lab Kent) et DSI.

Selon le fournisseur réseau Cisco, le nombre d'objets intelligents connectés à Internet a dépassé il y a cinq ans le nombre d'êtres humains sur la planète. D'ici à 2020, Cisco estime que 50 milliards d'appareils seront connectés à Internet, du fait de la multiplication des capteurs intelligents.

Mais en réalité, selon Victor Newman, les prévisions de Cisco minimisent le changement à venir : « Je pense que c'est une sous-estimation. Les chiffres seront bien plus élevés. »

Et les entreprises devront s'adapter : il ne s'agira plus seulement de surveiller passivement les clients afin d'obtenir des informations sur leur comportement, mais il faudra collaborer avec eux.

« Il sera moins question de surveillance que de bienveillance », explique Victor Newman.

Ce regain d'intérêt pour le service clientèle constituera le trait caractéristique de la prochaine vague d'innovation métier, explique Alastair Behenna de Forrester Research.

Cette situation aura des implications pour les DSI. Ils devront travailler étroitement avec l'activité métier pour contribuer au développement des outils analytiques et collaboratifs dont celle-ci aura besoin pour mieux comprendre ses clients.

« Nous sommes à l'ère du client. Il s'agit d'un cycle métier de 20 années qui tourne autour de l'attraction et de la fidélisation du client », explique-t-il.

« Un service clientèle médiocre n'est plus acceptable. Les utilisateurs vont vouloir des réponses et des résultats très rapides, et ce dès maintenant », poursuit-il.

Alastair Behenna oppose son expérience pour faire remplacer une ligne téléphonique après la chute d'un poteau près de chez lui (cinq mois d'attente à ce jour) au service qu'il a reçu d'Apple. « J'ai vraiment été enchanté », déclare-t-il.

Quant à Victor Newman, il prédit que les entreprises se tourneront vers des solutions technologiques pour améliorer leur service clientèle en temps réel.

« Nous assisterons à une accélération du traitement du service clientèle et à un apprentissage adaptatif en temps réel. Ainsi, les utilisateurs en ligne bénéficieront d'options qui n'étaient pas disponibles une heure auparavant », explique-t-il.

Des DSI plus innovants et moins gestionnaires

Tout cela pour dire que les DSI vont devoir se concentrer davantage sur l'innovation qu'ils ne le font actuellement. Ceux qui feront l'impasse risquent de voir leur carrière stagner.

Alastair Behenna, du Forrester Research Group, prend deux exemples de DSI réels : le premier ayant misé sur l'innovation, l'autre non.

Le second DSI avait été engagé pour intégrer l'informatique à l'échelle d'une entreprise diversifiée. Il disposait pour cela d'un budget colossal.

« Il avait pour tâche de diminuer les coûts. Sur ce plan-là, il faisait du bon travail. Ensuite est venue la crise financière que l'on sait et le DSI n'a plus été en mesure d'avancer. Aujourd'hui, il ne peut plus prendre aucune décision », explique Alastair Behenna. « Il est sur un siège éjectable. »

Comparons cette situation à celle du premier DSI qui a décidé d'innover massivement. Il a compris sa mission et a mis en place un laboratoire d'innovation, en investissant dans des technologies telles que les imprimantes 3D et le concept de ville intelligente.

Alastair Behenna révèle que le conseil d'administration l'avait suivi en lui accordant plusieurs millions. « Il a été perçu comme un innovateur et un leader éclairé. Il était prêt à prendre un risque, à jouer sa tête et à dire banco ! »

Cette approche est très différente de celle de la plupart des DSI. Pendant la plus grande partie de son histoire, le rôle de DSI a exigé prudence et prévisibilité, et non prise de risque.

A l'avenir, le rôle du DSI consistera moins à contrôler qu'à permettre au reste de l'entreprise de faire un usage plus efficace de la technologie.

« Ce nouveau type de DSI – dont le I signifiera davantage Innovation qu'Informatique – privilégiera bien plus l'agilité et l'adaptabilité », poursuit Alastair Behenna.

Cette approche implique de gérer des échecs éclair, d'apprendre de ses erreurs et de s'adapter continuellement.

Par le passé, les entreprises avisées oeuvraient à freiner le rythme de l'innovation. L'avenir ne le permet plus.

« Le mode de fonctionnement du célèbre laboratoire de recherche de Xerox à Palo Alto, qui développait une technologie telle que la souris ou l'interface utilisateur graphique en laissant à d'autres le soin de la commercialiser, c'est fini », explique Victor Newman.

« Le cycle de l'innovation va s'accélérer. Les freins vont lâcher sur bon nombre des techniques utilisées jusqu'ici pour ralentir l'innovation. Nous allons assister à une explosion de créativité. »

Les professionnels de l'informatique qui n'iront pas dans ce sens se retrouveront très vite au chômage », poursuit-il.

Les DSI devront procéder à des développements rapides, faire intervenir des sous-traitants régis par des accords de non-divulgation et clôturer rapidement les projets qui ne fonctionnent pas.

Changer le service informatique

« Le service informatique va changer radicalement sous la pression de ces forces », explique Andrew Drazin, partenaire du cabinet Theron LLP, spécialisé dans le recrutement de cadres directoriaux.

Dans quelques années, les postes dans l'informatique seront moins nombreux mais exigeront davantage de compétences

Andrew Drazin, Theron LLP

Il dresse une comparaison avec les services des ressources humaines (RH) d'il y a 10 ans. A l'époque, ces services étaient axés sur des tâches opérationnelles : la gestion des paies et des départs en retraite. Aujourd'hui, leur rôle est plus stratégique : la gestion des talents et la planification de la main d'œuvre.

« Ce qu'il faut retenir, c'est que la technologie porte moins sur la prestation opérationnelle ou l'infrastructure, que sur les solutions et l'interfonctionnement avec l'activité métier », poursuit Andrew Drazin.

Selon ses prévisions, les services informatiques vont rapetisser car les entreprises externaliseront une plus grande part de leurs opérations.

« Dans quelques années, les postes dans l'informatique seront moins nombreux mais plus stratégiques, et exigeront davantage de compétences », explique-t-il. « La technologie devient bien plus une affaire de solutions personnalisées que de solutions prêtes à l'emploi. »

Et Alastair Behenna d'approuver : « la gestion du quotidien ne va pas disparaître. Elle va davantage s'orienter vers une organisation externalisée auprès de fournisseurs », explique-t-il.

Et cette évolution prend tout son sens lorsqu'il s'agit de l'analytique et du Big data. On manque de Data Scientist. Aussi les entreprises vont-elles se tourner de plus en plus vers des prestataires extérieurs, car l'Internet des objets suscite des besoins en matière d'analyse des données.

« La substantifique moelle va se trouver dans les éléments d'analyse Big data. Les entreprises vont les déployer à partir d'un réservoir de ressources externes plutôt qu'internes », affirme Alastair Behenna.

Les services informatiques devront également afficher des compétences accrues dans la gestion d'une gamme plus étendue de fournisseurs.

Ces derniers compteront un nombre croissant de petites startups novatrices, au lieu de se limiter aux grands fournisseurs IT actuels. « Le profil des fournisseurs lui aussi va changer radicalement », poursuit Alastair Behenna.

Des DSI de moins en moins issus d'un contexte purement technique

Les futurs leaders technologiques devront se montrer plus compétents en matière de compréhension de l'activité métier, et de gestion des changements et des parties prenantes dans le reste de l'entreprise.

Autant de compétences qui seront progressivement transférées du DSI aux informaticiens subalternes », explique Andrew Drazin,

« Si l'on se projette dans quelques années, plus la barre va s'élever, plus les attentes pesant sur les employés en bout de chaîne vont augmenter », explique-t-il.

Les fonctions techniques seront de plus en plus externalisées auprès de fournisseurs tiers, les entreprises se servant du Cloud pour simplifier leurs applications et leur infrastructure informatique.

« Les rôles opérationnels subiront une forte pression ; en cas de risque, la tendance sera à l'externalisation des fonctions très techniques qui privilégient l'infrastructure », explique Andrew Drazin.

Et le même de poursuivre en expliquant qu'à l'avenir, de moins en moins de responsables informatiques seront issus d'un contexte purement technique.

« L'espace de la gestion de projets sera investi par des personnes plus généralistes qui s'appuient davantage sur des compétences de gestion des parties prenantes que sur la pure technologie », assure-t-il. « En matière de leadership, le cocktail de compétences va radicalement changer.

En fait, comme l'indique Alastair Behenna, nombre de rôles des services informatiques de demain n'existent pas encore. « Ceux qui quittent l'école à 16 ans aujourd'hui occuperont des postes qui restent à inventer », explique-t-il.

La langue du métier

Cela fait 15 ans que les DSI et les responsables informatiques parlent de la nécessité de communiquer plus efficacement avec le reste de l'entreprise. De fait, dans les prochaines années, parler la langue du métier deviendra plus important que jamais.

« Il n'y a aucune excuse à ne pas employer la langue des clients internes », explique Victor Newman à l'auditoire.

Et cela peut impliquer de les aider à résoudre leur problème, même lorsque vous savez que c'est un faux problème.

« Si vous agissez ainsi, avec un peu de chance vous serez invité à une réunion où vous aurez votre quart d'heure de gloire », poursuit-il. « Mais cela peut n'arriver que deux ans plus tard. »

Le service informatique de 2020 sera probablement plus restreint et moins focalisé sur la technologie. En revanche, il offrira probablement à ses professionnels une carrière plus enrichissante.

« Travailler dans le secteur des technologies sera considérablement plus intéressant et plus stimulant que jusqu'à aujourd'hui. Le travail présentera plus d'aspects positifs que négatifs », prédit Andrew Drazin.

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