Nicolas Sarkozy installe officiellement le Conseil national du numérique

Se faire la caisse de résonance de l’écosystème du numérique en France auprès des politiques. C’est la mission que devront remplir les 18 membres du Conseil national du numérique, installé ce jour par Nicolas Sarkozy. Une tâche censée faciliter la compréhension des douloureux dossiers et notamment faire oublier la gestion calamiteuse autour d'Hadopi et autre Loppsi auprès de la communauté des internautes. Certaines associations et syndicats critiquent cependant déjà la représentativité et la légitimité de ce comité.

C’est aujourd’hui mercredi 27 avril que Nicolas Sarkozy a officiellement installé le Conseil national du numérique, un "conseil de sages" qui réunira 18 acteurs clé de l’Internet en France et qui doit aider à l’intermédiation entre les pouvoirs publics, les politiques et l’ensemble de l’écosystème du numérique en France.

“Un interlocuteur des acteurs du numérique avec les pouvoirs publics”, comme l’avait défini Pierre Kosciusko-Morizet, le patron de PriceMinister, chargé par le gouvernement d’une mission de consultation pour le mise en place du CNN, qui aura également pour mission d’éviter les ratés autour du numérique et d’Internet,  un monde désormais estimé précieux pour la France explique en substance le Président de la République, reprenant les conclusions publiées en mars 2011 par le cabinet McKinsey.

Se sachant en train de revenir de loin Nicolas Sarkozy n’a pas oublié dans sa présentation un petit acte de contricion à propos de l'Hadopi, pour laquelle il reconnait “une part d’erreur”. Et d'expliquer que "l'intuition que j'avais, c'est qu'on ne pouvait pas abandonner les créateurs. Peut-être que la maladresse a été de donner le sentiment que vous étiez attaqués", lance-t-il alors, en direction des acteurs de l’Internet présents à la conférence de presse. Reste que nombre de créateurs n'étaient pas non plus d'accord avec avec la démarche du gouvernement.

Le CNN devra donc traiter de tous les sujets "sans tabou", le Président évoquant tour à tour “le terrorisme numérique”, “le financement” et bien sûr “la fiscalité numérique”. Un point sur lequel il estime "inconcevable" de travailler sans objectifs internationaux et un dialogue avec les grands fournisseurs. Cette fiscalité numérique, notamment autour de la fameuse taxe Google (société connue pour ses mécanismes d’optimisation fiscale) avait été au coeur de ses voeux 2011. Le président n’a toutefois pas cité le nom de Google cette fois-ci. L'enjeu est de taille de par la nature transnationale de l'activité de nombres d'acteurs du secteur qui cherche à échapper aux taxes mais également, plus localement, parce que le secteur peux parfois légitimement se sentir traiter comme une vache à lait fiscale (la taxe pour la télé publique, le coût d'accès aux fréquences pour les réseaux, répercutés sur les factures, les taxes spécifiques etc...).

Sur les 18 membres qui compose le CNN, on retrouve notamment Jean-Baptiste Descroix-Vernier, fondateur de Rentabiliweb, Giuseppe de Martino, directeur juridique de Dailymotion et Nicolas Voisin, fondateur de notre confrère Owni.fr - il explique sa décision sur le site de la publication.

Syntec Numérique y sera également représenté par Bruno Vanryb président du Collège éditeurs de logiciels, qui par voix de communiqué de presse,  "salue la création" du CNN, comptant par ailleurs s’impliquer pour que le conseil "soit le premier pas vers la prise en compte de l’ensemble des composants numériques en France". Comprendre ne pas limiter le CNN à un éco-système purement Internet, mais le rapprocher des mondes des services et logiciels également.

Une “diversion” et du “Bling-Bling”


Saluée par ceux qui seront du CNN cette installation officielle a déclenché une volée de bois vert chez certains autres. C’est le cas de l’April, association de promotion et de défense du logiciel libre , pour qui le CNN est "très loin de la promesse d'un forum de concertation permanente doté de la plus large représentation possible et signe simplement le retour du candidat Nicolas Sarkozy". Et de Signaler au passage l’absence d’associations parmi les membres du conseil.
« Après son implication dans la loi DADVSI 4 (en temps que président de l'UMP), le vote des lois Hadopi et Loppsi sous sa présidence, Nicolas Sarkozy lance une opération de diversion à un an de l'élection présidentielle. Et cette opération de reconquête semble concerner exclusivement les acteurs économiques de l'internet », déclare ainsi Frédéric Couchet, délégué général de l'April.  

Son de cloche différent mais tout aussi virulent chez le La fédération des syndicats des personnels des opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès (CFE-CGC & UNSA Télécoms), qui voit en ce CNN "un simple comité Bling-Bling" de l’Internet, qui ne serait en rien "le reflet de la société française et de ses préoccupations légitimes”. Un problème de crédibilité donc. Selon eux, il s’agit d’ un “aréopage d’acteurs économiques plus intéressés à défendre la maximisation de la rentabilité du capital de leurs actionnaires que les intérêts de la République.”

Le CNN devra donc encore convaincre, même si le temps pré-élection présidentielle semble trop court pour qu'il échappe à la pression de la campagne. Comme l’indique Nicolas Voisin, fondateur du site Owni.fr et, donc, tout nouveau  membre du CNN : "le Parlement n’aura probablement guère le temps d’être saisi de textes majeurs relatifs à l’Internet d’ici la présidentielle de 2012. Je n’en fais pas moins le pari que le travail du CNN permettra, d’ici là et je le souhaite par la suite, de contribuer au débat sur ce que peut apporter l’Internet en particulier, et le numérique en général, à notre démocratie – et qu’il serait dommage de s’en priver". les éentuelles occasions d'avancer semblent donc bonnes à prendre au risque de sombrer dans une vaste entreprise de récupération ou plus sûrement de sombrer dans l'oubli des nombreux comités Théodule dont les gouvernements ont pris l'habitude de se prévaloir.

Pour approfondir sur Réglementations et Souveraineté

Close