Forrester noircit le tableau : recul de 8% des dépenses IT en France en 2009

Après plusieurs mois à tergiverser sur l’importance du ralentissement en cours, Forrester vient de briser le tabou : le secteur informatique connaîtra bien la récession en 2009. A - 3 % au niveau mondial, la chute sera d’autant plus sévère que les principaux fournisseurs sont américains et pâtissent de la réévaluation récente du dollar. Pire, pour la France, Forrester prévoit même un recul des dépenses de l’ordre de 8 %, à 70 milliards de dollars.

Les dépenses informatiques baisseront de 3 % en 2009 dans le monde, selon Forrester. Le cabinet californien est le premier grand cabinet d'études à annoncer l’entrée en récession du secteur IT à l’échelle mondiale. Plus étonnant, ses analystes estiment que les services enregistreront le plus fort recul, là où l’activité logicielle – et notamment la vente de licences – devrait plutôt mieux résister.

Le premier semestre devrait tout de même être catastrophique, si l’on en croit Andrew Bartels, vice-président et analyste chez Forrester Research qui explique que ces prévisions « s’appuient sur l’hypothèse que la fin de la récession économique aux États-Unis et dans d’autres économies majeures débutera à partir du second semestre 2009 ».

Au total, les achats mondiaux de produits et services informatiques par les entreprises et les pouvoirs publics devraient n’atteindre que 1 660 milliards de dollars. Le retournement est donc de taille puisqu’en 2008, les achats mondiaux dans ce même secteur dépassaient les 1 710 milliards, en augmentation de 8 % sur un an. Ce qui constituait la sixième année consécutive de croissance relativement soutenue.

Reste qu’en net recul, le secteur IT pourrait ne pas connaître les affres des années 2001 et 2002 où, suite à l’explosion de la bulle Internet dans laquelle il était totalement partie prenante, sa chute avait dépassé les 8 %.

Le marché français particulièrement touché

Un niveau de baisse que devrait toutefois atteindre la France, si l’on en croit Forrester. Notre pays se place dans le peloton de queue pour les investissements IT en 2009, avec seulement 70 milliards de dollars de dépenses prévues, soit 8 % de moins qu’en 2008. En Europe, seul le Royaume Uni – particulièrement exposé à la crise financière et dont la City contribue pour beaucoup aux investissements informatiques –,  avec un - 11 % et 88 milliards de dépenses prévues, et les Pays Bas font pires.

Pourtant, jusqu’à présent, le Syntec Informatique (la chambre syndicale des SSII et éditeurs) et les analystes étaient plutôt optimistes, anticipant une résistance du secteur, notamment du fait de l’activité services. Pour l’organisation patronale, l'impact de la crise sur l'investissement en logiciels et services est réel, mais les dépenses des entreprises et administrations vont continuer de croître. Grâce à la solidité d'activités comme l'infogérance ou de secteurs comme le public. Du coup, le syndicat patronal attend une croissance de l’ordre de 2 à 4 % au premier semestre, tout en soulignant son manque totale de visibilité pour le second. Une façon de ne pas "casser" le marché, tout en se gardant des marges de manoeuvre pour prendre acte du retournement de tendance ? 

Signalons encore que, dans nos colonnes, certains analystes ont déjà brisé le tabou et évoqué la possibilité d’une récession sur le marché français, estimant le recul de l’activité à 5 %.

forrester 1 1http://beta.lemagit.fr/wp-content/uploads/2011/02/3lihl6puhxh7mbnnks5vbddemfntwwko0834rp08w03fh05a.jpg
source Forrester

Un effet devises désastreux pour les entreprises américaines

Globalement, Forester explique cette récession par l’absence « de marché à forte croissance pour compenser les plus faibles » et surtout par un effet négatif du jeu des devises. Exprimés en monnaie locale ou régionale – plutôt qu’en dollars -, les niveaux de dépenses sont un peu meilleurs avec une croissance attendue aux alentours de 2,5 %. On aurait ainsi, selon Forrester, une hausse des dépenses de l’ordre de 1,6 % aux Etats-Unis, de 1,3 % en Europe, voire de 5 % en Europe de l’Est et en Afrique et de 3 % en Asie. Toutefois, note le cabinet d’études, « en additionnant les chiffres régionaux convertis en dollars, un net ralentissement apparaît dans les dépenses mondiales à venir ». Hors, la présence hégémonique de fournisseurs américains dans le secteur donne une importance particulière au dollar… qui ne cesse de se réévaluer depuis quelques semaines. Par ricochet, cet effet devise pourrait être favorable pour les fournisseurs européens de type SAP ou Alcatel. Mais ils ne sont pas pléthores. « Le fait que la croissance 2009 des achats informatiques en dollars américains soit beaucoup plus faible que celle exprimée en devises nationales signifie que les entreprises américaines, dont le chiffre d’affaires à l’étranger est considérable, souffriront doublement, puisque la conjoncture économique d’une part et le marché des devises d’autre part pénaliseront la majeure partie de l’exercice 2009, » constate Andrew Bartels.

Les salariés des fournisseurs et prestataires américains dans l’œil du cyclone

Sachant que le cabinet d’étude s’est notamment appuyé pour son rapport annuel sur les résultats financiers de 49 grands groupes IT – majoritairement américains –, on comprend mieux les rumeurs de licenciements massifs qui traversent la toile ces dernières semaines. Celles-ci font état de plans monstres de licenciements qui pourraient être annoncés prochainement. Sont évoqués 16 000 postes (4 % des effectifs) chez IBM, 15 000 postes (17 %) chez Microsoft et enfin 8 000 postes (10 %) chez Oracle, sans compter les 24 600 suppressions de postes avérées dans le cadre du rachat d’EDS par HP.

Les services, le matériel et les équipements de communication à la peine

En terme de segments, Forrester estime étonnement que « les investissements dans le domaine des logiciels seront supérieurs à la moyenne ». Jusqu’à présent la plupart des analyses convergeaient pour affirmer que si les ventes logicielles marqueraient le pas, l’activité services resterait solide. Pour Forrester donc, ce sera l’inverse, avec des achats mondiaux de logiciels qui atteindraient 388 milliards de dollars en 2009… chiffre identique à 2008.

En revanche, « les services et l’outsourcing informatiques vont diminuer au niveau mondial ». Selon le cabinet d’étude, « les achats des pouvoirs publics et des entreprises en matière de conseil en informatique, d’intégration de systèmes et de sous-traitance atteindront 484 milliards de dollars en 2009, soit 3 % de moins qu’en 2008 ». Forrester précise même que les résultats des services de sous-traitance informatique seront légèrement supérieurs à ceux du conseil et de l’intégration, « ces derniers étant fragilisés par le ralentissement des achats de logiciels dédiés à l’intégration et l’implémentation ».

Du côté des investissements en équipements dédiés à la communication – ce qui concerne notamment Alcatel-Lucent pour la France – les achats de routeurs, commutateurs, commutateurs privés (PBX), systèmes de visioconférence et de communication unifiée tomberont à 353 milliards de dollars en 2009, soit une chute de 3 %.

Enfin, la palme de la chute la plus lourde reviendra aux investissements en matériel informatique avec un recul de 4 %, à 434 milliards de dollars.

Pour approfondir sur Constructeurs

Close