La France refinance l'offshore marocain

100 M€ pour l'offshore informatique au Maroc. Alors que le gouvernement défend le Redressement productif, son bras armé en matière de coopération accorde un prêt destiné à refinancer des zones spécialisées dans la délocalisation d'emplois français. Des centres qui n'ont peut être pas connu le succès espéré.

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Dans le cadre d'un déplacement au Maroc du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, accompagné notamment du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, une convention de prêt de 150 millions d'euros a été signée entre l'Agence Française de Développement (AFD), un établissement public au cœur du dispositif français de coopération, et MedZ, une filiale de l'équivalent marocain de la Caisse des dépôts spécialisée dans la conception, l'aménagement et la gestion de nouvelles zones d'activité.

Créée à l'origine pour le développement touristique du pays, MedZ accompagne également la montée en puissance attendue des activités d'offshoring (délocalisations d'emplois IT ou de BPO dans les pays à bas coûts) dans le royaume. Une politique initiée en 2005 et qui a déjà débouché sur la création de trois zones d'activité (Casanearshore à Casablanca, en photo ci-dessus, ainsi que Technopolis à Rabat, tous deux ouverts en 2008, et Fès Shore ouvert tout récemment). MedZ prévoit l'ouverture d'autres centres à Oujda, Agadir et Marrakech.

Au total, 600 000 m2 de bureaux sont censés être sortis de terre d'ici à 2015, débouchant sur la création de 66 000 emplois. C'est précisément ce pan de l'activité de MedZ que l'AFD s'est engagé à refinancer, via un prêt de 100 millions d'euros (les 50 autres millions étant destinés à financer des projets de plates-formes industrielles). Une décision qui fait hurler le Munci (une association d'informaticiens) qui dénonce "la nouvelle la plus invraisemblable" qu'il ait vu passer en dix ans d'existence. Voir l'Etat français financer des zones vouée à la délocalisation d'emplois français est, en effet, pour le moins baroque. Une annonce que le Premier ministre a habillé d'un discours que ne renieraient pas les tenants les plus farouches de l'offshore : "Notre objectif est bien sûr d’éviter les délocalisations portant sur l’ensemble d’un processus industriel.

En revanche, une co-localisation industrielle, si elle résulte d’une analyse fine de la valeur ajoutée sur toute la chaîne de production et des avantages compétitifs de chaque site, peut être bénéfique et soutenir l’activité des deux côtés", a expliqué le Premier ministre. Arnaud Montebourg, qui à l'occasion du dossier Florange n'a pas toujours été sur la même longueur d'onde que son Premier ministre, a gardé ses réflexions pour lui.

L'offshore francophone, cible du Maroc, plafonne

Au-delà de cet habillage politique, les 100 millions accordés à l'offshore marocain peuvent aussi apparaître comme une bouée de sauvetage à un plan de développement qui tarde à porter ses fruits. Depuis notre reportage sur place, en 2009, les plans de MedZ ont manifestement pris du retard. Fès Shore devait initialement sortir de terre en 2010 ; il n'a ouvert que mi-2012. Comme le constatent nos confrères de l'Economiste, un quotidien marocain, Fès Shore est aujourd'hui un parc fantôme, aucune entreprise ne s'étant installé sur place alors que le premier bâtiment de 16 000 m2 a été inauguré le 20 juin dernier. Or, ce seul projet a coûté 90 millions d'euros environ à MedZ.

De leur côté, les travaux de Marrakech Palmshore (200 000 mètres carrés de bureau) devaient démarrer en 2010. Pour l'heure, la zone est toujours signalée comme un futur projet sur le site de MedZ. Par ailleurs, la liste des SSII françaises installées dans les zones offshore de Casablanca (Capgemini, Steria, GFI, Bull notamment) et de Rabat ne s'est guère allongée depuis 3 ans. De facto, l'offshore en France, première cible du plan marocain, plafonne : selon le Syntec Numérique, il ne pèse que 6,1 % du marché des services informatiques (soit 1,86 Md€). Très loin des niveaux observés en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis.

Même si, avec la crise, les dirigeants de Syntec Numérique signalent le retour en force des délocalisations. Après 10 ans d'activité, l'industrie offshore du Maroc revendique 52 000 emplois et près de 700 M€ de chiffre d’affaires à l’export en 2011. L’activité centres d’appels, qui n'est pas la cible privilégiée des parcs créés par MedZ, représente à elle seule 80 % des emplois créés. Ni l'AFD, ni MedZ ne nous ont retournés nos appels pour commenter la signature de cette convention et expliquer la destination précise de ce prêt de 100 M€.

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