Mark Lewis, nouveau CEO de Violin Systems : "nous nous concentrons sur la performance extrême"

Mark Lewis a récemment été nommé à la tête de Violin Systems qui a repris la suite de Violin Memory. L'ex CTO d'EMC qui a notamment piloté le rachat de VMware, a pour mission de relancer la société avec un focus sur le stockage pour les applications critiques et les applications ayant besoin de très hautes performances.

Pour ramener Violin d’entre les morts, rien de tel qu’un revenant. Et c’est finalement Mark Lewis, qui va avoir la dure mission de relancer le constructeur sur le marché du stockage Flash.

Mark Lewis a alors été contacté par Violin Systems pour prendre la succession d’Ebrahim Abbassi, suite à ses ennuis de santé. Depuis mars 2018, il est le nouveau CEO et président de l’ex-star du stockage flash, poussée à la faillite par l’ambition démesurée et les erreurs de son flamboyant ex-CEO, Don Basile.

La mission de Lewis est de remettre sur les rails de la croissance la société, relancée en 2017 sous le nom Violin Systems, après le rachat de l’ensemble des actifs de Violin Memorypar le fonds Quantum Partners de George Soros. 

Mark Lewis n’est pas un nouveau venu dans le monde du stockage. Il est même l’un des artisans du stockage moderne. Il a fait ses débuts chez Digital Equipment et ses travaux ont largement contribué à l’émergence de la division StorageWorks entre le début et le milieu des années 1990. À l’époque DEC avait conçu une gamme complète de systèmes de stockage RAID SCSI qui évoluera progressivement pour devenir une offre complète de systèmes de stockage SAN.

Après l’acquisition de DEC par Compaq, Mark Lewis a poursuivi ses travaux en tant que patron de la division StorageWorks et il a présidé à la naissance des baies EVA en 2001. Il a aussi joué un rôle important dans l’émergence du « software defined Storage » en créant SANWorks, la division de Compaq chargée du développement de l’activité de stockage logicielle de Compaq.

Très tôt, Lewis a en effet compris que le logiciel allait prendre une importance capitale dans le stockage, SANWorks hébergeait notamment l’offre de protection et de réplication de données ainsi que les solutions de gestion du stockage de Compaq.

Chez Compaq, Mark Lewis a aussi présidé à l’émergence de la stratégie de virtualisation du stockage (ENSA) et à la création du logiciel de virtualisation out-of-band Versastor qui sera finalement abandonné, victime de l’acquisition de Compaq par HP en 2001 et de la bataille de chiffonniers entre fabricants de baies SAN et équipementiers réseau.

À l’époque, la question se posait de savoir où s’effectuerait la virtualisation du stockage. Cisco venait de racheter Andiamo et ses Application Switches (qui deviendront la série MDS) tandis que Brocade mettait la main sur Rhapsody Networks. Au final, la technologie imaginée par Compaq sera abandonnée.

En juillet 2002, après 18 ans de bons et loyaux services chez DEC/Compaq, Mark Lewis tire les conséquences du rachat par HP — qui l’avait cantonné à un poste marketing — et décide de poser ses valises chez EMC, dont il devient le CTO.

Aux côtés de Joe Tucci et d’une poignée d’autres dirigeants (comme Howard Elias, venu lui aussi de Compaq/HP, ou Dave Donatelli), il va s’imposer comme l’un des architectes de la reconstruction du numéro un mondial du stockage. Il sera notamment l’un des artisans de la politique de R&D et d’acquisitions d’EMC et jouera notamment un rôle essentiel dans l’acquisition de VMware, Legato, Documentum, Avamar ou Data Domain et de nombre d’autres sociétés.

Certains de ces rachats s’avéreront des échecs ou des déceptions, tandis que d’autres comme VMware ou Data Domain seront des succès éclatants qui contribueront à l’expansion rapide d’EMC jusqu’à son rachat par Dell.

Chez EMC, Mark Lewis sera aussi l’architecte des efforts infructueux du constructeur en matière de virtualisation du stockage. L’appliance Invista, annoncée en 2005, sera un échec retentissant de même que les efforts de la firme en matière de virtualisation de NAS.

Après avoir dirigé EMC Ventures, Mark Lewis finira par quitter EMC en 2012 pour travailler comme conseiller de Silver Lake partners et pour créer sa propre start-up, Formation Data Systems. La société avait développé une solution originale de stockage unifié en mode scale-out couplée à des fonctions sophistiquées de CDP et de gestion de données. Mais faute de clients, elle a dû fermer ses portes à la fin 2017. Ce n'est donc que très récemment qu'il a rejoint Violin Systems.

Cinq questions à Mark Lewis...

Récemment, Mark Lewis a accepté de répondre aux questions de nos collègues américains de SearchStorage.com. Dans cet entretien, que nous retranscrivons ci-dessous, il revient rapidement sur la fin de Formation Data Systems, sur son arrivée chez Violin, et sur la stratégie de la firme en matière de stockage Flash.

Mark Lewis, CEO de
Violin Systems

SearchStorage : pourquoi Formation Data Systems n’a pas survécu, et en avez-vous tiré des leçons qui vous aideront à diriger Violin ? 

Mark Lewis :Il s’agit de deux produits sur des marchés complètement différents. Avec Formation Data Systems, j’ai milité pour qu’une partie du marché fasse le choix du stockage défini par logiciel pour satisfaire ses besoins de stockage de moyen de gamme et de stockage en volume. Il y a un vrai marché, mais ce que nous avons appris avec Formation, c’est qu’il n’y a pas grand-chose de cassé sur le marché du stockage classique. Les administrateurs de systèmes de stockage ont tendance à être très conservateurs. Je reste persuadé que le stockage défini par logiciel finira par être un succès, mais cela ne se fera pas rapidement. C’est une transition qui se fera sur plusieurs décennies.

La faiblesse clé de la technologie originelle de stockage flash de Violin est qu’elle a été pensée comme une solution de stockage très rapide, mais sans logiciel. Les entreprises ont donc eu du mal à l’adopter. C’était une dure leçon à apprendre. De toute évidence, l’entreprise a lutté pendant longtemps pour y parvenir.

La bonne nouvelle, c’est que nous avons maintenant une plateforme logicielle. Nous avons des capacités logicielles éprouvées sur lesquelles nous nous appuyons, et nous allons évoluer vers une configuration plus logicielle tout en nous appuyant sur l’utilisation de technologies matérielles plus standard comme NVMe [non-volatile memory express]. Mais comme nous visons le marché du stockage critique d’entreprise, nous n’essayons pas d’être un stockage entièrement défini par le logiciel. Pour répondre aux besoins des environnements à très hautes performances, il faut intégrer étroitement le matériel et les logiciels pour qu’ils fonctionnent ensemble. Les intégrations plus lâches fonctionnent, mais nous voulons battre nos concurrents sur le terrain de la performance. Et pour cela, il nous faudra toujours une intégration étroite avec le matériel. 

Près de 150 sociétés du classement Fortune 500 utilisent actuellement notre technologie
Mark S. Lewis

Violin a connu des hauts et des bas. Cela a-t-il été compliqué de conserver la confiance des clients existants et d’en séduire de nouveaux ?

Lewis :J’ai un ami qui est commercial et qui m’a dit « félicitations pour ta nomination chez Violin, mais que vas-tu faire chez eux ». Tout le monde a lu les articles de presse sur le dépôt de bilan et pense que les choses ici doivent être catastrophiques. Clairement, des erreurs ont été faites pour que nous en arrivions là, mais cela a aussi été à durcir la technologie. Et je suis enthousiasmé par le potentiel que nous avons. 

L’une des choses qui m’ont le plus impressionné est l’incroyable propriété intellectuelle de Violin. Cette propriété intellectuelle est intacte, mais nous n’avions pas de processus en place et la force de vente avait été décimée. Nous n’avions pas de moteur de croissance faute de force de vente et de marketing. Maintenant que nous sommes à nous financés par des fonds, nous avons rebâti une force de vente et un « channel ». Et nous avons aussi renoué avec nos clients. Ce trimestre, nous avons également des discussions avec une vingtaine de nouveaux clients.

Concrètement, nous avons encore beaucoup de grandes installations. Près de 150 sociétés du classement Fortune 500 utilisent actuellement notre technologie pour leurs applications les plus critiques. Maintenant que nous sommes de retour et contrôlés par des fonds privés, nous pouvons nous appuyer sur nos actifs et sur cette base installée pour nous rétablir sur des bases solides.

Nous ne faisons pas de tiering vers le cloud, nous ne faisons pas de stockage objet et nous ne faisons même pas de stockage en mode fichiers. Nous nous concentrons sur le stockage en mode block, Fibre Channel et iSCSI et nous ne vendons que via notre réseau de distributeurs et de partenaires.

Quelle est votre stratégie pour que Violin ne renoue pas avec les errements du passé et pour assurer le succès de votre « Flash Platform » ?

Lewis :L’une des conditions de notre succès est le renforcement de notre focus sur les applications ayant besoin de performances très élevées. On a tendance à regrouper toutes les baies Flash dans une même catégorie, mais cela ne reflète pas le marché. Cela permet certes de compter les ventes, mais le fait d’être une baie flash ne suffit pas à faire un choix. Nous pensons qu’il y a bien plus.

L’an passé le marché mondial des baies Flash a atteint près de 8 milliards de dollars. Violin n’est même pas une goutte dans cet océan. Nous sommes dans la pratique une start-up et nous sommes reconnus pour nos incroyables performances. Nous nous concentrons sur le segment du marché qui a besoin de cette performance extrême. Nous n’allons pas concurrencer Pure Storage, NetApp, Dell EMC et les autres sur le marché du stockage flash générique. Nous nous satisferions tout à fait de créer une niche d’un milliard de dollars sur le segment du stockage à hautes performances.

Vos investisseurs vous demandent-ils quand vous serez à l’équilibre. Y a-t-il une feuille de route pour le retour de Violin à la rentabilité ?

Lewis :Nous avons une approche conservatrice qui tend à préserver otre trésorerie. Notre objectif immédiat n’est pas d’être rentables, mais de générer rapidement un cash flow positif. C’est notre priorité pour bâtir un business durable. Je pense que nous sommes à environ deux ans de cet objectif. Et il ne nous faudra pas un milliard de dollars de revenus pour y parvenir. Nous détenons une propriété intellectuelle qui nous permet de maintenir nos coûts bas et de préserver nos marges. Et nous sommes aussi en mesure de délivrer des performances flash élevées à un coût très compétitif.

D’autres fournisseurs jouent un jeu qui consiste à tenter de remplacer les baies de disques par des baies flash. C’est un gros marché, mais cela entraîne une course vers le bas en matière de prix. Nous attaquons le marché par le haut et nous avons donc de l’espace pour nous développer de façon rentable sans avoir à nous préoccuper de cannibalisation.

Quelle est la roadmap de Violin pour ce qui concerne le support de NVMe ? 

Lewis :Nous délivrerons le support NVMe over cette année. Le support de la connectivité frontale NVMe est important pour nos clients et cela va aussi nous permettre de délivrer des performances encore meilleures que celles que nous pouvons proposer aujourd’hui.

Du côté des supports de stockage, l’histoire est différente. Nous n’avons jamais utilisé de disques SAS ou SATA dans nos baies. Nous avons développé notre propre contrôleur qui délivre des performances supérieures à celle des disques NVMe actuels. Du fait de notre volonté d’intégrer étroitement matériel et logiciel, nous travaillons avec les fournisseurs de disques NVMe pour ajouter les fonctions logicielles qui permettraient à des disques NVMe d’être assez rapides pour s’insérer dans des baies Violin.

Nous souhaitons adopter une approche d’équipements de commodité. Mais il faudra encore des améliorations pour cela. En l’état actuel, les dispositifs NVMe sont encore trop lents pour nous et il nous faut travailler avec les fabricants, pour qu’ils comblent leur retard.

Pour ce qui est des dispositifs de stockage en mémoire de nouvelle génération, nous étudions la 3DXPoint et d’autres technologies de mémoire. Notre stratégie est de donner l’option à nos clients de mettre en place ces dispositifs dès qu’ils seront commercialement disponibles.

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