RPA : Blue Prism fête ses deux ans en France

Précurseur du RPA, le britannique est arrivé en France en 2018. Depuis, l'éditeur a connu une croissance mondiale soutenue qu'il veut répliquer dans le pays. Son année 2020 devrait être rythmée par l'arrivée de son RPA cloud et la fin du support de SAP pour ECC.

BluePrism est un des « Big Three » du marché RPA aux côtés d'Automation Anywhere et UIPath. Bien qu'il soit le plus petit des trois, il en est même le précurseur et le créateur si l'on considère qu'il est celui qui a employé le premier le terme de « Robotic Process Automation ».

Fondé en 2001 au Royaume-Uni avec pour idée d'automatiser les backends dans la banque et l'assurance d'une manière complémentaire des outils existants à l'époque, l'éditeur a passé cette année la barre des 100 millions de £ de chiffre d'affaires. « Et nous sommes l'une des rares sociétés cotées qui ne fait que du RPA [N.D.R. : depuis 2016] », souligne Jean-François Pruvot, Vice-Président Europe du Sud BluePrism.

Pourtant, ce n'est que dix-sept ans plus tard - juste avant sa majorité pourrait-on dire - que BluePrism a franchi la Manche et ouvert son premier bureau parisien, début 2018.

Cash Burn

Blue Prism ne réalisait alors « que » 55 millions £ de revenus. En atteignant 101 millions en 2019, il affichait un an plus tard une croissance globale de 80 %, 1000 employés et 1700 clients.

Ces chiffres traduisent bien la volonté d'aller vite, presque sur un mode « startup » - même si l'éditeur a passé ce statut.

Un autre indicateur le confirme. Alors qu'il a presque doublé ses revenus, Blue Prism a vu ses pertes quasiment tripler, passant de 27 millions en 2018 à 76,4 millions en 2019.

En cause, un poste « Sales & Marketing » qui passe de 53 millions £ (2018) à 106,6 millions (2019) - soit, à lui seul, plus que le CA total. Dans le même temps, le budget R&D progresse de 65 %, à 6,6 millions (contre 4 million £ en 2018).

Dit autrement, Blue Prism au niveau mondial est dans une stratégie de « cash burning », pour gagner le plus rapidement possible des clients et/ou étendre son empreinte chez les clients existants.

Le bilan des deux ans

L'éditeur ne ventile pas ses performances pays par pays. Mais la stratégie de croissance rapide est aussi à l'œuvre en France.

« Sur le marché français, nous sommes à une étape de construction », synthétise  Jean-François Pruvot dans un échange avec LeMagIT. Début 2019, l'éditeur employait deux personnes à son bureau parisien. Début 2020, l'équipe est composée de quinze collaborateurs.

Côté client, Blue Prism France revendiquait 25 entreprises clientes début 2019, contre 60 aujourd'hui. « Ce sont principalement des entreprises du CAC 40. Mais pas que [N.D.R. : Blue Prism vise également les ETI] même si l'essentiel de nos revenus vient des entreprises du CAC 40 du fait de leurs tailles ».

Origine de l'éditeur oblige, la banque et de l'assurance sont les plus gros utilisateurs de Blue Prism (30 % des clients français pour environ 60 % de son chiffre d'affaires), suivi par les « Utilities » (eau, énergie, etc.) et les industries manufacturières.

RPA (beaucoup) dans la banque

« La banque et l'assurance sont nos premiers marchés », confirme le Vice-président Europe du Sud. Les cas d'usages du RPA y sont en effet nombreux.

Par exemple pour faire les réconciliations mensuelles entre plusieurs centaines de filiales. « Même avec un logiciel dédié à la consolidation, envoyer des mails pour demander des explications sur des écarts entre le prévu et le réalisé est un processus qui reste manuel. Il peut prendre 4 à 5 jours/homme par mois. Avec le RPA, on peut le réduire à quelques heures. Le RPA fait un extract des données, rédige l'email automatiquement et l'envoie », illustre-t-il.

Un autre exemple, dans le « front office » cette fois, est celui du centre d'appel de la filiale étrangère d'une banque française qui a déployé Blue Prism sur le processus d'ouverture de compte - plusieurs centaines de milliers par an dans ce pays, que Jean-François Pruvot ne citera pas.

« Sur les 40 minutes [pour l'ouverture d'un compte], vingt-cinq étaient consacrées à la saisi des données dans les différents systèmes. La connaissance du client était la partie congrue de l'échange. [La filiale de la banque] est sur Microsoft Dynamics. Elle aurait pu automatiser la saisie des données avec un développement et des APIs. Mais grâce au RPA, le projet qui a débuté en février a été mis en production en mai, en seulement 4 mois ».

Blue Prism est également utilisé pour automatiser la création des références fournisseurs (pour vérifier automatiquement le RIB, le RCS, etc.), pour traiter le paiement des factures, pour gérer des lettres de crédits dans l'import-export ou encore chez un prestataire de BPO en lien avec la paie pour le traitement des arrêts maladies.

Beaucoup de ces exemples pourraient s'automatiser directement avec des packages logiciels. Mais pour Jean-François Pruvot, l'option RPA répond bien à l'exigence de clients qui ne veulent pas mettre toute leur logique métier dans l'ERP. « D'autant plus qu'ils peuvent en avoir plusieurs différents, ou racheter une entreprise qui a, elle, une autre version de SAP ».

Land & Expand

En plus d'une base installée en croissance, Jean-François Pruvot se félicite de la marque de plus en plus importante de Blue Prism chez les clients existants. « Chez ces clients, l'adoption de nos solutions s'accélèrent. Ceux qui étaient à 50 robots sont passés à 100, et certains qui en avaient 300 sont passés à 500 ».

Le responsable compte en robots du fait que Blue Prism facture sur cet indicateur, mais pour lui, rappelle-t-il, « le bon indicateur à regarder, c'est le nombre de processus automatisés, pas le nombre de robots ». Un robot peut en effet être utilisé dans plusieurs processus différents.

Aujourd'hui, la filiale française revendique en tout cas un taux de renouvelle de presque 100 %.

Un (court) hiver du RPA ?

Il n'en reste pas moins que malgré ce taux de renouvellement prometteur, un élément externe pourrait troubler la croissance de Blue Prism.

Rappelons que - dans le monde comme en France - l'éditeur britannique ne se positionne pas sur le marché du Robotic Desktop Automation (RDA) mais sur les projets d'envergure, à l'échelle des entreprises, avec une couche d'orchestration poussée.

Or, constate Benoît Cayla, EMEA Solution Consultant chez Blue Prism, « nous voyons beaucoup de clients qui ont fait des expériences de type RDA où les utilisateurs font chacun leur bot de leur côté [...] Mais comme [ces outils] ne prennent pas en compte la gouvernance, ils peuvent générer de la déception » lorsque l'on désire passer à l'échelle, prévient-il.

« La promesse est séduisante. Mais le RPA reste un projet IT, qui marche sur deux jambes : les métiers et l'IT. Pour passer à l'échelle, il faut un Operatic Model (en l'occurrence un Robotic Operatic Model) », confirme Jean-François Pruvot qui ajoute que ces projets exigent qu'on y consacre des ressources - et ne sont peut-être pas aussi simple que ce que certains métiers pensaient.

« Aujourd'hui, nous sommes dans la nouvelle vague du RPA », avance Benoît Cayla, « les clients veulent passer à l'échelle, avec une cohérence [entre les robots des processus], la ré-utilisabilité et la maintenance [des robots], et l'auditabilité [de ce qui a été exécuté automatiquement part les bots] ».

Blue Prism France en 2020 : SAP, cloud et automatisation des « front offices »

Malgré la volonté des clients français d'aller plus loin - et d'automatiser à présent des processus entiers de bout en bout au-delà des tâches, dixit Jean-François Pruvot - le marché reste frémissant.

Un des plus gros clients mondiaux de Blue Prism possède un parc de quatre mille robots. Le plus gros client français - une entreprise de même ordre de grandeur - n'en aurait aujourd'hui que « plusieurs centaines » compare le responsable.

« Donc nous savons que le potentiel de croissance de la base installée est très important. Et nous le voyons d'ailleurs, client par client », conclut Jean-François Pruvot qui table, en plus de cette adoption croissante dans les comptes existants, sur 90 entreprises clientes dans le pays cette année.

Pour atteindre cet objectif, la filiale compte sur plusieurs opportunités - dont la fin du support d'ECC.

L'évolution annoncée des environnements SAP « est une opportunité [pour le RPA] que ce soit pour faciliter la maintenance, les migrations, les reprises de données » - vers S/4HANA ou vers une autre solution - « ou même pour des clients qui consolident N systèmes SAP en un seul ».

L'autre sujet clef de 2020 pour Blue Prism sera l'automatisation du « front office » - pour les courtiers, l'assurance, la vente ou le centre d'appel - avec une première incursion dans le « RPA attended » (ou RPA assisté).

Enfin, la filiale s'est fixée comme objectif de réussir le lancement de la nouvelle offre Cloud de sa maison mère.

Cette version cloud - dans laquelle Blue Prism gère l'infrastructure des bots - compte environ 200 clients dans le monde. En France, quelques prospects en sont au stade d'essais que François Pruvot et Benoît Cayla souhaitent transformer rapidement.

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