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Confinement : les infrastructures collaboratives à l’épreuve du feu
Malgré quelques ruptures de services, les grandes plateformes SaaS résistent grâce à leur déploiement sur les datacenters européens. Les serveurs collaboratifs des entreprises, en revanche, sont à la peine.
La bascule soudaine de la majorité des salariés en télétravail met à rude épreuve les services collaboratifs comme Cisco Webex, Microsoft Teams et Zoom. D’un côté, les experts estiment que les grands fournisseurs de services cloud ont pris tellement de précautions en matière d’infrastructures et de moyens de monitoring que leurs interruptions de service ne devraient jamais durer plus d’une journée.
De l’autre, maintenant que le télétravail devient la norme, même les interruptions les plus brèves auront des conséquences notables sur les activités.
« Trop de paramètres entrent en ligne de compte pour garantir qu’il n’y aura pas de problèmes. Les fournisseurs ont démontré qu’ils savaient construire des systèmes très résistants et très élastiques, mais il y aura toujours un point de rupture », estime Craig Lowery, analyste chez Gartner.
Craig LoweryGartner
Pour l’heure, des problèmes surgissent de-ci, de-là. Mercredi dernier, plusieurs services de collaboration Cisco étaient indisponibles, ou lents à charger. En particulier Webex Teams et le centre de contrôle Cisco dédié aux administrateurs systèmes. Il s’agissait de la troisième perturbation importante chez le fournisseur depuis début mars, après deux autres incidents majeurs en janvier. « Ces incidents n’ont rien à voir avec l’utilisation sans précédent de nos outils de collaboration. Notre infrastructure cloud est prête pour supporter des pics d’activité bien plus importants », assure Sri Srinivasan, qui dirige l’unité dédiée aux outils de collaboration.
Des services répliqués sur tous les datacenters européens depuis 15 jours
Dans les faits, les communications sur Webex ont augmenté de 35 % depuis le mois dernier. En Europe, les nouvelles inscriptions à un compte gratuit ont été sept fois plus nombreuses qu’en temps normal. Microsoft a fait état d’un succès similaire. La plateforme Zoom aussi, d’autant que tous les enseignants du monde entier l’ont manifestement choisie pour faire classe en ligne.
Tous ces services sont hébergés chez Amazon AWS, Microsoft Azure et Google GCP. On sait que ces trois géants du cloud public ont anticipé la crise. Il y a environ 15 jours, ils ont notamment répliqué leurs machines virtuelles dans une multitude de grands datacenters européens, où ils bénéficient de liens directs avec les fournisseurs nationaux de connexions Internet. Ces réplications de services avaient notamment généré des pics de trafics sur les nœuds d’échange européens : l’Allemand DEC-IX a enregistré des flux à 9 Tbit/s contre 5 Tbit/s d’habitude et le Français France-IX un pic à 1,4 Tbit/s contre 900 Gbit/s.
Cette flotte d’entités virtuelles, prêtes à exécuter de nouvelles session Zoom, Teams ou Webex selon la demande locale, est régie par des orchestrateurs dont la capacité à tenir la charge est éprouvée depuis plusieurs années chez AWS, Azure et GCP. Du côté des éditeurs de plateformes collaboratives, il n’y a théoriquement plus qu’à appuyer sur un bouton pour confirmer en temps réel l’ajout de ressources.
Ce qui coince vraiment : les serveurs collaboratifs des entreprises elles-mêmes
Art SchoellerForrester
« Franchement, l’apocalypse des conférences en ligne ne sera pas le problème auquel nous serons confrontés », estime Art Schoeller, analyste chez Forrester. « Ce qui coincera, c’est l’accès aux données privées qui sont partagées depuis les serveurs des entreprises. » Comme la plupart des experts, il pointe le sous-dimensionnement des accès VPN : « ces accès ne sont calibrés que pour supporter l’accès simultané de 10 à 20 % des salariés, pas 100 % », lâche-t-il.
Dans l’urgence, les entreprises devraient-elles, elles aussi, basculer leurs systèmes d’information sur les infrastructures élastiques d’AWS, Azure et GCP ? Justin Harris, le directeur technique d’ENow Software, une solution de monitoring des connexions cloud, est dubitatif :
« Le lancement précipité de plateformes d’échange sur de nouvelles infrastructures risque de mettre les collaborateurs dans une situation où ils ne savent plus utiliser correctement les outils. Et cela n’aura qu’une conséquence : augmenter la pression sur les services d’assistance informatiques. D’autant que ceux-ci seront bien incapables de savoir si un problème vient du cloud, de la connexion, ou du Wifi de l’utilisateur. »
« S’il y a bien des personnels dans les entreprises à qui il faut tirer son chapeau en ce moment, ce sont les services d’assistance. Je n’aimerais pas être à leur place », confirme Art Schoeller.