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Accord Oracle – TikTok : avertissement et source d’inspiration pour l’Europe de l’IT
Le feu vert est donné. Les informations des utilisateurs américains de l’application d’origine chinoise seront bien hébergées par Oracle. Au-delà de cette affaire de IaaS, l’accord suscite des réactions en Europe sur la question de la souveraineté.
Le président des États-Unis Donald Trump a donné ce samedi son accord à la proposition commune d’Oracle et de TikTok d’héberger, sur le cloud d’Oracle, les informations des utilisateurs américains de l’application d’origine chinoise, et de créer une structure commune, TikTok Global.
Le géant de la grande distribution Walmart fera aussi partie de l’accord, comme partenaire commercial. Il sera le troisième actionnaire de référence de TikTok Global.
TikTok Global sera une société basée aux États-Unis, soumise au droit américain. Son capital sera détenu à hauteur de 20 % par Oracle et Walmart. Les 80 % restants seront dans les mains de la maison mère chinoise de TikTok, ByteDance. Mais cette autre société est aussi détenue à hauteur de 40 % par un fonds américain. Ce qui fait que le capital de TikTok Global sera majoritairement américain (52 %).
Une future entrée en bourse de TikTok Global permettra si besoin par la suite de remodeler la composition du capital.
Les interprétations de cette affaire sont multiples. La politique a en tout cas joué un rôle clef puisque tout a commencé par des accusations de la part des États-Unis sur une ingérence chinoise au travers du réseau social. Depuis, Donald Trump avait mis la pression pour que TikTok – ou en tout cas la partie qui opère aux États-Unis – passe sous contrôle américain.
Pour Oracle, une simple histoire de IaaS
Le service de communication d’Oracle, lui, élude cette question politique. TikTok aurait simplement choisi de mettre ses données et son code sur OCI Gen 2, le IaaS d’Oracle de deuxième génération, « parce qu’il est beaucoup plus rapide, plus fiable et plus sûr que les technologies de première génération proposées par tous les autres fournisseurs de cloud », explique Larry Ellison, CTO et ex-PDG d’Oracle, de manière faussement naïve.
Le multimilliardaire et fondateur d’Oracle est aussi un républicain convaincu et un proche de Donald Trump. Selon les points de vue, les observateurs estiment que le premier a aidé le second en lui fournissant une solution au « problème TikTok » pile avant les élections de novembre ; quand d’autres estiment que le second a donné au premier une affaire en or lui permettant de communiquer sur son cloud.
En tout état de cause, Safra Catz, la PDG d’Oracle s’est félicitée de cet accord sur le plan technologique : « Oracle va rapidement déployer, faire évoluer et exploiter les systèmes TikTok dans Oracle Cloud. Nous sommes confiants à 100 % dans notre capacité à fournir un environnement hautement sécurisé à TikTok et à garantir la confidentialité des données aux utilisateurs américains, ainsi qu’aux utilisateurs du monde entier ». Il se pourrait donc que TikTok Global – alias TikTok USA – devienne aussi la structure de référence pour d’autres utilisateurs que les seuls Américains.
« Cette décision technique de TikTok a été fortement influencée (sic) par le succès récent de Zoom qui a transféré une grande partie de ses activités de vidéoconférence vers le cloud public d’Oracle », conclut le communiqué d’Oracle, feignant de croire que ByteDance a pris une simple décision de changement d’hébergement à la lecture d’un rapport d’IDC qui « donne les plus hautes notes de satisfaction à notre cloud » (dixit Larry Ellison).
Un éclairage indirect sur les questions de souveraineté
En Europe, plusieurs voix de l’IT B2B ont réagi publiquement à ce qui ressemble pourtant à une affaire purement sino-américaine. Plusieurs acteurs voient en effet dans cette affaire l’illustration d’une forme de défense agressive et systématique des intérêts américains quand les Européens resteraient naïfs (y compris lorsqu’ils peuvent être les cibles de cette défense).
« Les décisions des administrations américaines et chinoises de bannir brutalement des solutions “digitales” prouvent que la “régulation” n’est plus une régulation de droit, mais une “régulation” de rapports de forces pour favoriser les champions nationaux et éliminer les concurrents encombrants », analyse par exemple Michel Paulin, Président d’OVHcloud.
Pour Alain Garnier, de Jamespot et du collectif « Play France Digital » (qui promeut l’utilisation de solutions IT locales), il s’agit tout simplement « d’un acte de prédation » économique.
Bref, TikTok serait donc aussi un avertissement aux concurrents européens.
Un autre membre du collectif Play France Digital, Pascal Gayat (président des Cas d’Or du Digital) ne critique pas forcément la méthode et l’objectif. Mais il se demande si (et quand) les Européens prendront conscience de leurs intérêts de la même manière.
« Excellent, quand pourrons-nous faire ça en Europe ? », écrit-il. « Un coup de pression, on pousse les entreprises du marché domestique, on introduit en bourse et on oublie le souci de départ […] Et pas besoin de se référer à une constitution pour couvrir les agissements ».
Hasard du calendrier, le commissaire européen Thierry Breton a apporté un début de réponse à cette question. L’ancien président d’Atos et ex-ministre des Finances a annoncé ce week-end que le « Digital Service Act » serait finalisé d’ici décembre.
Ce projet de loi européenne menace de démanteler les GAFA en cas d’abus de position dominante. Une manière, dirait certainement Oracle, de promouvoir librement des options technologiques locales.
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