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Des bits quantiques créés aussi facilement que des transistors
La startup Siquance, émanation du CNRS et du CEA à Grenoble, élabore une puce quantique s’appuyant sur les classiques procédés de fabrication de semi-conducteurs.
Le CEA et le CNRS se sont associés pour créer une startup dédiée au calcul quantique, Siquance. Le processus mis au point a permis la création d’un nombre faramineux de… 1 qubit (bit quantique). Face aux déclarations tonitruantes de Google et autres IBM, qui annoncent mois après mois avoir produit des processeurs de quelques centaines de qubits, la performance de Siquance semble pour le moins en retrait. Mais il faut remettre les pendules à l’heure : le nombre de qubits n’est qu’un des facteurs intervenant dans la mise au point d’un futur ordinateur quantique.
La qualité de ces qubits - leur faculté à ne pas être dégradés par trop de bruit, liée à la décohérence - est au moins aussi importante que leur nombre. D’autant plus que le bruit augmente plus vite que la quantité de qbit. L’autre point crucial est la technologie de fabrication de ces qubits. Et sur ce point, Siquance a réalisé une belle avancée.
Des processus industriels maîtrisés…
Siquance s’appuie en effet sur les mêmes technologies CMOS exploitées dans la production des processeurs actuels. Autrement dit, les processus industriels sont bien maîtrisés, rendant la production peu coûteuse et surtout reproductible. De plus, les composants employés sont des transistors FDSOI (Fully depleted silicium on insulator), inventés par le CEA, peu énergivores et limitant les fuites de courant.
« Actuellement les FDSOI sont gravés en 28 nm. Mais pour une puce quantique, la finesse importe peu », précise Stéphane Siebert, directeur de la technologie au CEA. Reste que créer un qubit n’est pas aussi facile que fabriquer un transistor.
… mais nécessitant une température proche du zéro absolu
Le point crucial est la température : celle-ci ne doit pas dépasser 0,5 K (0 K constituant le zéro absolu, les particules étant alors immobiles, soit -273,15 °C). D’où la nécessité de disposer de cryostats. Le premier, fonctionnant à 2 K, sert à valider la qualité de la charge servant à créer le qubit. Un deuxième, fabriqué sur mesure, permet de créer le qubit à moins de 0,5 K.
« On peut comparer notre puce quantique à une palette d’œufs. Nous pouvons créer un qubit dans chaque emplacement. Selon la distance entre les œufs (ou qubits) et la profondeur de chaque emplacement de l’œuf, nous pouvons maîtriser les deux propriétés essentielles des qubits : intrication et superposition », explique Maud Vinet, CEO de Siquance.
Et pour simplifier encore plus, le procédé de fabrication de Siquance permet facilement de passer d’une boîte de 6 œufs à une boîte de 24, 48, etc. En effet, il ne faut pas se faire d’illusion : pour créer un qubit logique, apte à être suffisamment « propre » pour servir à des calculs, il faut un nombre impressionnant de qubits physiques qui vont corriger les erreurs : 1000 qubits logiques nécessitent au minimum 100 000 qubits physiques. D’où l’importance du procédé de Siquance permettant de multiplier facilement le nombre de qubits : environ 100 000 sur 1 mm2.
Une collaboration CEA-CNRS exceptionnelle
C’est en 2019 que le premier circuit intégré avec un qubit a été créé, fruit d’une collaboration entre l’Université de Grenoble, le laboratoire CNRS de physique de la matière condensée de Grenoble (Institut Néel) et le CEA : « une coopération assez unique, les chercheurs des différents organismes se retrouvant sur le même plateau », insiste Stéphane Siebert. Parallèlement, les outils d’industrialisation sont mis en place et les logiciels développés, pour programmer la puce.
Le CEA soutient de nombreuses startups dans le domaine de la production de qubits, notamment Pasqal dont le « guru » n’est autre que Alain Aspect, Prix Nobel de physique en 2022. Le CEA ne met pas donc tous ses œufs dans le même panier : « Dans le processus de création d’une puce quantique, les étapes sont différentes selon les procédés : la technique à base de semi-conducteurs passe par une première phase assez longue, mais l’étape de multiplication des qubits est rapide. C’est le contraire pour la production à base de supraconducteurs », résume Stéphane Siebert.
Question développement et financement, Siquance compte sur 20 M€ par levées de fonds et argent public, français ou européen. Début 2024, une vingtaine de personnes auront été embauchées. Enfin, le processeur sera disponible à la demande dans le cloud, à l’image de ce que propose IBM. Avec pour atout une consommation énergétique contrôlée.
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