Database Free : Oracle poursuit son opération séduction auprès des développeurs

Oracle a annoncé la disponibilité d’Oracle 23c Free afin de mettre le pied à l’étrier aux développeurs. Une nécessité pour le fournisseur qui perd de l’attrait auprès des jeunes architectes et de certaines entreprises.

Le monde du SGBD change et Oracle doit s’adapter.

Alors qu’Oracle discutait majoritairement avec les directions et les membres des opérations IT, auxquelles sont attachés les administrateurs des bases de données, désormais considérés comme les SRE des SGBD. Ses interlocuteurs ont changé : avec l’avènement du cloud, les équipes de développement sont souvent celles qui choisissent les SGBD à utiliser.

Les développeurs mènent la danse

Or, comme le rappelle Oracle, il existe 410 technologies de bases de données référencées par DB-Engine en mars 2023.

« Heureusement, beaucoup de ces développeurs pensent que les bases de données multimodèles ou à usage général sont la voie à suivre », affirme Gerald Venzl, Senior Director Product Management chez Oracle.

Pour énoncer cela, le fournisseur s’appuie sur deux éléments. Il y a d’abord le top 10 du classement de DB Engine, où l’on retrouve majoritairement des bases relationnelles et multimodèles, « à usage général ».

Puis, les porte-parole font mention d’un article publié par Stephen O’Grady, analyste chez RedMonk en octobre 2021 qui constate un retour de l’approche multimodèle.

Chez Oracle, ce phénomène ne date pas d’hier. Les porte-parole rappellent les efforts du fournisseur pour faire d’Oracle Database une solution convergée capable de prendre en charge les traitements OLAP et OLTP, de profiter de déploiements automatisés, de supporter nativement les types de données JSON, les modèles graphes, etc.

Avec Oracle 23c, la fonction JSON duality view doit permettre de stocker des données au format JSON dans des tables relationnelles tout en offrant la possibilité de les interroger comme des documents via une couche de mappage GraphQL.

Calquer le modèle MongoDB

Depuis quelque temps, la cible privilégiée d’Oracle n’est autre que MongoDB. Le fournisseur nous a habitués à sa communication agressive envers ses compétiteurs. Un jeu dans lequel certains d’entre eux sont entrés un moment.

Avec la version Free-Developer Release d’Oracle 23c, le fournisseur remet une couche. Il rappelle qu’il propose, lui aussi, un mode de déploiement similaire à la version communautaire de MongoDB. Si l’éditeur du SGBD orienté documents a décidé d’adopter une licence de son cru (SSPL) en lieu et place d’un modèle open source, il continue de fournir un accès libre à une distribution de son produit. MongoDB propose également un free tier pour sa DBaaS Atlas sur le cloud.

« MongoDB est disponible en 2009, mais la première version gratuite d’Oracle XE 10g est sortie en novembre 2005 », précise un porte-parole d'Oracle.

Selon un billet de blog de Digora publié en 2011, Oracle XE 10g avait été lancée en réponse à MySQL avant le rachat de SUN par Oracle et à la version gratuite de SQL Server. Ces dernières années, Oracle a davantage mis en avant son offre gratuite disponible depuis Oracle Infrastructure Cloud.

« Nous proposons un accès à Oracle Autonomous Database dans sa version “Always Free” sur OCI depuis 2019, mais les développeurs aiment toujours développer sur leurs ordinateurs portables ou utiliser une version on premise d’une technologie », constate Gerald Venzl. « Ils veulent aussi pouvoir la connecter facilement à leurs pipelines CI/CD ».

Ainsi, Oracle Database 23c Free est disponible au téléchargement depuis le Web sans inscription. Dans un premier temps, les développeurs peuvent récupérer une image Docker, exécuter le SGBD dans une VM Virtualbox ou l’installer comme un paquet RPM sur Linux. Une version pour Windows est aussi prévue.

La licence Oracle Free Terms impose toutefois quelques limites. Cette distribution n’est pas supportée en production. Il semble préférable de l’utiliser à des fins de tests ou de prototypage. De son côté, Oracle ne restreint pas l’usage en production, mais ne le recommande pas. Il prévient qu’Oracle Database Free ne bénéficie ni de patchs, ni de mises à jour de sécurité.

Il n’est possible que d’allouer une capacité de calcul et de stockage limitée au SGBD (2 threads CPU, 2 Go de RAM, 12 Go de stockage). Bien évidemment, le fournisseur ne propose pas de support commercial pour cet échantillon. Les développeurs peuvent néanmoins chercher de l’aide sur le forum communautaire du fournisseur, directement animé par les vice-présidents et les responsables produits du groupe.

« Ceci est très similaire à ce que l’on voit dans le monde de l’open source, où il y a parfois une dichotomie entre les éditions communautaires et entreprises. Nous pensons que les développeurs sont très à l’aise avec ce modèle », estime le Senior Director.

Inverser l’ordre des sorties

Oracle Database Free est donc « l’héritier direct » d’Oracle Database Express Edition qui sur le papier propose les mêmes avantages et les mêmes inconvénients. Le fournisseur parle de succession et non de renommage, car Express Edition « était plus orienté vers une installation rapide que vers une expérience complète permettant aux développeurs de créer de nouvelles applications ».

L’idée est de laisser les développeurs tester et développer des applications s’appuyant sur l’approche duale de JSON, les schémas JSON, les procédures stockées JavaScript via la VM polyglotte GraalVM, des vues graphes par-dessus des tables respectant le futur standard SQL/PGQ, le support (moyennant des changements de code) des événements Kafka via Oracle Database Transactional Event Queues (TEQ), ainsi que des mécanismes de documentations centralisées des données avec SQL Domains et Annotations.

« C’est la première version d’Oracle 23c qui sera disponible publiquement », signale Gerald Venzl. « Par le passé, nous commencions par l’édition Enterprise, puis les autres distributions suivaient ».

Par la suite, les développeurs pourront, s’ils le souhaitent, migrer leurs applications vers la distribution entreprise d’Oracle 23c.

Or, l’attrait pour l’approche multimodèle semble moins du fait des développeurs que des éditeurs qui souhaitent répondre à la demande de leurs clients souhaitant, probablement, rationaliser les déploiements.

Une popularité en berne auprès des développeurs

Si DB-Engine place Oracle en tête de son classement, c’est que le site mesure en premier lieu la popularité des technologies. De fait, les bases de données Oracle sont présentes dans beaucoup d’entreprises, ce qui les pousse de facto tout en haut de la liste.

À cette analyse, il faut ajouter l’étude annuelle réalisée par StackOverFlow en 2022.  À la question « dans quels environnements de base de données avez-vous effectué des travaux de développement importants au cours de l’année écoulée et dans quels environnements souhaitez-vous travailler au cours de l’année à venir ? », 46, 48 % des 48 788 développeurs professionnels interrogés répondent qu’ils utilisent PostgreSQL et 45,68 % d’entre eux MySQL. SQLite (30,83 %), SQL Server (28,77 %), MongoDB (28,29 %), Redis (24,97 %), MariaDB (17,91 %) et Elasticsearch (13,9 %) suivent. 

Avec ces deux études, l’on pourrait aussi expliquer dans les mêmes conditions que les développeurs exploitent plusieurs SGBD pour des cas d’usage spécifiques. Elasticsearch est un aussi un moteur de recherche, Redis demeure une très bonne couche de cache, SQLite anime des front-end, MongoDB gère des listes d’usagers ou des catalogues produits, etc.

Et, selon l’étude de StackOverFlow, Oracle Database est utilisé par 11,79 % des développeurs professionnels. Seuls 35,33 % des 6 994 répondants utilisant Oracle Database l’apprécient, quand 64,67 % la « redoutent », tandis que 60,51 % des 17 233 répondants déployant MongoDB l’aiment, contre 39,49 % de réfractaires. De leur côté, PostgreSQL et Redis sont appréciés par un peu plus de 70 % de leurs utilisateurs.

En clair, Oracle subit un vrai déficit de popularité auprès des développeurs. Oracle Database est suffisamment robuste pour les entreprises, mais de moins en moins de développeurs cherchent à l’utiliser. Cette baisse d’intérêt pour les technologies du fournisseur représente un risque à long terme.

Malgré les mesures techniques et d’accessibilités, la politique tarifaire et de gestion de licences ne joue pas en la faveur du fournisseur. De fait, de nombreuses entreprises se sont rangées aux côtés des développeurs. Certaines d’entre elles déploient des SGBD PostgreSQL ou compatible PostgreSQL partout où elles le peuvent.

Article mis à jour en s'appuyant sur les précisions apportées par un porte-parole d'Oracle.

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