Quantique : Eviden (Atos) passe du simulateur à la plateforme

Qaptiva succède au simulateur quantique QLM pour apporter des outils de développement aux entreprises prêtes à écrire des applications quantiques… ou qui espèrent bénéficier déjà d’une accélération.

Atos – ou plutôt Eviden, sa marque dédiée au supercalcul – transforme son simulateur quantique QLM en une plateforme de développement complète, baptisée Qaptiva. En plus de QLM, celle-ci intègre des bibliothèques de fonctions prêtes à l’emploi. L’ensemble est censé permettre aux entreprises de véritablement basculer dans la mise au point d’applications, et ce, quelle que soit la nature de l’ordinateur quantique qu’elles utiliseront le jour où il finira par en exister un.  

« Le marché de l’informatique quantique est en plein bouillonnement. D’une part, nous voyons à présent des startups qui déferlent tous les jours, avec une solution inédite qu’il faut apprendre à gérer. D’autre part, après deux ans de tests sur QLM, les entreprises ont clairement identifié quels usages peuvent bénéficier d’algorithmes quantiques. Et elles veulent maintenant mettre au point les applications quantiques pour servir ces usages », résume Éric Eppe, le directeur responsable de la stratégie HPC, IA et Informatique Quantique pour la marque Eviden (à droite sur la photo), lors d’un point presse.

« Qaptiva est un environnement à la fois agnostique vis-à-vis de toutes les solutions possibles et qui intègre les outils développés par un très grand nombre de partenaires. »
Éric EppeDirecteur stratégie HPC, IA et Informatique Quantique pour la marque Eviden

« Dans ce contexte, Qaptiva est un environnement à la fois agnostique vis-à-vis de toutes les solutions possibles et qui intègre les outils développés par un très grand nombre de partenaires », argumente-t-il. Il cite des noms : les routines, les prototypes et les outils de ColibrITD, QuantFI, QubitSoft, Qubit Pharmaceuticals, QuRISK ou encore Multiverse Computing seraient automatiquement pris en charge par Qaptiva. Plus précisément, Qaptiva serait capable pour l’instant de simuler entièrement trois des neuf modèles d’informatique quantique actuellement à l’étude.

Un simulateur quantique qui accélère les serveurs traditionnels

Mais il y a mieux : contre toute attente, le simulateur quantique d’Eviden, qui fonctionne sur des ordinateurs traditionnels, exécuterait d’ores et déjà plus rapidement certains calculs que ne le font ces mêmes ordinateurs traditionnels avec des méthodes classiques. Dès lors, Qaptiva ne serait pas qu’un simple instrument de laboratoire ; Atos suggère qu’il s’agirait d’un accélérateur opérationnel, un peu comme des GPUs.

« QLM a été implémenté comme un jumeau numérique d’un ordinateur quantique. Mais nos clients ont constaté que les algorithmes quantiques qu’ils ont développés donnaient plus rapidement des résultats sur ce jumeau numérique que les applications développées pour leur supercalculateur », assure Cyril Allouche, le directeur R&D quantique d’Eviden (à gauche sur la photo).

« En soi, ce n’est pas si étonnant : quand vous repensez totalement la manière d’effectuer des calculs, vous trouvez des méthodes bien plus efficaces. C’est exactement la même chose qu’avec le Machine Learning qui s’est montré 30 % plus rapide que les algorithmes traditionnels sur certains cas d’usage. Les machines sont les mêmes, mais la manière de modéliser les calculs fait toute la différence », ajoute-t-il.

En amont de la scission entre Eviden et Atos

L’arrivée de Qaptiva se fait aussi dans un nouveau contexte économique : revendiquant une place de No 1 français et No 3 mondial sur le marché du « calcul avancé », Atos prévoit de se scinder en deux entités lors du second semestre de cette année. Alors que la marque Atos conservera les activités d’infogérance et d’accompagnement sur la transformation collaborative qui étaient les siennes avant qu’elle rachète Bull, Eviden deviendra un fournisseur indépendant d’infrastructures pour le supercalcul, l’IA, le cloud et la cybersécurité.

« Le marché du quantique évolue, selon les études, de 22 % chaque année et devrait représenter 76 milliards de dollars d’ici à 2040. »
Cédric BourrassetDirecteur des activités intelligence artificielle, supercalcul et informatique quantique, Eviden

« À l’heure actuelle, les activités de la marque Eviden représentent 5,3 milliards d’euros de CA et 57 000 collaborateurs, tandis que la partie Tech foundation d’Atos représente 5,7 milliards d’euros de CA et environ 50 000 collaborateurs. Soit environ la moitié d’Atos de chaque côté », commente Cédric Bourrasset, le directeur des activités intelligence artificielle, supercalcul et informatique quantique chez Eviden (au milieu sur la photo).

« Pour sa part, le marché du quantique évolue, selon les études, de 22 % chaque année et devrait représenter 76 milliards de dollars d’ici à 2040. Il est donc pertinent d’avoir une entité dédiée à ce domaine qui bouleverse tout ce que nous connaissons depuis 50 ans », précise-t-il. A priori, la marque Eviden a remplacé celle d’Atos sur la carte de visite de Cédric Bourrasset depuis avril dernier.  

D’un produit à part à une extension pour supercalculateurs

Parmi l’écosystème de ce calcul avancé, Eviden se compare plus volontiers aux grands fournisseurs d’infrastructures de supercalcul – principalement HPE et Dell – qu’aux entreprises IT historiques qui planchent sur le développement de l’ordinateur quantique, en l’occurrence IBM et Google.

« De manière assez étonnante, les entreprises qui consomment le plus d’outils de développement quantique sont celles du secteur privé – BMW qui cherche à optimiser sa logistique, Total qui planche sur la science des matériaux pour capturer le CO2, des banques pour la gestion des portefeuilles… – et moins celles du secteur public. L’armée, le nucléaire, sont intéressés, mais n’investissent pas encore », constate Cyril Allouche, qui suggère que ce sont plutôt ces clients-là que cherche à cibler IBM, tandis qu’Atos, Dell et HPE travailleraient plutôt avec le secteur privé.

« Les entreprises qui consomment le plus d’outils de développement quantique sont celles du secteur privé […] et moins celles du secteur public. »
Cyril AlloucheDirecteur R&D quantique, Eviden

En définitive, qu’Eviden considère l’informatique quantique comme la locomotive de ses développements, ou qu’il s’en serve pour promouvoir ses produits de supercalcul n’est pas très clair. L’une des caractéristiques nouvelles de Qaptiva est par exemple qu’il ne s’agit plus forcément de livrer un simulateur quantique sur une appliance dédiée ; la nouvelle version de l’environnement supporte de s’exécuter sur une partie d’un supercalculateur existant. Partie que l’utilisateur définit lui-même. De fait, Qaptiva passe d’un produit à part à une extension disponible uniquement sur les supercalculateurs du fournisseur.

Des QPUs à la demande

De l’élasticité au cloud, il n’y a qu’un pas. Un mérite de Quaptiva est aussi de rendre possible l’hébergement en cloud de processeurs quantiques, ou « QPU ». Dans un premier temps, ces QPU seront la plateforme Qaptiva exécutée sur un cluster de serveurs proposé en ligne par Eviden ou ses partenaires. Dans un second temps, les QPU simulés pourraient s’accompagner de véritables prototypes d’ordinateurs quantiques.

Qaptiva simule un ordinateur quantique à 41 qubits. Les prototypes de machines quantiques actuels ne dépassent pas dix à quinze qubits fonctionnels. Par ailleurs, ces prototypes étant basés sur des systèmes très lourds pour préserver les qubits des interférences – cuves cryogéniques, gaz ionisés, etc. – chaque exécution d’un algorithme nécessite deux heures de préparation. Tandis que Qaptiva peut enchaîner les expérimentations sans délai.

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