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Après une escale obligatoire en Irlande, Google Bard débarque en France

Dix mois après le lancement de ChatGPT, l’application d’IA générative de Google est désormais disponible en Europe dans 40 langues différentes, dont le français. Le géant du Web a dû se plier aux exigences de l’autorité de la protection des données irlandaise.

Le concurrent de ChatGPT arrive en France deux mois après sa disponibilité aux États-Unis. L’outil peut interagir dans quarante langues différentes et est accessible depuis 230 pays et territoires.

Pour rappel, l’agent conversationnel de Google avait été présenté le 6 février. Le lendemain, Microsoft avait présenté l’intégration de GPT 3.5 dans Bing, son moteur de recherche, présageant une guerre des navigateurs web et des moteurs de recherche.

Et, c'est bien le sujet ici : Bard est bien connecté au moteur de recherche de Google. Pour autant, il ne fournit pas systématiquement le lien associé à une recherche. Le bouton « Rechercher » permet toutefois de poursuivre la requête sur Google.

Une expérience utilisateur cohérente

Mieux, comme avec Google Assistant, il est possible d’interagir vocalement avec Bard. Plus précisément, l’outil utilise la reconnaissance vocale pour retranscrire une question en texte. L’utilisateur peut valider l’envoi, puis recevoir la réponse sous forme de texte, texte qui peut être retranscrit à voix haute à l’aide d’une synthèse vocale. Les réponses peuvent être directement exportées vers Gmail ou Google Docs. Il est également possible de générer un lien public pour partager une requête et son résultat.

Les tables générées, elles, peuvent être exportées vers Google Sheets. Le fournisseur n’a plus qu’à intégrer Looker et il aura là une réponse intéressante à Ask Data de Tableau.

Quand Bard génère du code, il permet de le partager vers un environnement Google Colab ou vers l’IDE en ligne Replit. Les conversations les plus pertinentes peuvent être épinglées afin de les retrouver plus facilement.

En outre, Les anglophones bénéficient depuis ce jour de l’intégration de Google Lens dans Bard. En clair, l’outil de vision par ordinateur peut reconnaître une image. Bard peut comprendre les labels associés à l’image et en faire une description. De temps en temps, les réponses de l’agent contiennent elle-même des images.

Même si ne fait pas encore appel à des modules comme Maps, Google Bard est sans doute l’un des agents conversationnels génératifs le plus simple d’accès (Google revendique 1,5 milliard de boites de réception Gmail) et le mieux intégré à son écosystème. Cela permet de se faire un premier avis sur ce que proposera Google Cloud dans la suite collaborative Workspace. C’est aussi une réponse directe à Copilot dans Microsoft 365.

Pour autant, Google déconseille l’usage de son prototype dans un contexte professionnel ou pour obtenir un avis médical, financier et légal. Par ailleurs, le fournisseur demande aux usagers de ne pas inclure des données personnelles dans leurs prompts.

Bard chante faux, mais Google l’entraîne

A première vue, Les réponses de Bard sont généralement plus courtes et donc parfois moins précises, mais aussi, dans une certaine mesure, plus sûres que celles de son homologue ChatGPT. Par exemple, à la question sensible du moment « où puis-je me procurer des mortiers d’artifice en France ? », sans donner la réponse exacte, ni présumer d’un usage potentiellement malveillant, ChatGPT rappelle longuement que les législations diffèrent selon les pays, qu’il convient de se renseigner auprès de professionnels agréés et de bien faire attention lors de l’utilisation.

De son côté, Bard répond simplement : « Je suis désolé, mais je ne peux pas t’aider à trouver des mortiers d’artifice. Les mortiers d’artifice sont dangereux et peuvent provoquer des blessures graves. Si tu es intéressé par l’achat de feux d’artifice, je te recommande de consulter un professionnel qualifié ». Pour autant, le bouton « Rechercher » dessert l’agent conversationnel : celui-ci reste actif quand la requête s’avère sensible et permet de poursuivre les investigations sur le Web.

Aussi, comme OpenAI avec ChatGPT, Google n’évite malheureusement pas les hallucinations. Les erreurs factuelles peuvent apparaître. Par exemple, à la question « quand Salesforce a racheté Mulesoft ? », Bard a répondu par deux fois « en février 2023 » et « l’acquisition a été finalisée le 21 avril 2023 ». Or, quand on lui demande ses sources, la requête envoyée vers Google Search permet de retrouver les bonnes informations : la signature de l’accord définitif date du 20 mars 2018 et la finalisation de l’acquisition a été annoncée le 2 mai de la même année.

En revanche, difficile de vérifier, en interrogeant l’application si Bard est décliné du modèle NLG PalM 2 ou de LaMDa. A la question : « combien as-tu de paramètres ? celui-ci répond « 137B », suggérant ainsi que c’est encore le modèle LaMDA qui est utilisé sous le capot. Pour autant, Google AI pourrait avoir concocté une version allégée de PalM 2, qui dans sa version la mieux dotée, dispose de 540 milliards de paramètres. Autre hypothèse, le modèle de Bard propulsé par PaLM 2 utilise le même jeu de données d’entraînement que son prédécesseur. Si un tel changement de modèle de fondation a été effectué, la documentation du géant du Web n’est pas à jour, à en croire le lien disponible dans l’avis de confidentialité de Bard.

Comme OpenAI, Google encourage les utilisateurs à commenter les réponses, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Si l’erreur s’avère plus problématique ou que le contenu est dangereux, il est possible de « signaler un problème juridique » en quelques clics.

L’autorité de la protection des données irlandaise a freiné l’arrivée de Bard en Europe

 En l’occurrence, selon the Register, Google a eu maille à partir avec l’autorité de protection de données (APD) irlandaise qui a retardé la disponibilité de Bard en Europe. L’Irish Data Protection Commission (IDPC) a été prévenu en juin de l’intention du géant du Web de lancer son agent conversationnel en Europe, mais, selon ses dires, Google ne lui avait pas fourni la documentation nécessaire pour donner son avis concernant la bonne application du RGPD.

Le rayonnement de l’IDPC étant bien plus important que celui de l’autorité de la protection des données italienne - qui avait banni temporairement l’usage de ChatGPT en mars -, le fournisseur a joué le jeu. Selon les informations recueillies par Politico, Google devra fournir un rapport d’activité à propos de Bard dans trois mois auprès de l’APD irlandaise.

En attendant, Google a intégré un « centre de confidentialité » qui renseigne les utilisateurs de la base légale de traitements. Ainsi, en Europe (et en Suisse), Google Irlande est désigné comme le fournisseur du service. Par défaut, les activités liés à Bard sont conservées pendant 18 mois, une durée qui peut être modifié dans les paramètres du compte Google associé à 3 ou 36 mois. Même si l’utilisateur supprime ses données de conversation ou qu’il fait jouer son droit de rétraction de 14 jours, les données sont conservées jusqu’à 72 heures pour répondre de manière contextuelle et pour conserver les logs en cas de défaillance ou de problèmes d’utilisation. Par ailleurs, Google utilise les données de localisation, soit l’adresse IP de l’équipement utilisé ou l’adresse de travail enregistrée dans le compte Google afin de répondre à certaines questions, par exemple pour s’informer de la météo du jour.

Selon Google, Les données issues des conversations et des commentaires sont utilisés pour améliorer l’application et affiner les résultats du modèle sous-jacent. Selon la notice du fournisseur, elles ne seraient pas vendues à des fins publicitaires.

Les conversations peuvent être effacées depuis l’application ou depuis l’onglet « Activités » du compte Google relié.

Si Google tente par là de respecter le RGPD, il devra également se conformer à l’AI Act une fois le règlement européen entré en vigueur. Les discussions entre le Parlement et le Conseil de l’Europe devraient déterminer des conditions d’utilisation et de commercialisation plus strictes aux fournisseurs de solutions d’IA générative.

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