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SSD : fusion probable entre Kioxia et Western Digital

La rumeur selon laquelle Kioxia et Western Digital pourraient combiner leurs activités dans le domaine des mémoires NAND reprend de plus belle. Les analystes restent dubitatifs.

Kioxia et Western Digital, deux des cinq principaux fabricants de mémoires NAND, seraient sur le point de fusionner. La rumeur n’est pas nouvelle, mais elle vient de connaître un regain de crédibilité avec la découverte, par Bloomberg, d’éléments liés au financement de l’opération. Le spécialiste de la bourse aurait par ailleurs eu confirmation que seule l’activité NAND de Western Digital serait concernée ; le fournisseur continuerait à fabriquer et vendre ses disques durs, seul.  

Cette fusion aurait lieu dans un contexte de chute des prix sur les mémoires NAND, principalement en raison de l’offre excédentaire de SSD au sortir de la pandémie de COVID-19.

« Or, justement, le marasme dans lequel nagent les marchés du stockage et de la mémoire favorise les fusions. Quand les valorisations boursières des fournisseurs sont en baisse, le coût d’une fusion est moindre », commente l’analyste Thomas Coughlin, du cabinet de conseil Coughlin Associates.

« Quand les valorisations boursières des fournisseurs sont en baisse, le coût d’une fusion est moindre. »
Thomas CoughlinAnalyste, cabinet de conseil Coughlin Associates

Ainsi, la capitalisation boursière de WD, qui était de 20,3 milliards de dollars en 2020, est tombée à 14,25 milliards de dollars en 2023. Samsung, le producteur de NAND avec la plus grande capitalisation boursière, est passé de 500 milliards de dollars en 2020 à 335 milliards de dollars en 2023. Kioxia, en revanche, n’est pas une société cotée en bourse.

La rumeur de cette fusion s’est bâtie sur le partage d’une technologie industrielle entre les deux fournisseurs. Kioxia et WD conçoivent et fabriquent ensemble un certain type de NAND (la BiCS) seule capable de remplacer les mémoires ultrarapides Optane. Cette NAND BiCS est utilisée dans des SSD que vendent les deux sociétés aux fabricants de serveurs et de baies de stockage hautement performants. Kioxia a construit les usines, mais les deux acteurs partagent les dépenses d’équipement et de fonctionnement des installations.

L’accord pose en l’état que WD ne peut récupérer qu’un maximum de 49 % de la production de l’usine.

« Ce qui rend la fusion possible est qu’elle permettrait à WD de devenir le propriétaire majoritaire de l’usine », estime Thomas Coughlin, en relayant les découvertes de Bloomberg selon lesquelles Western Digital détiendrait la majorité des parts, soit 50,5 %, de la société fusionnée.

Les analystes ne veulent pas croire à la fusion

Pour autant, les analystes doutent encore fortement que cette fusion ait lieu et, si c’était le cas, qu’elle ait un effet spectaculaire sur le marché.

Pour commencer, WD tire tout de même un certain avantage à être minoritaire dans l’usine qu’il partage. Quand l’offre est trop importante par rapport à la demande du marché, comme actuellement, Kioxia doit se débrouiller seul avec l’excédent. Dans la même situation, Intel et Micron partageaient la production des mémoires Optane, Intel prenait tous les risques et cela l’a conduit à abandonner cette technologie avec perte et fracas.

Ensuite, la rumeur d’une fusion entre Kioxia et Western Digital n’est pas nouvelle. Des rapports évoquent sa possibilité depuis 2021, à l’heure des premiers bilans tirés de la scission de Toshiba Memory en deux entités : l’une dédiée à la mémoire DRAM et l’autre aux circuits NAND. C’est cette seconde entité qui a ensuite été rebaptisée Kioxia.

« Or, depuis que l’on parle d’une fusion possible entre WD et Kioxia, rien ne s’est jamais fait et l’on sait pourquoi : il n’est pas certain que l’opération profite à Western Digital, car elle diluerait la rentabilité de son activité NAND », observe Jim Handy, analyste spécialisé en semi-conducteurs pour le cabinet d’études Objective Analysis.

« Il n’est pas certain que l’opération profite à Western Digital, car elle diluerait la rentabilité de son activité NAND. »
Jim HandyAnalyste spécialisé en semi-conducteurs, cabinet d’études Objective Analysis

Sur le marché des mémoires NAND, Samsung réalisait au second trimestre 2023 32 % des ventes, Kioxia 21 %, SK Hynix 19 %, WD 16 % et Micron 12 %, selon une étude d’Objective Analysis.

Thomas Coughlin explique pourquoi : « une fusion WD-Kioxia n’aboutirait pas à combiner leurs parts de marché. Les clients réorganiseraient leurs achats pour répartir les fournisseurs, afin de réduire leur dépendance. » Il précise que c’est ainsi que fonctionnent aujourd’hui les commandes des fabricants de solutions de stockage. 

Une rumeur surtout entretenue par les fournisseurs de baies de stockage

Justement. Selon les analystes, la rumeur d’une fusion ne servirait surtout qu’à satisfaire les espoirs des acheteurs de SSD. « Ceux qui veulent croire à une fusion entre WD et Kioxia sont ceux qui espèrent qu’un nombre réduit de fournisseurs conduira à une stabilisation des prix des SSD », estime Thomas Coughlin. Il fait référence aux fabricants de baies de stockage qui peinent à calculer un prix pérenne pour leurs solutions, du fait de la volatilité des prix. « Mais les chances d’aboutir à une stabilisation resteraient faibles », ajoute l’analyste.

Jim Handy, analyste spécialisé en semi-conducteurs pour le cabinet d’études Objective Analysis, fait à ce sujet un parallèle avec le marché des mémoires DRAM : « dans les années 1980, il y avait plus de vingt fournisseurs de DRAM, puis seulement six en 2012, qui se sont ensuite consolidés en trois fournisseurs principaux. Cela n’a jamais empêché la forte volatilité des prix, notamment une chute brutale l’année dernière. »

« Dans un environnement concurrentiel, il y aura toujours de multiples facteurs à prendre en compte pour stabiliser les prix. Le nombre de fournisseurs n’est qu’un paramètre parmi d’autres », conclut-il.

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