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La France, pays le plus anxieux sur l’IA générative
La France est le pays où le pessimisme dans le domaine de l’IA générative est le plus fort, aussi bien pour les usages professionnels que dans la vie personnelle. Plusieurs études et IFOP dressent un portrait nuancé de cette situation, et tentent de l’expliquer.
Cela en serait presque un trait de caractère. Depuis 2012, Ipsos mène une étude qui mesure le sentiment des citoyens de 33 pays concernant les perspectives économiques. Chaque année, les Français décrochent la première place du pessimisme. En est-il de même pour l’intelligence artificielle générative ? C’est ce que pourraient suggérer les résultats du dernier rapport consacré à ce sujet par le BCG – intitulé « Consumers know more about AI than business leaders think. »
Une courte majorité de salariés optimistes sur la GenAI au travail
Au total, 21 400 consommateurs et employés (tous secteurs d’activités confondus) issus de 21 pays, dont la France, ont été sondés. Première observation des auteurs : un Français sur deux se déclare inquiet, ce qui positionne le pays en tête des nations anxieuses.
Mais cette conclusion est à nuancer. D’une part, car il convient de distinguer usages professionnels et usages personnels. Dans le monde de l’entreprise, les inquiétudes sont moindres. En moyenne, au niveau mondial, 70 % des salariés se disent enthousiastes quant à l’idée d’intégrer de l’IA générative au travail. La France se situe plus loin avec 58 % de collaborateurs optimistes. Mais c’est une majorité tout de même.
Ceci étant, parmi les professionnels, il convient de segmenter. Les plus préoccupés par la GenAI occupent des fonctions dans les domaines du marketing et de la finance – les métiers les plus exposés a priori.
Au contraire, les répondants issus des secteurs médical, éducatif et de l’enfance sont les moins inquiets. Un nombre moindre de leurs tâches seraient susceptibles d’être automatisées et/ou remplacées par des technologies d’IA générative.
Des consommateurs très inquiets, et pas seulement en France
Il y a ceux qui sont optimistes, et ceux qui ne le sont pas du tout. Et là, donc, le panel des Français se distingue avec 31 % des employés qui se disent préoccupés par l’usage de l’IA générative au travail contre 15 % en moyenne dans le monde. La France est en fait le pays le plus pessimiste sur le sujet.
Le rapport du BCG observe toutefois que les préoccupations se cristallisent, en comparaison, moins sur la vie professionnelle que sur la vie personnelle. Les plus préoccupés seraient en effet les consommateurs. Ce constat ne vaut pas uniquement pour l’Hexagone, même si, là aussi, il se démarque des autres états.
En effet, 43 % des consommateurs se déclarent optimistes à l’idée d’utiliser l’IA générative. Pour la France, ce ratio chute à 29 %. Une médaille supplémentaire de pessimisme pour les tricolores. Ceux-ci la doivent à leurs craintes autour de la sécurité de leurs données personnelles et à l’incertitude associée à la technologie.
Aux États-Unis, en Chine et en Inde, l’enjeu de protection des données personnelles est moindre, sinon anecdotique.
Une étude de l’IFOP pour Talan confirme cette peur : 79 % des Français de 18 ans et plus se déclarent inquiets vis-à-vis de l’émergence des IA génératives (contre 68 % en mai 2023). 74 % des cadres et professions intermédiaires supérieures considèrent qu’elles constituent un risque important pour la sécurité des données (+17 points).
La méfiance vis-à-vis de la GenAI vient-elle aussi de sa très grande empreinte énergétique ? Pas vraiment. « Parmi les préoccupations évoquées, 10 % des consommateurs ont exprimé une inquiétude quant à l’impact environnemental de l’IA. Un chiffre peu élevé qui pourrait toutefois être identifié comme un signal faible », juge cependant le BCG.
Une autre étude Wavestone auprès de 600 « leaders technologiques » semble confirmer ce signal faible. Pas si faible que cela d’ailleurs, puisque ce rapport constate que 46 % des répondants prennent en compte l’impact environnemental de l’IA générative dans tous leurs projets.
À peine 18 % des Français utilisent l’IA générative
Comment expliquer ces inquiétudes à l’égard de l’IA générative ? Sans doute en partie par une certaine méconnaissance de la GenAI et de ses capacités réelles. Car seule une minorité des sondés dit avoir une expérience pratique de ces solutions.
Certes, en France, plus de 80 % connaissent l’IA générative… ou plutôt en ont entendu parler. ChatGPT a démocratisé le sujet. Pour autant, ils sont 18 % seulement à utiliser la GenAI – contre 25 % dans le monde.
Tous les utilisateurs ne sont toutefois pas sur un pied d’égalité. Plusieurs segments sont à distinguer en fonction de la fréquence d’usage, de la nature des usages, ou encore de l’âge. La mesure de la population des utilisateurs s’avère un exercice délicat. Les résultats sont donc à affiner.
BCG évalue donc cette part d’utilisateurs « avertis » à 18 %. Kantar Media chiffre cette proportion sur les 12 derniers mois à 22 %. D’après un sondage Viavoice pour SII, plus de 8 Français sur 10 n’ont jamais testé l’IA générative (dont 75 % n’envisagent pas plus de tester à l’avenir) et seuls 6 % y ont recours régulièrement pour un usage personnel. L’enquête de l’IFOP pour Talan constate quant à elle une tendance à l’augmentation (+60 %) du nombre d’utilisateurs des IA génératives.
Toutes ces études se recoupent sur la dimension générationnelle de la GenAI avec « une très forte appétence des nouvelles générations », selon l’IFOP, qui souligne que près de 70 % des 18-24 ans utilisent ces applications – contre 47 % des 25-34 ans, et 22 % des 35 ans et plus.
L’IA générative, un outil de jeunes ?
Même conclusion pour le BCG : « Sans surprise, les cohortes les plus jeunes – moins de 35 ans – affichent les taux d’utilisation les plus élevés. » Mais de quelles solutions ?
ChatGPT d’OpenAI est privilégié par 66 % des répondants IFOP. Les autres éditeurs arrivent loin derrière. Prime donc au premier entrant, à ce jour. Bard-Gemini de Google est à 15 %, Adobe Photoshop IA à 14 %, et Bing Copilot de Microsoft à 13 %. 11 % des sondés déclarent en outre utiliser une version payante de ChatGPT à 20 €/mois.
Ces utilisateurs, et plus particulièrement les jeunes, devraient contribuer à tirer l’adoption en entreprise (phénomène bien connu de « consumérisation de l’IT »). Mais ils ne seraient pas le seul levier. D’après le baromètre Talan/IFOP, « les IA génératives se sont démocratisées dans la vie professionnelle », aussi sous l’impulsion des employeurs. 48 % des utilisateurs « considèrent que leur entreprise les encourage dans cet usage. »
Mais au fait. Pour quels usages exactement ? Parmi les principaux, ces études listent : la création automatique de formules dans les tableurs, la retranscription automatique de réunions, la synthèse de documents et de rapports internes et externes, et la proposition d’optimisation des agendas.
Des gains de productivité uniquement déclaratifs
Et quid de la valeur effective de la GenAI ? La mesure d’un ROI reste complexe et essentiellement déclarative. Auprès de l’IFOP, les sondés estiment le gain de productivité à 38 % en moyenne. Parmi les 18-24 ans, 46 % l’évaluent à plus de 40 %.
Le déclaratif peut-il suffire pour justifier l’achat de licences Copilot pour Office 365 par exemple ? Probablement pas. Et plusieurs grands groupes, dont L’Oréal, mènent actuellement des études internes pour mesurer plus précisément les ROI.
L’adoption dépend aussi d’autres paramètres, qu’ils soient financiers ou que ce soient des actions menées sur les terrains pour accompagner la conduite du changement. Quelques obstacles sont donc encore à prévoir.
Oui, « nous n’en sommes qu’au début de l’utilisation et de l’intégration des IA génératives », résume Philippe Cassoulat, directeur général du groupe Talan.
D’autres études sur l’IA générative :
GenAI : les entreprises françaises partagées entre enthousiasme, prudence et attentisme (études)
Des études du BCG X (Boston Consulting Group) et de Quantmetry (Capgemini) se dégage un sentiment d’ambivalence concernant l’adoption de l’IA générative. Si le premier document dépeint une plus forte maturité des organisations françaises par rapport à leurs consœurs européennes, le second souligne que les grands groupes se lancent avec prudence.
IA générative : les DSI tempèrent l’enthousiasme des fournisseurs
Les responsables informatiques présents à Enterprise Connect ont fait part de leur enthousiasme pour l’expérimentation de la GenAI dans le domaine de l’expérience client, mais également de leur circonspection quant à la manière dont les fournisseurs devraient s’y prendre pour avancer.
L’IA générative devient une priorité pour les entreprises
Selon le cabinet d’études ESG, les projets d’Intelligence artificielle générative sont en cours dans les entreprises qui la plébiscitent également dans les applications métiers… à condition de ne pas payer trop cher.
IA générative : les dirigeants français y adhèrent prudemment (étude)
D’après une étude d’IBM, les entreprises françaises et européennes de plus de 500 employés s’apprêtent à tester l’IA générative, malgré une grande prudence en matière de gouvernance et d’éthique. Si les dirigeants de Big Blue se disent confiants pour l’année prochaine, ces essais seront sans doute soumis à un arbitrage, dans un contexte économique troublé.
Les entreprises françaises très prudentes sur l’IA générative dans la finance (étude)
Selon le réseau d’audit RSM, seuls 5 % des DAF en France utiliseraient la GenAI. Et 8 sur 10 disent ne pas avoir l’intention de le faire. En cause, la confidentialité des données. Et, pour les auteurs de l’étude, une méconnaissance des bénéfices de cette technologie.
GenAI : les salariés européens partagés entre inquiétude et enthousiasme
D’après une étude du Belge SD Worx, les entreprises européennes auraient déjà investi significativement dans l’IA générative. Conséquence, 20 % des employés craindraient pour leurs emplois. Mais les collaborateurs plébiscitent également cette technologie.