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Développement : une étude d’Atlassian tempère les gains de productivité imputés à l’IA
Dans une étude réalisée auprès de 2100 développeurs et managers, Atlassian observe que deux développeurs sur trois (62 %) ne remarquent pas d’augmentation de la productivité grâce à l’IA.
Quarante milliards de dollars seront dépensés dans les outils d’IA générative cette année. C’est en tout cas ce que prédit IDC. Une estimation reprise par Atlassian dans son rapport « State of DevEX » publié en juillet. L’éditeur a mené deux sondages en parallèle en février 2024 auprès de 900 développeurs et de 1250 dirigeants dans 17 pays au total, dont la France, les États-Unis, l’Allemagne et l’Australie.
Des outils d’intelligence artificielle qui permettent aux développeurs d’automatiser les processus et ainsi de gagner en productivité et en satisfaction, estiment 37 % des dirigeants sondés. Cela peut paraître faible, mais c’est le premier moyen évoqué par cette population afin d’améliorer la productivité et la satisfaction des développeurs, ex æquo avec l’apport de nouveaux outils de collaboration (37 %).
Ils envisagent également de prendre des risques et d’expérimenter (36 %), de fluidifier la prise de décision (35 %) et d’organiser des hackathons (34 %). Plus loin dans son étude, Atlassian assure que tous les responsables sont convaincus par le fait que l’IA améliorera la productivité des développeurs dans les deux ans à l’avenir.
Cela rejoint les prédictions d’un autre cabinet d’analystes : les outils d’aide au développement de code pourraient offrir des gains de productivité de l’ordre de 80 %, notait Forrester en février.
Quand les développeurs perdent du temps, les entreprises paient les pots cassés
De fait, l’étude d’Atlassian révèle que la productivité des développeurs est grevée par des inefficiences. Environ 69 % des 900 développeurs interrogés par Atlassian disent perdre huit heures ou plus par semaine en raison de processus inefficaces. Cela représenterait plus de 20 % de leur temps de travail.
Selon les profils techniques sondés par Atlassian, les cinq causes de cette perte de temps sont liées à la dette technique (59 %), à une documentation insuffisante (41 %), des processus de build inefficients (27 %), un manque de temps pour des travaux en profondeur (27 %) et à l’absence d’une direction claire (25 %). « Moins de la moitié (44 %) des développeurs pensent que les dirigeants sont conscients de ces problèmes », note l’éditeur.
Une perte de temps qui coûterait cher aux entreprises, selon Atlassian. « Pour une organisation comptant 500 développeurs, la perte de 8 heures par semaine coûte environ 6,9 millions de dollars sur une année », affirme l’éditeur.
Celui-ci s’appuie sur les résultats 2023 du Developer Survey de Stack Overflow qui a interrogé près de 51 000 développeurs professionnels. Le salaire moyen déclaré par cette population était d’approximativement 69 700 dollars par an. Perdre huit heures de travail par semaine pendant un an coûterait plus de 13 900 dollars par développeur.
Le miracle IA n’aura pas lieu
Quant à la première solution envisagée pour régler ce problème, l’IA et l’automatisation, les développeurs n’y croient pas, parce qu’ils le vivent déjà. Pas moins de 30 % d’entre eux pensent que les outils de développement propulsés à l’IA n’améliorent pas leur productivité actuellement. Environ 32 % de ces ingénieurs estiment qu’ils apportent un léger gain, quand 38 % du panel constatent des hausses modérées de leur efficacité. En clair, 62 % des développeurs ne remarquaient pas, au moment de l’étude, de gains notables.
Pis. Seuls 26 % des profils techniques sondés sont convaincus qu’ils bénéficieront d’une hausse de productivité grâce aux outils infusés à l’IA d’ici à deux ans.
Des résultats qui vont à l’encontre des recherches menées par GitHub. Dans une étude publiée en mai 2024 et menée auprès de 2000 développeurs, 88 % d’entre eux se disaient plus productifs et 74 % des sondés affirmaient pouvoir se concentrer sur des tâches plus satisfaisantes en utilisant GitHub Copilot.
Des incompréhensions entre managers et développeurs
S’ils croient fermement dans les gains à venir générés par l’IA, les 1250 dirigeants interrogés par Atlassian reconnaissent pratiquement tous (99 %) que le rôle est devenu plus complexe.
Plus complexe à cause du manque de personnel (48 %), de l’augmentation du nombre et de tâches qu’ils gèrent (47 %), de l’émergence de nouvelles technologies, de changement de contexte entre différents outils (43 %) et de la nécessité de collaborer avec d’autres équipes (43 %).
Ces « malentendus » ou plutôt ces incompréhensions entre les développeurs et leurs responsables, Atlassian les explique en partie par l’inefficacité des métriques utilisées pour mesurer la productivité des développeurs.
« La plupart des dirigeants admettent que les indicateurs qu’ils suivent sont inefficaces pour mesurer la productivité des développeurs », déclarent les auteurs du DevEx report.
Les métriques les plus communément utilisées sont la quantité de code écrit, le nombre de « story points » (une unité de mesure spécifique à la méthodologie Agile) et le volume d’heures travaillées. Environ 38 % des entreprises mesurent la productivité des développeurs en fonction des heures travaillées, mais 55 % des dirigeants considèrent cette approche inefficace.
Un autre moyen d’identifier les enjeux des développeurs consiste à mesurer leur satisfaction. Selon les données récoltées par Atlassian, 49 % des entreprises se concentrent sur cet aspect, quand 51 % d’entre elles préfèrent mesurer la productivité.
Or 41 % des sondés disent utiliser le même outil pour mesurer la productivité et l’expérience des développeurs, ce qui, selon Atlassian, serait un signe de confusion.
« Notre enquête n’a pas permis de savoir exactement quels outils servent à la fois à l’évaluation de la productivité et de la satisfaction ni quels indicateurs sont utilisés », reconnaît toutefois l’éditeur. « Mais cela déclenche un signal d’alarme. Il faut vous assurer que vous suivez les bons indicateurs avec les bons outils ».
Parmi les autres méthodes privilégiées pour enregistrer la satisfaction des développeurs, les répondants évoquent la conduite de sondage générique envoyé à tous les employés (51 %), l’utilisation d’une plateforme dédiée à l’expérience développeur (43 %) et la conduite de rendez-vous initiés par les profiles techniques (41 %).
Peu importe la méthode employée, 86 % « managers » ont conscience qu’il faut améliorer l’expérience des développeurs. D’ailleurs, 76 % des entreprises prévoient d’investir davantage dans cet aspect. « Elles ne savent juste pas comment », signale Atlassian.
L’écoute et la communication, les deux règles d’or d’une bonne « Developer Experience »
Toujours selon cette étude, seuls 23 % des sondés sont satisfaits par les investissements de leur entreprise en la matière et 37 % se disent insatisfaits (les autres sont neutres). Or la DX est important pour 63 % des développeurs. Et c’est un des critères majeurs dans leur rétention dans les équipes, prévient l’éditeur.
Atlassian ne remet pas en cause les pistes envisagées par les dirigeants pour améliorer la vie au travail des développeurs. Il les met d’ailleurs en musique dans une série de conseils plus ou moins utiles. Mais il y a un impondérable, selon lui.
« Afin d’améliorer durablement l’expérience des développeurs de leurs équipes, les managers doivent réellement comprendre leurs besoins. La première étape pour eux devrait toujours consister à communiquer avec leurs équipes de développeurs et de convenir ensemble des problèmes à résoudre », recommande-t-il. « Ce n’est qu’ensuite qu’ils pourront établir des priorités et prendre des mesures efficaces ».
Et Rajeev Rajan, CTO d’Atlassian de conclure : « l’ingénierie d’Atlassian mise beaucoup sur l’idée que les carottes sont plus efficaces que les bâtons. Si nous rendons le travail des développeurs plus satisfaisant, nous pensons que la productivité s’améliorera organiquement ».