S.Larcher-LeMagIT

Quandela réduit par 100 000 la complexité de fabriquer des qubits

La pépite française Quandela vient de faire une annonce majeure dans le domaine de l’informatique quantique photonique. Ce faisant, elle confirme que la recherche française en la matière demeure à la pointe.

C’est l’apanage des gens très intelligents et pédagogues : avec eux, tout devient simple. Lorsque l’on se rend à une conférence sur l’informatique quantique photonique, il y a cette boule au ventre, cette angoisse de ne pas comprendre grand-chose, même lorsque l’on est armé de quelques notions sur le sujet. Toutefois, avec Pascale Senellart (en photo ci-dessus), co-fondatrice de la startup Quandela, tout devient facile. Elle explique des concepts complexes avec des dessins, des petits bonshommes, des couleurs, le tout mâtiné d’un verbe accessible et drôle. On sort de l’endroit avec l’impression de faire partie de leur monde.

Et ce n’est qu’une impression. Il convient de préciser que le pedigree de cette personne n’est pas celui de madame Tout-le-Monde. Directrice de recherche au CNRS, professeure à l’école polytechnique (polytechnicienne elle-même), titulaire d’un doctorat de physique quantique et donc, conseillère scientifique de Quandela, qui construit des ordinateurs quantiques photoniques. Si l’on ajoute que son mari est également polytechnicien, docteur en informatique et travaille aussi chez Quandela, on se dit que leurs conversations ne doivent pas souvent être byzantines.

Quandela a levé 65 M€ depuis sa création, dont 50 M€ en 2023.

Aujourd’hui, Quandela emploie une centaine de personnes et propose depuis 2022 des ordinateurs quantiques accessibles depuis le cloud (1 000 utilisateurs). La société a conçu quatre générations d’ordinateurs quantiques qui répondent à quinze cas d’usage. L’entreprise dispose d’une usine d’assemblage de 1 000 m2 à Massy et d’une salle blanche de 200 m2 à Palaiseau. Elle prévoit de construire une nouvelle unité à Munich prochainement.

Quandela a levé 65 M€ depuis sa création, dont 50 M€ en 2023, et prévoit un nouveau tour de table plus important, « le plus rapidement possible », selon Niccolo Sommaschi, également co-fondateur et actuel PDG. Ce tour de table doit permettre à la société de développer sa présence internationale. Les présentations étant faites, passons maintenant à l’annonce du 7 février et les répercussions qu’elles peuvent avoir.

100 000 fois moins de composants pour obtenir un qubit logique

Non, il n’y a pas d’erreur dans la ligne du dessus. C’est effectivement la promesse désormais faite par Quandela, suivant une publication scientifique du mois de novembre dernier, laquelle n’a pas été réfutée. Autrement dit, avec de la photonique pure, il faut 1,6 million de sources pour obtenir un qubit logique. Avec l’approche hybride proposée par Quandela, il en suffit de… 12.

Il n’y a aucune magie là-dedans, mais une découverte scientifique. Le principe général est d’introduire un qubit dit de matière (un semi-conducteur de la taille d’un cheveu) en plus des photons. En effet, si les photons présentent des avantages par rapport à d’autres technologies basées sur des atomes, des ions ou des circuits supraconducteurs pour le premier état que l’on nomme la superposition quantique, ils sont nettement moins performants pour le deuxième état baptisé intrication quantique.

À l’origine de ce résultat se trouve la technologie au cœur des processeurs de Quandela, basée sur des émetteurs quantiques semi-conducteurs permettant de générer des qubits photoniques avec une efficacité sans précédent au niveau mondial. Cette approche hybride utilise ces émetteurs à la fois comme des générateurs de photons, mais également comme des qubits (via l’exploitation du spin d’un électron de l’émetteur). Cette approche relaxe également fortement les exigences de la transmission optique des composants, et donc de performance, requis pour la correction d’erreur.

La suprématie quantique d’ici à 2030

Ce gain devrait permettre d’atteindre le régime de la correction d’erreur plus rapidement et réduire les coûts de fabrication et la consommation d’énergie de la plateforme. En pratique, alors que les grands centres de calcul haute performance consomment environ 20 MW et que les clusters dédiés à l’IA chez les hyperscalers nécessitent environ 2 MW, le plus grand ordinateur quantique de Quandela devrait maintenir sa consommation sous la barre de 1 MW.

L’une des particularités de l’entreprise est de maîtriser l’ensemble de la chaîne, depuis les semi-conducteurs – les fameux qubits de matière – jusqu’à la couche logicielle. C’est la raison pour laquelle une nouvelle unité de fabrication va être déployée en Allemagne.

L’autre aspect est le lien étroit entretenu avec le monde académique notamment avec l’université Paris-Saclay et l’école polytechnique dans le cadre d’une formation qui se nomme Arteq, laquelle s’adresse à des étudiants titulaires d’un master en physique ou mathématiques.

En matière de délais pour arriver à un ordinateur quantique tolérant aux erreurs – et capable d’atteindre ce que l’on appelle la suprématie quantique (c’est-à-dire dépassant les capacités d’un ordinateur traditionnel) – Quandela maintient l’objectif de 2030. Jusqu’à présent, tous les calendriers ont été tenus. On peut donc raisonnablement penser que celle-ci le sera également.

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