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Les banques à la pointe de l’informatique quantique

Selon un rapport du cabinet d’étude Evident, 80 % des 50 plus grandes banques mondiales exploreraient activement le potentiel de l’informatique quantique. Parmi elles, trois groupes français se démarquent.

Le secteur financier regarde l’informatique quantique de près. D’après une étude menée par la plateforme de benchmarking Evident, près de 80 % des 50 plus grandes banques exploreraient le potentiel de cette technologie encore très émergente.

L’Américain JPMorgan Chase afficherait les ambitions les plus marquées dans le domaine, suivi par le Britannique HSBC et l’Italien Intesa Sanpaolo qui complètent le podium des trois banques « les plus quantiques ».

JPMorgan Chase, « trailblazer » du quantique

JPMorgan Chase – unique qualifié de « pionnier » par Evident (« trailblazer ») – représenterait à elle seule deux tiers des offres d’emploi liées au quantique parmi les 50 plus grandes institutions financières. Quant à ses chercheurs, ils sont à l’origine de plus de la moitié des publications académiques dans le secteur.

La banque américaine a par ailleurs déjà montré des applications quantiques concrètes. Elle affirme par exemple que son algorithme d’optimisation de portefeuille – conçu pour équilibrer risque et rendement – fonctionnerait 1 000 fois plus rapidement grâce à des méthodes inspirées du quantique qu’avec l’informatique traditionnelle.

Le groupe serait également à la pointe de la distribution de clés quantiques, une méthode qui exploite l’intrication pour sécuriser les transactions. JPMorgan Chase aurait déjà dépassé le stade expérimental.

HSBC : cryptographie post-quantique pour or tokénisé

Second du classement d’Evident (catégorie « strong seconds »), HSBC développe depuis environ trois ans une double approche de l’informatique quantique : offensive et défensive – comme l’explique Philip Intallura, son « head of Quantum », à nos collègues de Enter Quantum (groupe Informa TechTarget également propriétaire du MagIT).

Côté pile (offensif), elle explore de nouveaux cas d’usage. Côté face (défensif), elle commence à sécuriser ses systèmes cryptographiques pour contrer de futures menaces post-quantiques.

Le groupe HSBC teste lui aussi activement la distribution de clés quantiques pour protéger ses transactions de change et d’or tokenisés.

Les banques européennes explorent aussi

Les banques européennes ne sont pas en reste. Elles investissent de plus en plus dans les compétences autour des technologies quantiques.

Intesa Sanpaolo est l’autre « strong seconds » dans le classement d’Evident.

Le groupe bancaire italien explore l’application du quantique dans l’évaluation du crédit, la détection de la fraude et la cybersécurité, notamment via des simulations stochastiques.

Dans le groupe suivant (« leaning in » ; en français : « ceux qui se penchent sur la question »), la première banque française est à l’honneur : le Crédit Mutuel – qui collabore avec IBM depuis plusieurs années sur des solutions quantiques de gestion des risques et de lutte contre la fraude.

Un autre européen, BBVA accompagne le Crédit Mutuel. La banque espagnole teste par exemple l’exécution d’algorithmes quantiques à grande échelle en s’appuyant sur l’infrastructure cloud d’AWS.

Ce groupe « d’observateurs » est également celui de l’établissement britannique Standard Chartered qui s’intéresse aux technologies quantiques pour prédire des signaux de trading, améliorer les décisions de crédit et optimiser son efficacité énergétique.

Deux autres banques européennes sont mises en avant par Evident, dans un quatrième groupe, les « on the case » : BNP Paribas (investissement dans C12) et Crédit Agricole – qui mène des expériences avec Pasqal.

Les groupes espagnols CaixaBank (collaboration avec D-Wave sur des problématiques d’optimisation de couverture du portefeuille d’investissement) et Santander (membre fondateur du Quantum Safe Financial Forum) font également partie de cette catégorie.

Toujours dans ce groupe, mais l’autre côté de l’Atlantique, Bank of America se distinguerait par ses nombreux dépôts de brevet liés à l’informatique quantique. Investisseur de longue date dans le secteur (depuis 2012 et son soutien financier à D-Wave), Goldman Sachs développe des algorithmes quantiques pour l’optimisation des options. Citi a récemment renforcé ses équipes en recrutant un directeur de l’informatique quantique fin 2024. Et la Bank of Montréal explore les technologies quantiques pour améliorer les stratégies de placement et accélérer les opérations bancaires complexes.

Des banques qui ne veulent pas prendre une longueur de retard

L’étude d’Evident s’appuie sur plusieurs critères afin d’analyser l’activité des banques dans le quantique : taille des équipes spécialisées, rythme des recrutements, brevets, investissements réalisés et engagement public des institutions.

« L’intelligence artificielle s’intègre dans toutes les fonctions d’une banque. L’informatique quantique, elle, transformera un sous-ensemble précis de cas d’usage. Mais là […], l’impact sera spectaculaire. »
Alexandra Mousavizadehcofondatrice et co-PDG, Evident

Pour Alexandra Mousavizadeh, cofondatrice et co-PDG du cabinet de benchmarking, l’adoption du quantique suivra une courbe similaire à celle de l’IA, avec cependant des différences importantes. « L’intelligence artificielle s’intègre dans toutes les fonctions d’une banque. L’informatique quantique, elle, transformera un sous-ensemble précis de cas d’usage », différencie-t-elle. « Mais là où elle s’appliquera, l’impact sera spectaculaire. »

Pour elle, il ne s’agira pas d’améliorations incrémentales. L’informatique quantique promettrait au contraire de transformer en profondeur des domaines comme l’optimisation des portefeuilles, le scoring de crédit et la détection de la fraude, bien au-delà de ce que peut faire l’informatique classique d’aujourd’hui.

Il n’en reste pas moins, concède-t-elle, que la mise en production à grande échelle des technologies quantiques est « encore lointaine ». Mais les banques citées posent des bases qui devraient leur permettre de prendre une longueur d’avance.

« À mesure que la technologie quantique mûrit, les banques qui ne s’y préparent pas risquent à la fois de voir apparaître des failles de sécurité nouvelles et de louper des opportunités stratégiques », prédit Alexandra Mousavizadeh.

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