L’uniformisation des infrastructures, le nouvel argument de VMware

Face à la grogne qui ne se tarit pas contre les nouveaux tarifs de VMware, la maison mère Broadcom renchérit sur les avantages techniques de sa plateforme. Il ne s’agirait plus de faire des clouds d’appoint, mais de maintenir une même expérience entre les clouds publics.

Des machines-outils à l’usine complète, telle est l’image que Broadcom continue de promouvoir à propos de VMware, le no 1 des logiciels de virtualisation qu’il a racheté fin 2023 pour en faire une plateforme entière de cloud privé. Problème, c’est à peu près tout ce qu’a dit Hock Tan, le patron de Broadcom (en photo en haut de cet article), dans son discours d’ouverture qui n’a duré qu’une poignée de minutes, lors de la conférence VMware Explore 2025 qui s’est tenue la semaine dernière à Las Vegas.

« VMware a innové pendant des années, mais ils n’ont jamais vraiment intégré ensemble les composants du cloud privé. Vous, vous voulez investir dans le cloud privé. Nous en avons parlé l’année dernière. Douze mois plus tard, le cloud privé est là », a-t-il lancé à la foule de ses clients et partenaires présents.

De nombreux observateurs sondés par LeMagIT lui reprochent d’avoir passé sous silence la préoccupation principale des clients de VMware : la forte augmentation du prix de la solution, dont se plaindraient 72 % des utilisateurs, selon une récente étude du cabinet ESG.

La plateforme complète coûte bien plus cher que le panier moyen de logiciels de virtualisation que les entreprises achetaient auparavant à la carte chez VMware. Jusqu’à quinze fois plus cher, selon différents analystes. D’autant que la solution, désormais appelée VCF (VMware Cloud Foundation), est à présent commercialisée sous la forme d’un abonnement mensuel, payable tant qu’on l’utilise. Il était auparavant possible d’acheter des logiciels et de les garder trois, cinq ou sept ans sans que cela coûte plus cher.

Des versions PME pour se donner bonne conscience

La question est surtout de savoir à qui VMware s’adresse désormais. À l’occasion de cette conférence, Broadcom a annoncé un jeu de nouvelles fonctionnalités, baptisé Private AI Services, censé permettre aux clients de VMware de déployer des IA facilement chez eux, c’est-à-dire sans risquer une exfiltration des données ni une coupure des services, comme ce serait le cas en cloud public. Private AI Services, ajouté gratuitement, ne fonctionne que sur VCF 9. Alors que VMware propose toujours à son catalogue deux versions réduites de sa solution, soi-disant pour répondre aux besoins des clients moins fortunés.

« Même les plus petites entreprises devraient au strict minimum utiliser vSphere Foundation pour que ce soit un peu intéressant. »
Paul TurnerDirecteur produit, VMware

« Nous proposons aussi vSphere Foundation, pour que les PME assemblent une infrastructure hyperconvergée [un cluster de serveurs, dans lequel la puissance de calcul et le stockage sont virtualisés, N.D.R.], ainsi que, encore moins cher, vSphere Standard, qui sert juste à exécuter des machines virtuelles sur un serveur. Mais honnêtement, je pense que même les plus petites entreprises devraient au strict minimum utiliser vSphere Foundation pour que ce soit un peu intéressant. Sur un seul serveur, vous ne pouvez même pas faire de répartition de charge ou de reprise d’activité », dit Paul Turner, le directeur produit de VMware, à propos de son propre catalogue.

En filigrane, on comprend que les versions taillées pour les PME existent surtout pour se donner bonne conscience. Sur les stands de l’exposition, vSphere Foundation n’était même pas présenté comme un produit autonome, mais comme une option, à acheter à la succursale d’une entreprise, pour la relier au siège qui, lui, aura souscrit un abonnement VCF.

« Cloud privé » ne signifie plus « datacenter sur site »

Broadcom évacue donc d’un balayage de la main ces histoires de prix et veut convaincre ses clients que leur seul vrai souci serait de sortir du cloud public. « Nous avons interviewé 1 800 DSI dans le monde. 53 % d’entre eux travaillent à redéployer leurs applications sur un cloud privé, qu’ils maîtrisent. Les autres veulent les déployer à l’endroit où les infrastructures sont les plus intéressantes en termes de disponibilité et de prix. Donc en cloud public. Sauf qu’ils souffrent des incompatibilités entre les clouds publics qui les empêchent de passer opportunément de l’un à l’autre », dit Paul Turner, pour recentrer le débat. 

« Notre préoccupation principale est donc à présent de proposer une approche standardisée, qui vous permettra de déployer vos applications où vous le souhaitez : chez vous ou en ligne, mais toujours dans le cadre d’un cloud privé. C’est-à-dire dont vous gardez la maîtrise technique », argumente-t-il.

« Cloud privé ne signifie pas pour nous datacenter sur site. Cloud privé signifie n’importe quelle infrastructure qui obéit à vos règles et exécute vos processus sans qu’aucune adaptation ne soit nécessaire. »
Paul TurnerDirecteur produit, VMware

Il fait en l’occurrence référence à l’existence de services de cloud privé VMware hébergés chez les hyperscalers AWS, Azure et GCP. Plutôt que de devoir acheter des serveurs pour exécuter les applications, il est possible de louer des infrastructures chez les fournisseurs de cloud public pour aménager dessus des « zones étanches » VMware qui seront autant d’extensions d’un même cloud privé VCF. Et, bien entendu, seul VCF embarquerait suffisamment de logiciels pour rendre cette construction technique possible. Les versions vSphere Standard et vSphere Foundation seraient trop bridées.

« Cloud privé ne signifie pas pour nous datacenter sur site. Cloud privé signifie n’importe quelle infrastructure qui obéit à vos règles et exécute vos processus sans qu’aucune adaptation soit nécessaire. Un pool de différentes infrastructures sur site ou en ligne que vous gérez de manière uniforme depuis chez vous, comme s’il s’agissait de votre propre datacenter », ajoute le directeur produit de VMware.

Dans les faits, AWS, Azure et GCP proposent à présent d’exécuter VCF sur des infrastructures dédiées, c’est-à-dire dont la puissance ne risque pas d’être faussée à cause d’un partage des ressources avec d’autres clients. Les hyperscalers feraient peu de marge sur ces offres, mais elles présentent pour eux l’opportunité de vendre leurs services de stockage en option.

Une expérience uniforme, le véritable argument de VMware

Selon l’analyste Scott Sinclair, responsable de l’étude du cabinet ESG citée plus haut, il serait faux de sous-entendre que les entreprises sont encore attachées aux technologies de VMware : « 46 % des entreprises qui souffrent des nouveaux tarifs de VMware disent accélérer la transformation de leurs applications pour pouvoir les migrer vers le cloud public », sous-entendu un cloud public sans zone VMware, rapporte-t-il, dans un billet d’opinion.

Il ajoute que 29 % de ces entreprises ont exprimé dans l’étude la volonté de migrer leurs applications vers une solution de virtualisation concurrente de VMware.

« 84 % des décideurs informatiques reconnaissent que la consistance de l’expérience utilisateur entre les infrastructures est un important bénéfice opérationnel. »
Scott SinclairAnalyste, ESG

Il reconnaît toutefois qu’exécuter des applications au format VMware sur les infrastructures des clouds publics reviendrait moins cher que les exécuter sur des serveurs physiques achetés, installés et maintenus uniquement pour VMware. « Cela permettrait de temporiser la migration », estime-t-il.

Mieux : l’argument de maintenir des zones VMware uniformes sur des clouds publics hétérogènes pourrait bien servir à conserver des clients qui étaient persuadés de partir.

Parce que, au-delà du cloud public ouvert à tous les risques et au-delà des nouveaux tarifs de VMware, ce que les entreprises redouteraient par-dessus tout, ce serait de multiplier les savoir-faire : « 84 % des décideurs informatiques reconnaissent que la consistance de l’expérience utilisateur entre les infrastructures est un important bénéfice opérationnel », conclut-il.

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