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L’IA déshumanise déjà la vie de bureaux (étude)

Selon une étude menée par Indeed, l’impact de l’IA dans les entreprises françaises serait ambivalent. Des gains d’efficacité sont là, mais de plus en plus d’employeurs s’interrogeraient sur la place de l’humain dans leurs organisations.

L’intelligence artificielle (IA) – en particulier l’IA générative – transforme les dynamiques de travail et la place de l’humain dans les entreprises. Un chiffre fort, issu d’une étude publiée par la plateforme d’emploi Indeed, le traduit de manière presque caricaturale : 52 % des employeurs considéreraient qu’il est aujourd’hui plus simple – et plus économique – de former une IA que de recruter un jeune diplômé.

Cette opinion est encore plus marquée dans un secteur comme la finance (70 %). Mais même si certains domaines semblent plus modérés (comme l’éducation à 40 %), elle traduit une forme de début de basculement : la technologie ne se contente plus de soutenir ou d’augmenter les équipes, elle est perçue comme un substitut possible à certains profils, en premier lieu les juniors.

« Dans tous les cas, une dépendance accrue à l’IA semble inévitable », résume l’étude, citant 64 % d’employeurs ayant déjà intégré cette idée dans leur stratégie.

Plus de collaboration, moins d’humains : le paradoxe de l’IA

Les premiers effets de l’IA dans les pratiques quotidiennes seraient déjà visibles : 46 % des employeurs notent une amélioration de l’efficacité, et 31 % évoquent une meilleure collaboration.

Mais cette performance s’accompagne d’un revers et d’une contradiction. Un quart des dirigeants mentionne en parallèle une perte de la dimension humaine dans les échanges professionnels. Le paradoxe est d’autant plus grand dans un contexte de retour au bureau, pas forcément bien accueilli par les employés, mais justifié par les entreprises justement pour améliorer les synergies entre personnes physiques.

Dans le détail, les interactions informelles et les conversations personnelles reculeraient dans environ 23 % des entreprises. Un phénomène qui alimente une inquiétude plus large : 64 % des employeurs craignent que l’usage intensif de l’IA ne fragilise la confiance entre collègues. Cette préoccupation grimpe à 74 % dans le secteur des RH.

« Certes, 26 % [des décideurs] affirment que leur lieu de travail est devenu plus connecté. Mais connecté ne signifie pas pour autant plus humain », souligne Indeed. « À mesure que l’IA gagne du terrain, c’est tout l’équilibre entre performance et lien humain qui se fragilise. Avec, en toile de fond, un risque réel de déshumanisation du travail et de fragmentation de ce qui reste aujourd’hui comme un lieu de sociabilisation incontournable. »

Un remplacement silencieux vs des humains augmentés à l’IA

Dans une large majorité, les employeurs reconnaissent néanmoins à l’IA une fonction positive dans le développement des compétences. Ils seraient deux tiers à estimer qu’elle aide leurs collaborateurs à progresser dans leur travail, un chiffre qui dépasse même les 74 % dans les entreprises de 250 à 500 salariés.

« Les entreprises doivent en ce sens fixer un cap clair : des outils performants, éthiques et bien entraînés, oui ; une automatisation intégrale, non ».
Étude menée par Indeed

L’enjeu serait alors de canaliser cette efficacité pour renforcer les équipes, plutôt que d’initier un « remplacement silencieux ». Comment ? En choisissant la voie de l’augmentation de l’humain.

« Si l’IA est un formidable accélérateur, elle ne pourra jamais se substituer à l’intelligence et à l’intuition humaines », insiste Indeed. « Les entreprises doivent en ce sens fixer un cap clair : des outils performants, éthiques et bien entraînés, oui ; une automatisation intégrale, non ».

« Candidats et employeurs, managers et managés doivent rester les maîtres du jeu, en adaptant leurs pratiques et en replaçant l’humain au cœur de chaque processus », conclut Indeed dont l’étude, menée par Censuswide a interrogé plus 2 000 personnes (employés et employeurs) en France.

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