43 % des dirigeants français misent sur l’IA pour réduire leurs effectifs, les jeunes premiers visés
En moins de deux ans, les offres pour débutants auraient chuté de 29 points, tandis que 43 % des dirigeants français disent utiliser l’IA pour réduire leurs effectifs. Face à ces portes qui se ferment, trois études dessinent le portrait d’une génération déterminée, mais désorientée, et d’un marché du travail en pleine mutation. En particulier dans la tech.
« Les offres d’emploi pour débutants ont chuté de 29 points depuis janvier 2024, en moins de deux ans. » Ce chiffre inquiétant est extrait d’une étude de Randstad, parue en octobre 2025. La cause de cette « dégringolade » ? L’IA. Évidemment.
L’automatisation remplace la requalification
Le spécialiste du travail temporaire n’est pas le seul à constater cette évolution. Une autre étude, publiée par BSI (entreprise spécialisée dans l’amélioration des performances et les normes), le confirme. Elle l’explique par le fait que le grand sujet du moment pour les entreprises est l’automatisation. Ce mot (« automatisation ») apparaîtrait dans les rapports annuels « près de sept fois plus souvent que les mots “requalification” ou “montée en compétences” ».
« Près de 43 % des dirigeants français interrogés affirment que l’IA permet de réduire les effectifs. »
Étude BSI
Les leaders ne s’en cachent d’ailleurs pas. Cette même étude de BSI constate que « près de 43 % des dirigeants français interrogés affirment que l’IA permet de réduire les effectifs ».
Et ce ne serait qu’un début. 40 % pensent en effet que d’ici cinq ans, leur réflexe sera de chercher une solution IA avant même d’envisager une embauche.
Malgré tout, les dirigeants français seraient plus sceptiques que leurs homologues étrangers. Seuls 13 % pensent que l’IA peut faire la majorité du travail d’un junior contre 54 % en Inde.
Ce scepticisme a certainement servi de bouclier. Il pourrait expliquer pourquoi la France a un des taux les plus faibles au monde de dirigeants déclarant avoir déjà réduit des postes d’entrée de carrière grâce à l’IA (26 %, deuxième taux le plus faible après le Japon). Mais ce bouclier risque de ne pas durer longtemps.
Les dirigeants retirent l’échelle et claquent la porte aux juniors
Face à ces suppressions de postes, les jeunes générations seraient « à la fois déterminées et désorientées », avance Randstad, chiffrant que la durée moyenne en poste des juniors serait de 1,1 an sur les cinq premières années et le taux de départ pour la Gen Z serait de 22 % au cours des 12 derniers mois – soit le taux le plus élevé de toutes les générations.
« Ce n’est pas une preuve de désengagement vis-à-vis de l’entreprise. […] Mais le signal clair que le marché ne répond pas à son désir d’évolution rapide. »
Benoit LabroussePrésident du groupe Randstad France
Cette « bougeotte » ne serait pas le signe d’une désinvolture, contrairement au cliché d’une génération Z qui serait « zapeuse ». La raison principale de ce turnover serait, au contraire, à chercher du côté du manque de perspectives d’évolution.
« Ce n’est pas une preuve de désengagement vis-à-vis de l’entreprise », insiste Benoit Labrousse, président du groupe Randstad France, « mais le signal clair que le marché ne répond pas à son désir d’évolution rapide ».
La global head of Human and Social Sustainability de BSI, Kate Field, utilise une image pour dépeindre la situation. Pour elles, dans les entreprises, « les dirigeants semblent “retirer l’échelle”, privilégiant la productivité à court terme au détriment de la résilience à long terme », avertit-elle.
Des différences entre grands groupes et PME
Une autre image pourrait être celle de portes qui se ferment. Mais qui ne se fermeraient pas partout. La substitution des postes juniors avec de l’IA serait beaucoup plus visible dans les grandes entreprises et dans certains secteurs.
L’étude de BSI montre que la moitié des grandes entreprises auraient déjà supprimé des postes juniors, contre 30 % pour les PME. Et 53 % des grands groupes prévoient de continuer, contre 34 % des PME.
Il se pourrait donc bien que les premiers gisements de postes juniors de demain se trouvent moins à La Défense, et plus dans les PME de région.
« Près de 40 % des compétences professionnelles sont prêtes pour une transformation hybride. »
Étude Indeed
Randstad, pour sa part, constate que, dans la tech, le nombre de postes juniors a chuté de 35 points ; « les métiers les plus complexes et exigeants, comme ceux liés au Machine Learning, offrant peu d’opportunités aux jeunes talents », analyse-t-il. La chute est également très forte dans la finance (– 24 points).
À l’inverse, le secteur de la santé ferait figure d’exception avec une hausse de 13 %.
La Gen Z et l’IA : « je t’aime, moi non plus »
Indeed nuance cependant ce tableau. L’IA transformerait plus les tâches qu’elle ne les supprimerait.
Un rapport commandé par le site d’emploi et publié lui aussi en octobre estime que « près de 40 % des compétences professionnelles sont prêtes pour une transformation hybride ». C’est-à-dire des postes où l’IA devient un assistant qu’il faudra savoir diriger et superviser.
Pour Indeed, seulement 0,7 % des compétences seraient jugées « très susceptibles » d’être entièrement automatisées. L’humain est et restera donc central. Et la Gen Z avec.
« Il est urgent d’adopter une vision à long terme […] en parallèle des investissements dans les outils d’IA, pour garantir un emploi durable et productif ».
David FardelCountry Manager, BSI France
Cette génération semble l’avoir déjà bien compris, même si Randstad parle d’une relation à la « je t’aime, moi non plus » avec l’IA. 52 % des jeunes actifs se diraient « préoccupés » par l’impact de cette technologie sur leur emploi, mais dans le même temps, 55 % de la Gen Z seraient « particulièrement enthousiastes » face au potentiel de l’IA. Et 74 % d’entre eux utiliseraient déjà l’IA pour se former par eux-mêmes.
« La tension entre l’exploitation optimale de l’IA et le développement d’une main-d’œuvre épanouie constitue le grand défi de notre époque », résume David Fardel, Country Manager, BSI France. « Il est urgent d’adopter une vision à long terme […] en parallèle des investissements dans les outils d’IA, pour garantir un emploi durable et productif ».
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