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Qu’est-ce que « Osez l’IA », le plan de l’État pour « diffuser l’IA dans les entreprises » ?

Face à la faible adoption de l’intelligence artificielle par les PME, le gouvernement a déployé un plan de 200 millions d’euros baptisé « Osez l’IA ». Ses cinq mesures phares visent à démocratiser cette technologie. Mais ce montant sera-t-il suffisant pour surmonter les « paradoxes de l’IA » qui touchent les entreprises françaises ?

Début juillet, l’État – par la voix de trois ministres – a lancé un grand plan pour aider à diffuser l’Intelligence artificielle dans « toutes les entreprises » (sic).

Ce plan, baptisé « osez l’IA », part du constat que l’IA reste peu – ou en tout cas pas assez – adoptée dans les PME françaises (un constat fait aussi bien par Bpifrance, un des bras armés du plan, que par la CCIP ou par un cabinet comme Datasulting).

Pour y remédier, le plan s’articulera autour de 5 axes :

  1. Lancement d’ici fin 2025 de l’Académie de l’IA
  2. Cofinancement de près de 5 000 diagnostics
  3. Un fonds de garantie bancaire pour le financement des projets d’IA
  4. Un programme d’accélération pour 100 entreprises à fort potentiel
  5. Un appel à projets « Pionniers de l’IA »

1 – L’Académie de l’IA

D’ici la fin de l’année 2025, le gouvernement lancera l’Académie de l’IA, une plateforme accessible à tous qui rassemblera des formations et tutoriels adaptés à chaque public (TPE, PME, grand groupe, etc.). Les contenus sélectionnés seront agrégés sur la plateforme, et mis en valeur dans le cadre de la campagne de communication « Osez l’IA ».

2 – Cofinancement de 5 000 diagnostics

Le dispositif opéré pour le compte de l’État par Bpifrance permettra à plusieurs milliers d’entreprises de bénéficier d’un cofinancement de diagnostics Data IA. Très concrètement, c’est 10 jours d’intervention d’un expert, pour un premier état des lieux technique et opérationnel ; l’identification de cas d’usage concrets et applicables, et la priorisation selon leur valeur ajoutée pour l’entreprise.

3 – Un fonds de garantie bancaire pour des projets d’IA

Pour les PME qui portent des projets d’IA structurants nécessitant des investissements conséquents, des prêts garantis par l’État (via Bpifrance) permettront de faciliter et accélérer le passage à l’action. Un fonds de garantie rendra le financement plus accessible, permettant aux entrepreneurs d’oser des investissements ambitieux.

4 – Un programme d’accélération pour 100 entreprises à fort potentiel

Ces 4 programmes d’accélération de 25 entreprises chacun seront proposés aux entreprises présentant les projets avec l’impact le plus important. Il comprend un accompagnement sur 18 mois, des formations collectives et une immersion dans des entreprises déjà engagées dans l’IA.

5 – L’appel à projets « Pionniers de l’IA »

Au sein de la stratégie pour l’intelligence artificielle de France 2030, le dispositif « Pionniers de l’IA » vise à soutenir les projets d’IA les plus ambitieux et transformateurs, capables de générer des ruptures technologiques dans des secteurs clés comme l’industrie, la santé, la transition écologique ou la sécurité.

En s’appuyant sur une méthode de financement agile, il encourage la prise de risque et concentre les moyens publics sur les projets à fort potentiel d’impact. Ce nouvel appel à projets de France 2030 est opéré pour le compte de l’État par Bpifrance en partenariat avec l’INRIA, agence de programmes Numérique.

Limites du plan « Osez l’IA »

Ce plan doté de 200 millions d’euros – seulement – pose également quelques questions. Ce montant pourrait ne pas être suffisamment ambitieux pour, par exemple, résoudre le « paradoxe de l’IA ».

Ce paradoxe, tel que défini par les spécialistes d’Ekimetrics « frappe les organisations françaises », et se caractérise par « une forte adoption, mais une faible industrialisation ».

Jean-Baptiste Bouzige, son président et co-fondateur, note aussi que ce plan laisse beaucoup de côté les enjeux business. Ce qui pourrait, si l’on y prend garde, « reléguer l’intelligence artificielle au rang de “so-so technologies”, pour reprendre la formule de Daron Acemoglu du MIT ».

Un projet politique pour paver la voie vers l’IA

Le lancement du plan « Osez l’IA » a mobilisé l’ensemble du gouvernement, autour d’un constat : l’urgence d’accélérer l’adoption de l’IA dans le tissu économique français.

« Les données sont l’encre avec laquelle nous pouvons écrire l’avenir de notre industrie. […] Comme le disait Marcel Proust : “l’audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions”. À vous, maintenant d’oser. »
Marc FerracciMinistre de l’Industrie

Eric Lombard, ministre de l’Économie, souligne un autre paradoxe : « deux salariés sur trois utilisent de l’IA générative au bureau, souvent de manière informelle », mais « seuls 13 % de nos PME et de nos ETI l’utilisent véritablement », regrette-t-il.

Or pour Marc Ferracci, ministre de l’Industrie, « l’IA n’est plus une promesse lointaine. Elle est déjà : un moteur de réindustrialisation, un accélérateur de transition écologique », avertit le responsable politique. « L’intelligence artificielle n’attend pas », prévient-il.

Cette situation s’expliquerait en grande partie – dixit Clara Chappaz, ministre déléguée à l’IA – « parce que les entreprises ne voient pas toujours à quoi cela peut servir pour elles, et ne savent pas par où commencer ».

« Trop d’entreprises se demandent comment franchir le pas. Toutes ne voient pas comment l’IA peut s’intégrer dans leurs usines, dans leurs chaînes de production. Parce qu’elles ne savent pas par où commencer », renchérit Marc Ferracci. « C’est tout le sens de notre action : donner un cadre, paver la route. Donner à chacun les moyens de franchir le pas ».

Gagner 20 % de productivité avec les données industrielles

L’ambition du plan est en tout cas claire : « que 100 % des grandes entreprises, 80 % des PME/ETI et 50 % des TPE aient intégré l’IA dans leurs opérations d’ici 2030 », chiffre Clara Chappaz.

Le tout avec une philosophie revendiquée comme pragmatique. « L’ambition n’est pas de faire de chaque dirigeant un ingénieur en IA », lance Eric Lombard. « L’ambition c’est de permettre à chacun d’en tirer parti ».

L’urgence est d’autant plus grande que le potentiel de cette technologie serait énorme pour la réindustrialisation de la France. « Ces données stratégiques, issues des usines, peuvent faire gagner 20 % de productivité avec une IA capable de les comprendre », évalue Marc Ferracci.

« Les données industrielles sont l’encre avec laquelle nous pouvons écrire l’avenir de notre industrie. […] Comme le disait si justement Marcel Proust : “l’audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions”. Ces occasions, nous les avons préparées. À vous, maintenant d’oser », invite le ministre de l’Industrie. « Je pense à celles et ceux qui, chaque jour, transforment l’agriculture, l’énergie, le commerce, l’éducation, les transports, la défense grâce à l’intelligence artificielle. Cette dynamique doit maintenant s’amplifier, se diffuser. Devenir la norme et non l’exception que l’on célèbre », conclut-il en résumant l’ambition du plan.

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