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Murfy conduit la gestion de ses tournées avec l’IA

Réparateur d’appareils électroménagers à domicile, Murfy planifie les interventions de près de 200 techniciens. Jusqu’en 2022, l’entreprise gérait les tournées « naïvement ». Elle s’est depuis équipée d’un moteur d’optimisation. Et commence à regarder l’intelligence artificielle.

Lancé en 2018, Murfy s’est spécialisé au démarrage dans la réparation d’électroménager à domicile. Depuis, l’entreprise a développé d’autres activités, comme la vente d’équipements neufs ou l’installation de panneaux solaires. Mais la réparation reste son métier historique – un métier qui nécessite de planifier de nombreuses tournées. Murfy s’appuie en effet sur un réseau de 200 techniciens, formés pour la plupart en interne.

Une gestion de la planification incompatible avec les objectifs

L’entreprise revendique également une « grosse composante technologique », dixit son CTO Adrien Agnel. Mais cette technologie a d’abord été utilisée pour l’expérience client en ligne. Sur la gestion de tournées, Murfy gérait jusqu’en 2022 les interventions de ses techniciens « dans un mode un peu naïf » (sic). Le principal outil des agents de planification était un calendrier.

« C’était bien pour un petit groupe de techniciens, mais lorsque vous devez gérer des tournées sur des régions avec beaucoup d’interventions, dont de nombreuses en parallèle, ça n’était pas très pratique », se souvient Adrien Agnel.

Ce fonctionnement ne permettait pas non plus de s’appuyer sur un moteur d’optimisation. « Difficile par conséquent d’obtenir de bons résultats », note-t-il. « Les interfaces elles-mêmes étaient très insuffisantes et limitantes pour aller chercher de l’intervention », ajoute-t-il, citant ainsi l’absence de visibilité sur les temps de trajet et l’activité globale.

Ces carences ont été considérées comme incompatibles avec l’ambition de Murfy de faire 10 à 20 % d’interventions en plus quotidiennement. Courant 2022, le prestataire de services s’engage donc dans une étude des solutions de gestion de tournées du marché. En août 2022, c’est l’éditeur français Nomadia qui est choisi.

Déploiement entamé sur une région crash test

La mise en œuvre du projet s’enclenche en octobre, avec trois ingénieurs développeurs du côté de Murfy et un chef de projet. L’éditeur dédie quant à lui une personne sur le volet fonctionnel et « pas mal de support » de ses équipes techniques.

« Nous n’avons pas beaucoup travaillé sur l’intégration technique du système, qui s’effectue par API », déclare Adrien Agnel. Au total, le CTO évalue la durée du projet à six mois, soit jusqu’en avril 2023. Le déploiement n’était cependant pas bouclé à cette date. Murfy a opté pour une mise à l’échelle progressive, avec pour objectif final une utilisation sur sept régions.

Avant d’atteindre cette mise en production globale, la première phase a concerné une « région crash-test ». Une région choisie pour sa taille « plus petite que les autres » et qui présentait dès lors « moins de risques. »

L’étape initiale a été précédée de quatre mois de travail, consacrés « à la construction des solutions pour gérer les principaux flux de travail » et pour « s’assurer que les interfaces correspondaient bien au mode de fonctionnement des équipes. »

Le résultat a été jugé « maîtrisé ». Il nécessitera malgré tout encore deux mois pour des « ajustements » sur les fonctionnalités et les workflows. Au terme de cette phase, le bilan était qualifié de « tout à fait satisfaisant » sur la région pilote, ouvrant la voie à un déploiement sur trois régions supplémentaires ; puis enfin sur les trois restantes. Au total, le déploiement s’est échelonné sur un an.

En plus de ce nouvel outillage, Murfy a repensé une organisation spécifique pour gérer les tournées, avec à sa tête un responsable de l’équipe de planification (« l’expert Nomadia » au sein de Murfy). Impliqué dès la phase projet, il assure au quotidien le support de niveau 1 du logiciel, et supervise plus globalement la performance de la gestion de tournées.

Au responsable s’ajoutent 10 agents de planification et 13 chefs d’équipes techniciens, ces derniers étant des « utilisateurs occasionnels » de Nomadia. Les clients sont – eux aussi et dès la prise de rendez-vous – en contact sans le savoir avec l’application. C’est elle qui leur fournit les créneaux disponibles.

Une fois enregistré, le rendez-vous est directement intégré à la gestion de tournées pour leur construction opérationnelle. L’interface qui affiche les interventions des techniciens a été conçue par Murfy, mais elle embarque les données enregistrées dans le Field Service Management (FSM) de Nomadia.

Le FSM intégré au front-office et à l’architecture Data en back office.

Au niveau de l’architecture, de multiples applications front-office (pour les collaborateurs et les clients) sont interconnectées avec le FSM.

La connexion n’est toutefois pas directe. L’interfaçage s’effectue par le biais de l’API Murfy, exploitée comme un proxy. L’API permet en outre « d’ajouter notre logique métier propre, en lien avec la gestion d’un dossier, la gestion du stock de pièces, etc. », détaille le CTO.

Le FSM dispose aussi d’interconnexions en back-office, et en particulier avec les outils de récupération et de traitement des données (dont un ETL Airbyte).

Les données remontées par Nomadia peuvent ainsi être versées dans un datawarehouse, notamment afin d’alimenter de la datavisualisation et du décisionnel pour la génération d’indicateurs de performance (KPI) : nombre d’interventions par technicien et par jour, taux d’atteinte des objectifs, kilomètres parcourus, etc.

« Le système est relativement complexe », constate Adrien Agnel. Cette complexité permet néanmoins « d’agir sur un point critique » de la performance de l’entreprise : sa capacité à proposer plus rapidement des créneaux de rendez-vous.

Plus le délai avant une intervention est long, plus les clients tendent à abandonner leur commande. Avec Nomadia, Murfy s’efforce donc de réduire l’attente et ainsi d’augmenter le nombre d’interventions dans son carnet de commandes.

Horizon IA pour se doter d’un assistant de planification

À ce stade, l’entreprise est parvenue à dégager de premiers bénéfices grâce au moteur de planification. Parmi les résultats, le CTO cite le doublement de la capacité de gestion des équipes support, soit le nombre des techniciens gérés par agent de planification.

« Cela a pris du temps », concède-t-il. « L’outil a aidé », mais il n’a pas été le seul levier. La mise en place de l’application s’est accompagnée d’efforts de formation et de transformation de l’organisation, souligne-t-il.

Sur le nombre d’interventions réalisées quotidiennement par chaque technicien, Murfy attendait une hausse de 10 à 20 %. Il se situe aujourd’hui un peu en dessous des 10 %. Le réparateur envisage d’aborder d’autres points d’amélioration. Pour progresser, Murfy prévoit notamment d’accroître l’autonomie des utilisateurs de l’application, y compris en ouvrant un accès aux techniciens eux-mêmes.

Cette ouverture sera encadrée et portera, dans un premier temps, sur la prise de rendez-vous terrain. À la clé notamment : une charge moindre pour les agents de planification.

« L’autre grand enjeu, c’est d’aller chercher plus de performance sur la construction de tournées en utilisant des données techniques de l’API », anticipe le CTO. Il s’agira par exemple d’améliorer la qualité des créneaux proposés, pour accroître le taux de transformation.

L’entreprise regarde enfin du côté de l’intelligence artificielle. Le but : développer un assistant de planification pour ses agents en « centralisant toute l’expertise dont nous disposons en interne, comme les leviers d’action afin d’optimiser les tournées. »

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