IA agentique : Salesforce veut mettre Slack au centre de son dispositif
Lors de Dreamforce 2025, Salesforce a présenté les mises à jour de sa suite agentique. L’outil de collaboration Slack, lui, est amené à en devenir l’interface principale.
La réussite de ChatGPT auprès des 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires tient beaucoup en son interface simple d’accès. Une interface aux faux airs de Slack avant sa refonte graphique.
C’est donc sans surprise que Salesforce entend faire de l’outil de collaboration l’UI de choix pour accéder à ses agents et ceux de ses partenaires.
Avant cela, le géant du CRM a présenté Agentforce 360, une « plateforme », ou plutôt une appellation pour l’ensemble des fonctionnalités d’IA générative et agentique qu’il a développé depuis deux ans. Agentforce sera désormais décliné pour la plupart des quinze verticaux couverts par Salesforce et dans la majorité des solutions proposées par l’éditeur.
Agentforce 360, un enrobage marketing qui marque les avancées de Salesforce
Ce nouvel habillage marketing marque la disponibilité imminente de plusieurs fonctionnalités qui devrait aider les 12 000 entreprises clientes (ou en phase de l’être, Salesforce compte les tests) d’Agentforce à mieux contrôler les réponses de leurs agents et à les faire parler.
À commencer par Agent Script, un langage d’expression JSON incluant des logiques conditionnelles (if/else), à la manière de ce qu’OpenAI a présenté avec AgentKit. Ici, le DSL sera pris en charge par le « moteur de raisonnement » Atlas afin de respecter les logiques métiers. Il sera accessible en bêta à partir du mois de novembre prochain. Le moteur de raisonnement lui-même est configurable. Il incorpore les modèles Gemini de Google, en sus de ceux d’Anthropic et d’OpenAI.
Agent Script sera incorporé dans Agentforce Builder, une révision de l’interface de conception des agents de l’éditeur. Celle-ci unifiera la création, les tests et le déploiement des agents IA. Les développeurs et les citizen developers pourront éditer des flux no-code, low-code et les scripts depuis la même UI. Il sera possible d’émuler le comportement des agents en direct, puis de débugger les éventuels dysfonctionnements. Un outil nommé Agent Vibes permettra d’assister la conception « pro-code » de ces agents. Les garde-fous mis en place seront de la partie. La beta est attendue au mois de novembre.
Salesforce améliore également ses mécanismes RAG. L’extraction automatisée de données à partir de documents complexes est fonction de pipelines low-code configurables en quelques heures. L’éditeur prend désormais en charge les PDF, les images, les tables, les organigrammes, « et d’autres contenus divers ». Ce service de contextualisation s’intègre à Data 360. Ce service entre en disponibilité générale au mois d’octobre.
Data 360 n’est autre que le nouveau nom de Data Cloud, anciennement Genie, ex Salesforce CDP, ex-Customer 360 Audiences. Il faut suivre.
Les agents vocaux arrivent enfin
Agentforce Voice, en disponibilité générale le 21 octobre prochain, est la fonctionnalité clé d’Agentforce 360. Elle a été présentée de longue date et attendue de clients comme Adecco. Le service permet de répondre en temps réel (« à très faible latence ») aux demandes des clients qui appelleraient des centres de contact. Plusieurs voix sont disponibles et les entreprises peuvent personnaliser le ton et le raccorder aux mécanismes RAG présentés ci-dessus. Agentforce Voice inclut le transcript des échanges de Salesforce Voice et des intégrations avec Amazon Connect, Five9, NiCe et Vonage (Genesys n’a pas été mentionné). Le tout peut être intégré avec Salesforce CRM. La prise en charge des protocoles SIP, WebRTC et d’autres canaux de communication sera lancée en pilote au mois de décembre 2025.
De ce fait, le renommage n’est pas si anodin, croit Holger Mueller, analyste chez Constellation Research. « Alors que ses concurrents travaillent sur des produits uniques et des versions secondaires, Salesforce propose à ses clients une suite d’offres d’IA sous sa marque 360 habituelle », remarque-t-il. « C'est un autre élément qui montre que Salesforce a une longueur d’avance d’un ou deux ans sur ses principaux concurrents ».
« [L'utilisation de la marque Agentforce 360] est un autre élément qui montre que Salesforce a une longueur d’avance d’un ou deux ans sur ses principaux concurrents ».
Holger MuellerAnalyste, Constellation Research
Ce renforcement des outils de conception d’agents sera à l’avenir complété par une fonction de process intelligence. C’est l’objet du rachat d’Apromore, un éditeur australien spécialisé dans l’exploration et la remédiation des processus. L’un des derniers acteurs indépendants dans le domaine.
« Salesforce continue de renforcer sa couche PaaS pour Agentforce, et l’acquisition d’Apromore souligne cette tendance », déclare Holger Mueller, dans un billet de blog. « Les graphes d’intelligence des processus sont une approche éprouvée et efficace pour s’assurer que l’IA agentique ne se trompe pas, et ils sont généralement plus fiables que les mécanismes RAG. La question est maintenant de savoir à quelle vitesse les capacités d’intelligence des processus pourront être intégrées à Agentforce ».
La technologie d’Apromore pourrait également servir à déterminer quand un agent IA est plus efficace qu’un humain dans un processus et vice-versa.
Slack comme le « front-end » de Salesforce et des agents IA
Et la place de Slack dans tout cela ? Il est présenté comme un moyen d’unifier les agents IA sur étagère (Claude, Gemini, Notion, Perplexity, Box, ChatGPT, etc.) et spécifiques. Ce que Salesforce ne semblait pas vouloir faire depuis sa plateforme principale.
Slack dispose de ses propres fonctionnalités d’IA, à commencer par une fonctionnalité de recherche de type RAG, sans nécessiter d’exporter les données présentes dans l’outil de collaboration. Celle-ci sera propulsée par l’API Real Time Search (RTS) et permettra de retrouver des messages et des fichiers depuis des applications tierces, dont ChatGPT, Codex, Gemini Enterprise, Dropbox Dash ou encore Notion AI.
À cela s’ajoutent des outils pour développer des agents IA et des flux automatisés, dont une manière pour les LLM d’exploiter les Block Kit Table, un moyen d’afficher des tables de données structurées dans Slack. Les « objets de travail », eux, permettent d’intégrer des données et des actifs en provenance de Google Drive, Salesforce, Asana, PagerDuty ou encore Box.
« En 2019, nous avons acheté Slack, et je dois dire que la valeur qu’il représente pour nous a considérablement augmenté. À l’ère de l’IA agentique, cette valeur est potentiellement énorme », confirme Parker Harris, cofondateur et CTO de Salesforce, lors d’une conférence de presse en ligne. « Slack est en train de devenir non seulement le front-end de Salesforce et le front-end d’Agentforce 360, mais aussi votre système d’exploitation agentique, où vous pouvez rechercher, collaborer et agir avec toutes les personnes de votre organisation, toutes les données étant connectées à tous ces agents Agentforce pour vous aider à faire votre travail ».
Slack est en train de devenir non seulement le front-end de Salesforce et le front-end d’Agentforce 360, mais aussi votre système d’exploitation agentique ».
Parker HarrisCofondateur et CTO, Salesforce
Évidemment, Salesforce met en avant ses serveurs MCP. Après MuleSoft, c’est Slack qui bénéficiera d’un serveur dédié.
« Mais comme pour tout, le plus important est de savoir ce que l’agent peut faire et ce qu’il ne peut pas faire. Quelles sont les limites à respecter pour qu’un agent puisse fonctionner ? Un serveur MCP ne suffit pas », affirme Srini Tallapragada, président, ingénieur en chef et directeur du succès client chez Salesforce.
Et de vanter les capacités de l’Einstein Trust Layer, l’ensemble des mesures de sécurité et des garde-fous mis en place par l’éditeur.
De même, après Sales Cloud, Salesforce intègre IT Service, HR Service et Tableau Next dans Slack. « Imaginez que vous n’avez pas à vous connecter à Salesforce, vous ne voyez pas Salesforce, mais c’est là, la plateforme vient à vous à travers Slack », illustre Harris Parker. De même, il sera possible d’obtenir des « Channel Experts », des agents IA intégrés aux canaux pour répondre à des questions spécifiques à un domaine. Des animateurs de FAQ en quelque sorte.
Cela ne veut pas dire que Salesforce abandonne les intégrations avec Teams. Ce n’est tout simplement pas sa priorité.
« Nous procédons à certaines intégrations, mais les gens ne travaillent pas vraiment dans un produit comme Teams. Quand on pense à Slack, c’est là que nous voulons que vous fassiez votre travail », ajoute le CTO.
Pour autant, à son habitude, Salesforce tombe dans le travers du « forward looking statement » (déclaration prospective en français). Tout comme une grande partie des fonctionnalités d’Agentforce 360, celles de Slack sont partiellement accessibles.
L’API de recherche en temps réel et le serveur MCP ne sont disponibles qu’en bêta fermée. Il faudra attendre le début d’année prochaine pour leur lancement.
En revanche, les agents IA tiers sont sur la marketplace Slack « dès aujourd’hui ».
Les objets de travail seront en disponibilité générale à partir de la fin du mois d’octobre.
Il y a bien là l’idée de prouver la valeur de Slack, alors que les entreprises ont largement déployé Teams (certes sans que cela soit un choix étudié). Le découplage de Teams et des suites Office et Microsoft 365 pourrait jouer en la faveur du géant du CRM s’il arrive à trouver la bonne formule rapport fonctionnalité-prix.
Microsoft a, elle aussi, présenté un volet agentique à la place de marché de Teams. Et de mettre en avant des intégrations avec Cortex AI de Snowflake, Asana, LexisNexis Protégé, SAP Joule, ou encore Now Assist.
Photographie prise lors de Dreamforce 2024.
Pour approfondir sur IA appliquée, GenAI, IA infusée