« L’IA n’est pas un magiciel » : la SNCF mise sur le pragmatisme pour mettre l’IA sur les rails

À la SNCF, l’IA y est un outil au service d’objectifs opérationnels. Un principe que Laurent Léna, directeur délégué en charge des centres de compétence du groupe, a rappelé avec insistance lors de la journée du club utilisateur français d'Oracle.

« Ce n’est pas un magiciel. » L’expression, entendue en interne, fait sourire Laurent Léna, directeur délégué en charge des centres de compétence de la SNCF, mais résume parfaitement sa vision. « Les magiciels, ça n’existe pas. L’Intelligence artificielle (IA) ne dispense pas, quelle que soit sa puissance, d’exprimer en amont un besoin et un objectif à atteindre », souligne-t-il.

À la SNCF, les projets d’intelligence artificielle seraient donc tous construits « à rebours » : d’abord un cas d’usage métier, ensuite une réponse technologique.

Une IA réellement utile

L’entité que dirige Laurent Léna ne traite pas les aspects réglementaires ou éthiques de l’IA. Elle explore des usages très concrets, souvent liés aux systèmes d’information de gestion et à la qualité des données.

« Nous avons eu des démarches très exploratoires et très opérationnelles. […] Nous travaillons sur la question de “à quoi l’IA peut-elle servir, de manière très pragmatique, dans des sujets qui sont les nôtres ?” », précise-t-il.

Cette approche s’appuie sur un constat récurrent dans le domaine des ERP : l’abondance de données disponibles, mais difficilement exploitables. « Il y a des téraoctets qui rentrent dans nos ERP. […] On y rentre des tas d’informations, mais comment on fait pour avoir accès à tout ça ? », interroge-t-il.

Enrichissement comptable automatisé

L’un des projets emblématiques en cours est une piste de réponse. Il concerne « l’enrichissement des clés comptables » dans l’ERP PeopleSoft.

« Trouver la bonne destination analytique, quand on rentre une information comptable, c’est une fin en soi », résume Laurent Léna. « Ce sont des centaines de milliers, voire des millions de comptes analytiques possibles sur une imputation comptable ». Le projet vise à ce que l’IA propose automatiquement la bonne imputation.

L’ambition est triple : améliorer la qualité des données et diminuer le taux d’erreur, tout en réduisant les temps de traitement. Mais là encore, l’IA ne fait pas tout toute seule. « Je veux le répéter et dire que ce n’est pas magique : il faut avoir cette information quelque part, et il faut savoir comment l’IA peut aller la chercher », insiste-t-il.

Traitement intelligent de documents non structurés

Un autre champ d’expérimentation est l’usage combiné de l’IA et du RPA (Robotic Process Automation) pour traiter automatiquement des documents non structurés.

« Par exemple – et nous travaillons dessus actuellement – les arrêts de travail sont structurés de manière très différente en fonction des cas. Et bien l’IA peut digérer et saisir tout cela, toute seule, dans les systèmes d’information. »

Dans ce cas également, la promesse est celle d’un gain de temps, mais aussi d’une meilleure fiabilité dans les systèmes RH et comptables.

Portail interne enrichi

Un troisième exemple qui illustre que la SNCF mise sur l’utilité concrète pour favoriser l’adoption de l’IA est la recherche d’information dans l’intranet du groupe.

« Auparavant, il fallait que savoir où aller, connaître le bon menu, et la bonne entité. Aujourd’hui, il suffit de dire en langage naturel : “je cherche l’appli pour poser mon congé”, et c’est un moteur d’IA qui traduit cela », se réjouit Laurent Léna.

Ce lien entre IA et cas d’usage métier constitue, selon lui, la meilleure voie pour ancrer durablement ces technologies dans l’organisation.

Gouvernance de la donnée : la clé du succès

Ces projets n’ont de sens, selon le responsable, que s’ils s’appuient sur une gouvernance des données solide. « Tout tourne autour de la data », rappelle-t-il, soulignant que de nombreuses questions persistent depuis des années sur ces données : « Mais au fait, de quoi parle cette donnée précise ? À qui appartient-elle ? Qui a le droit de voir quoi ? »

À la SNCF, un groupe « extrêmement pluriel » où chaque entité juridique détient ses propres données, cette question de la responsabilité et de la structuration est essentielle. « Ça a été une vraie question pour nous, au-delà des aspects technologiques. », confirme Laurent Léna.

Une IA acceptable si raisonnable, utile, et durable

Pour passer l’IA à l’échelle, il faut voir grand. Mais sans perdre la raison. Laurent Léna souligne cette nécessité de rester mesuré dans les ambitions.

« On dit, à juste titre, que l’IA est une révolution technique. À la SNCF, on se dit : “comment faire pour qu’elle ne soit pas une révolution au sens péjoratif du terme ?” »

La réponse se trouverait dans la combinaison de quatre exigences fondamentales : sécurité, confidentialité et de respect de l’environnement (frugalité).

« Plus on a de capacités, plus on peut avoir de besoins et d’envie », constate Laurent Lena. « Mais est-ce que [ce cas d’usage] est raisonnable ? Est-ce qu’il en vaut vraiment la peine ? », invite-t-il à se questionner pour chaque nouveau projet sans oublier que l’IA n’est pas une solution miracle. Vu qu’elle n’est pas magique.

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