Antargaz distribue l’IA dans sa logistique, dans la prospection et le solaire
Le distributeur de gaz a unifié ses données dans une plateforme. Antargaz exploite ce patrimoine pour actualiser un jumeau numérique de sa chaîne logistique, mais aussi pour détecter des opportunités commerciales.
Antargaz soufflera bientôt ses 90 bougies. Son métier est celui de la distribution de gaz dans les zones non couvertes en gaz naturel. Sur ces zones, particuliers et entreprises consomment du gaz en citerne ou en bouteille. Au total, Antargaz distribue près de 10 de térawattheure (TWh) grâce à ses 1000 salariés et 300 000 points de livraison.
L’industriel mène également sa transition énergétique afin de réduire la part des énergies fossiles dans ses résultats. Dans ce cadre, Antargaz développe progressivement le biogaz, et il ambitionne en outre de produire de l’électricité solaire.
Que ce soit pour son métier historique ou ses nouveaux pans d’activité, l’entreprise s’appuie sur les capacités de l’intelligence artificielle et sur son patrimoine de données. Une fonction en particulier est centrale au sein d’Antargaz : la logistique.
Un jumeau numérique pour suivre et piloter sa logistique
L’ensemble de la chaîne logistique est internalisée, à la différence d’autres fournisseurs qui exploitent les infrastructures de GrtGaz (désormais NaTran) ou de GRDF. « Nous gérons toute la chaîne technique de distribution. De fait, nous avons beaucoup de métiers chez Antargaz : amont, aval, gestion clientèle, partie technique et sécuritaire des citernes, etc. », détaille Laurent Heim, directeur Data & Logistique conditionnée.
« Nous avons modélisé jusqu’à la livraison du client. »
Laurent HeimDirecteur Data & Logistique conditionnée, Antargaz
Cette multiplicité de métiers est pour Antargaz synonyme de « beaucoup de flux de données ». Au cours des trois dernières années, le fournisseur a donc mené des projets IT pour assembler des fondamentaux techniques nécessaires à la valorisation de cet actif immatériel. Parmi ceux-ci, la migration au sein d’une même Data Platform des différents flux de données opérationnels.
La nouvelle étape consiste désormais à exploiter ce capital Data de manière transverse, et non plus par métier comme par le passé. Parmi les premiers cas d’usage développés : la logistique. Dans ce secteur, Antargaz a conçu un jumeau numérique de l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement.
« Nous avons modélisé jusqu’à la livraison du client », indique le directeur Data. Ce qui permet de réaliser des simulations sur la base de « quelques variables » : points d’apport, changement de prix, modification d’un site de stockage.
Les données pour optimiser les livraisons et l’approvisionnement
« Notre produit étant de nature plus stockable que du gaz de réseau, nous disposons de stocks répartis sur le territoire. Mais cela signifie une chaîne logistique plus disséminée. » C’est pour améliorer la gestion de cette chaîne, par exemple pour décider de ses approvisionnements, qu’Antargaz s’est doté d’un jumeau numérique.
La donnée est également clé pour la gestion des livraisons client, cuves et bouteilles. La contrepartie, c’est « peu ou pas accès » à la consommation propre de ses clients. L’enjeu pour Antargaz consiste par conséquent à « essayer de comprendre cette consommation du client » grâce à des modélisations individuelles, afin de piloter ses livraisons.
L’historique de données et sa profondeur permettent à l’énergéticien d’évaluer la consommation et de piloter les livraisons.
La valorisation de ses données est ainsi présentée par Laurent Heim comme le moyen d’optimiser « la fréquence d’approvisionnement de nos clients et donc ensuite tout notre schéma d’approvisionnement logistique. »
Données, images satellites et IA pour détecter des sites de solarisation
Pour Alice Francou, directrice énergies renouvelables & développement, la Data et l’intelligence artificielle présentent aussi du potentiel dans le domaine commercial et pour se diversifier.
En matière d’énergies, rappelle-t-elle, la tendance est en effet « plutôt à l’électrification qu’à la hausse de la consommation de gaz. Nous cherchons donc des leviers de croissance », et l’un d’entre eux est « l’électricité et la production d’électricité solaire ».
Parmi ses 300 000 points de livraison, Antargaz compte 80 000 clients B2B, dans l’industrie, l’agriculture, le tertiaire, etc. Ces consommateurs pourraient accueillir sur leurs sites des centrales solaires. Mais 80 000 prospects en puissance, c’est trop, surtout pour 70 commerciaux. Il était donc nécessaire d’affiner le profilage des clients.
« Nous avons travaillé avec iNex afin de cartographier l’analyse de l’opportunité à grande échelle puis d’utiliser les informations pour du développement commercial », explique Alice Francou.
« Le produit fini que nous souhaitions, pour un commercial ou une équipe bureau, c’est un accès simple dans une plateforme à des potentiels d’activation de solarisation. »
Laurent HeimDirecteur Data & Logistique conditionnée, Antargaz
Mais la « première difficulté » a été la qualité de la donnée disponible. Le CRM nécessitait au préalable « un nettoyage » pour actualiser les données clients.
Antargaz a aussi procédé au mapping par satellite des sites de ses clients, enrichissant ses données.
Néanmoins le projet ne se résume pas qu’à une dimension technologique. « Il a fallu aussi que nous nous mettions d’accord sur les indicateurs » pertinents pour évaluer le potentiel total, mais aussi celui d’un site et donc pouvoir détecter un prospect pour une installation.
Et l’information devait être exploitable grâce à de la data visualisation.
« Le produit fini que nous souhaitions, pour un commercial ou une équipe bureau, c’est un accès simple dans une plateforme à des potentiels d’activation de solarisation », résume Laurent Heim. Par zone géographique, et selon des paramètres (fonciers de type parking ou toiture, par exemple), l’interface affiche ainsi dynamiquement des projets potentiels de solarisation (et la valeur économique associée).
La création d’une nouvelle activité décidée par la donnée
Le produit fourni aux commerciaux leur permet d’affiner leur recherche sur la base de critères métiers (toiture disponible pour une solarisation de 100 MW, par exemple) et ainsi de prioriser leurs actions de prospection. Selon les paramètres, une liste de prospects est générée à partir de la base de clients Antargaz, avec leurs coordonnées pour la prise de contact.
La conception de cette solution s’est déroulée en plusieurs phases. La « plus importante et très consommatrice en temps » a été le recensement et la préparation des données. Deuxième étape : la paramétrisation des données (comme l’orientation d’un site par rapport au soleil). Enfin : « faire tourner le calcul et l’exploitation au travers de la plateforme » pour générer les résultats.
Pour ce cas, Antargaz s’est focalisé sur le sud de la France. L’entreprise a géolocalisé 12 000 points offrant un potentiel de projets équivalant à 7,5 GW, dont 3 GW de « projets cœur de cible ». Cette donnée a permis de justifier auprès de la direction la création d’une nouvelle société dédiée, AntarSolaire (une joint-venture avec Générale du Solaire).
Sur la base de ce projet, Antargaz a appliqué la même technologie sur son cœur de métier cette fois. Données et images satellites ont été couplées pour détecter des citernes concurrentes.
Le fournisseur possède une part de marché de 50 % sur son secteur historique. Mais son ambition est de continuer à en gagner. Or « aujourd’hui, un commercial circule dans les zones industrielles et il répertorie dans un fichier les citernes pour détecter des cibles. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus efficace », raconte Alice Francou. L’ambition avec l’analyse d’images vise donc à massifier la détection afin de préremplir un fichier de prospection pour les commerciaux.
« Il y a eu tout un travail, avec la préparation de données en amont, mais aussi d’entraînement pour repérer une citerne parmi tout autre objet qui pourrait ressembler à une citerne », confirme le directeur Data.
Dans une interface comparable à celle développée pour le solaire, les citernes détectées sont affichées, ainsi qu’une liste des autres professionnels (via leur SIREN) à proximité. « Si un client détient une citerne, il y a de fortes probabilités que d’autres professionnels autour soient aussi au propane ou au fuel et qu’ils soient donc des prospects potentiels », explique Alice Francou.
Le projet s’est traduit en phase d’étude par la détection de 1800 leads (avec contre-vérification par un commercial), dont 85 % de leads propane. « Seulement 15 % de déchets, c’est considérable pour nous », se réjouit la responsable en attendant les nouveaux contrats.