Ceetrus - Stereograph

Auchan pilote son immobilier avec des jumeaux numériques et l’IA

Filière immobilière d’Auchan, Ceetrus a numérisé l’intégralité́ de son patrimoine en France. Grâce aux données et à des agents IA, la foncière peut piloter ses actifs et ses investissements d’un montant de 1 milliard d’euros sur la période 2024 à 2028.

Les groupes de la grande distribution disposent tous de leur foncière. Auchan également, avec sa filiale Ceetrus qui gère un portefeuille d’actifs immobiliers et de foncier de plus de 9 milliards d’euros et près de 20 millions de mètres carrés.

Ceetrus gère environ 300 sites commerciaux – et 50 en développement – répartis sur 11 pays, dont la France. L’entreprise semble à première vue assez éloignée du numérique puisque son activité consiste à gérer des superficies. Mais à y regarder de plus près, ce n’est pas le cas.

Programme de modélisation sur trois ans

Ceetrus a en effet choisi de représenter ses sites physiques avec des doubles numériques dans le cadre d’un vaste programme de digitalisation de son patrimoine. La construction de jumeaux numériques n’est néanmoins qu’une première étape.

La foncière se projette déjà dans l’ère de l’IA en préparant le développement de modèles prédictifs. Mais même avant de disposer de telles IA, Ceetrus rentabiliserait ses investissements.

Les jumeaux, conçus grâce à l’éditeur Stereograph, constituent un outil de pilotage pour des « décisions objectives », en premier lieu les stratégies d’investissement (432 millions d’euros investis en 2023 et 1 milliard sur 2024/2028 pour la transformation des sites).

Infographie issue des données d'un jumeau numérique dans l'outil
Infographie issue des données d'un jumeau numérique dans l'outil de pilotage

Avoir la capacité de piloter par la donnée, c’est la première étape franchie par l’entreprise grâce à un projet entamé en 2023 dans le cadre d’un programme sur trois ans. Au cours de ce chantier, Ceetrus prévoit de modéliser l’ensemble de son patrimoine pour atteindre plusieurs objectifs, explique Philippe Bacci, leader transformation : optimiser la gestion quotidienne, réduire l’empreinte environnementale des sites, accroître la performance opérationnelle avec une vision globale et temps réel, anticiper les investissements (Capex) et valoriser l’actif.

Se réapproprier la connaissance de son patrimoine

Au cœur des jumeaux numériques, il y a la data, souligne Manuel Gomes, CEO fondateur de Stereograph. Les données sont en tout cas pour Ceetrus le moyen « de se réapproprier la connaissance de son patrimoine. »

Pour construire/unifier cette connaissance, l’entreprise s’appuie sur un processus BIM (Building information modeling) jusqu’à fédérer l’ensemble des maquettes dans le Digital Twin, constitué de données structurées, de données 3D et d’un référentiel géographique.

Fin 2024, 140 sites du portefeuille avaient été digitalisés. Au cours de la première année, un peu moins de 30 biens immobiliers disposaient de leur jumeau. Au démarrage, l’enjeu a d’abord consisté à structurer la donnée et à connecter les répliques numériques et les systèmes métiers (gestion locative & technique, GTB, etc.).

Infographie issue des données d'un jumeau numérique dans l'outil de pilotage
Infographie issue des données d'un jumeau numérique dans l'outil de pilotage

Pour poser les fondations, le programme s’est déployé initialement sur les sites français. Cette étape a permis en 2024 de s’atteler à l’industrialisation avec l’ajout de 6 à 10 nouveaux biens immobiliers par mois. À la fin de l’année, l’ensemble du marché français était ainsi déployé et des opérations avaient démarré en Espagne, en Italie et au Luxembourg. En 2025, la digitalisation sera étendue à la Pologne et à la Roumanie.

Sur les sites déjà couverts, Ceetrus dispose d’une connaissance numérique de son patrimoine au travers d’un ensemble d’informations structurées (portes, murs, fenêtres, etc.). Ces données descriptives ont ensuite été « augmentées » en étant connectées aux systèmes métiers des bâtiments et de gestion.

Priorité à la gestion locative et technique

L’augmentation s’opère grâce aux données des métiers. Pour identifier leurs principaux enjeux, le fournisseur technologique et son client ont organisé des ateliers. Ces discussions ont débouché sur une liste de priorités : la gestion locative (remontée en temps réel des données locataires) et l’information technique (les équipements aujourd’hui, et à l’avenir la connexion aux automates).

« Ce type de projet se déroule par phase. On déploie rarement tous les métiers simultanément. La méthode consiste plutôt à augmenter, dans un premier temps, un ou deux métiers. Ensuite, le jumeau peut être enrichi grâce à un élargissement de son périmètre », justifie Manuel Gomes.

Sur le volet locatif, les données étaient déjà numérisées dans un outil métier dédié. Le rapprochement avec un jumeau numérique a néanmoins été l’opportunité de détecter et de corriger d’éventuelles incohérences.

Infographie issue des données d'un jumeau numérique dans l'outil de pilotage
Infographie issue des données d'un jumeau numérique dans l'outil de pilotage

Par l’intermédiaire d’une interface, l’entreprise peut gérer la connaissance pour la maintenir à jour. « Un bâtiment vit. Il se transforme, se modifie, et ce d’autant plus que Ceetrus mène des actions d’amélioration de son patrimoine, notamment pour répondre à ses objectifs environnementaux et de performance », indique le patron de l’éditeur.

La connaissance est donc amenée à évoluer et à être maintenue au sein du jumeau numérique. À l’outil, Stereograph a ajouté des fonctionnalités de traçabilité et de visualisation en 3D. La finalité : permettre à chaque acteur du pilotage des bâtiments « de prendre les meilleures décisions. On se situe dans l’excellence opérationnelle », insiste Philippe Bacci.

Des agents IA pour interroger le jumeau et piloter

Les jumeaux sont complexes du fait de la volumétrie de données. « Un site peut compter des dizaines de milliers d’objets, chacun associé à plusieurs données […]. Pour un actif, on peut avoir des millions d’informations », chiffre le responsable chez Ceetrus.

D’où l’intérêt de l’intelligence artificielle. L’IA doit « faciliter la compréhension » en « augmentant les équipes grâce à des agents qui les aident à comprendre l’information pour décider de manière réactive ». Il s’agit ainsi de fournir aux utilisateurs la possibilité d’interroger le jumeau numérique en « promptant ».

À cette fin, Stereograph fine-tune des IA « en leur donnant une intelligence propre à la gestion immobilière et surtout propre au patrimoine du client ». Ses agents permettent d’interagir avec la 3D, de questionner les données juridiques et techniques, et aussi de soumettre des préconisations.

Le prédictif constitue une autre perspective de l’IA. Cet usage de l’intelligence artificielle nécessite un historique. Cela tombe bien : un jumeau permet de tracer l’histoire d’un bâtiment, c’est-à-dire les événements qui y sont arrivés (travaux, sinistres, achats ou ventes d’espaces, remplacements d’équipement, etc.).

« La consolidation de cette connaissance dans une ligne de vie reflétant la vie réelle d’un bâtiment pourra alimenter l’intelligence », anticipe Philippe Bacci.

Mais même sans attendre l’IA, la valeur serait d’ores et déjà au rendez-vous pour le responsable. La donnée permettrait des gains de productivité, ainsi que la visualisation et la fédération des métiers autour d’un unique référentiel – une « golden source ».

Stereograph signale enfin que le client (Ceetrus) est l’unique propriétaire de ses données. Le jumeau numérique développé est par ailleurs en open data. Le client peut le récupérer (réversibilité), pour l’utiliser dans d’autres environnements, par exemple à des fins de simulation ou de design.

Le jumeau essentiel aujourd’hui pour le pilotage d’un portefeuille

Infographie issue des données d'un jumeau numérique dans l'outil de pilotage
Infographie issue des données d'un jumeau numérique dans l'outil de pilotage

Pour étayer la nécessité de disposer d’un outil numérique performant, le cadre de la foncière Auchan rappelle les enjeux financiers : 432 millions d’euros consacrés à l’investissement en 2023 (+29 %). Et la feuille de route 2024/2028 prévoit une enveloppe d’environ 1 milliard d’euros pour transformer les sites.

« Disposer d’un jumeau numérique permet d’analyser un actif – parce que nous avons besoin des données en temps réel. C’est un élément essentiel aujourd’hui pour le pilotage d’un portefeuille », poursuit Philippe Bacci.

D’ici la fin du programme de digitalisation, Ceetrus et Stereograph vont finaliser les déploiements à l’international. Les partenaires prévoient par ailleurs d’interconnecter le jumeau à d’autres systèmes, dont la GMAO.

Des ateliers avec des représentants des métiers sont organisés pour définir les prochains développements, voire identifier des sources de données supplémentaires, en interne comme en externe..

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