Comment le Groupe Condat fait évoluer son business model grâce aux objets connectés

Le fabricant de mastic d’étanchéité propose à ses clients tunneliers des fûts connectés, afin de suivre en temps réel l’avancement des chantiers. Les tunneliers n’ont alors plus de souci d’approvisionnement.

Peu connu du grand public, le groupe Condat d’origine française, dont le siège social et le site industriel se situent près de Lyon, a pourtant 160 ans d’existence. Son activité historique est la fabrication de lubrifiants spécialisés, en particulier les mastics d’étanchéité destinés à la construction des tunnels et les savons de tréfilage (consistant à étirer un fil d’acier à froid pour diminuer son diamètre, et fabriquer des trombones par exemple).

En 2008, il se diversifie et crée un pôle cosmétique. International, il est présent à Détroit, à côté de Sao Paulo et à Shanghai. Prochainement, il installera une usine à Qingdao, un grand port industriel localisé entre Shanghai et Pékin. Et pour cause : en Chine, il y a 15 fois plus de chantiers de tunnels que dans tout le reste du monde, soit 100 à 150 tunneliers qui tournent chaque année.

Des stocks suffisants, mais pas trop

Dans ce domaine, le groupe Condat faisait face à une grosse difficulté : comment s’assurer que les tunneliers disposent en permanence de la quantité nécessaire et suffisante de mastic d’étanchéité ?

« La vitesse d’avancement du chantier d’un tunnel n’est pas constante. Malgré tous les sondages effectués dans les sous-sols, le tunnelier peut devoir s’arrêter ou au contraire accélérer quand tout se passe mieux que prévu », décrit Guy Chemisky, Directeur des Opérations du Groupe Condat.

« Il était pour nous impératif de mieux servir nos clients en connaissant les variations de vitesse d’avancement en temps réel. »
Guy ChemiskyDirecteur des opérations, groupe Condat

Or, sauf exception, le tunnelier ne peut pas se faire livrer en une seule fois tous les fûts qui lui seront nécessaires. À base d’eau pour des questions écologiques, le mastic d’étanchéité se détériore en présence de bactéries. La place octroyée au stockage des fûts, notamment dans les chantiers en zone urbaine, est limitée.

« Il était pour nous impératif de mieux servir nos clients en connaissant les variations de vitesse d’avancement en temps réel », résume Guy Chemisky. Afin d’éviter de devoir livrer en urgence des fûts par fret aérien à l’autre bout du monde, comme cela est déjà arrivé. Produit peu cher, le mastic d’étanchéité n’en est pas moins vital pour les tunneliers, pour éviter les inondations provoquées par exemple par un fleuve à proximité du chantier.

Détecter l’ouverture d’un fût de mastic

 L’idée de Guy Chemisky est alors simple : il suffit de savoir quand un fût est ouvert. Avec son partenaire historique Delaware, Condat démarre le projet en 2019. Avec la douzaine de personnes spécialisées chacune dans leur domaine, un objet connecté détectant l’ouverture d’un fût apparaît comme la solution la plus simple.

Sigfox est choisi pour opérer les télécommunications : « Sigfox est présent dans plus de 70 pays, dont la Chine. Nous avons étudié une technologie de type LoRa, mais il n’existe à ma connaissance aucun opérateur unique présent mondialement » justifie Guy Chemisky.
Lobjet, collé sur le fût et conçu avec Sigfox, émet un signal lorsquil est ouvert. Il part ensuite aux déchets, mais les tunneliers cherchent à travailler de manière de plus en plus écologique : une solution de recyclage a d’ores et déjà été imaginée.

Le développement de la solution s’est opéré en mode agile, avec des objectifs et des réunions fixés tous les vendredis – en visioconférence, Covid-19 oblige. Du point de vue informatique, la plateforme exploite le cloud de Sigfox et l’IoT Hub de Microsoft Azure.

Les données sont intégrées dans l’ERP de SAP – lui on premise – en particulier dans les modules dédiés au CRM et à la gestion des stocks. Dans SAP, des tuiles dynamiques signalent au service client que sur tel chantier, la consommation accélère, freine, etc. Pour Condat, la solution sert également au pilotage de la production, et à réguler ses usines. En phase de préindustrialisation, les premiers fûts connectés ont été livrés sur les chantiers. 

Devenir fournisseur de services

« Nous garantissons au tunnelier qu’il aura en permanence le nombre de fûts adéquats, sans que le chef de chantier ait à s’occuper de quoi que ce soit. »
Guy ChemiskyGroupe Condat

La démonstration technique faite, Guy Chemisky pense déjà au futur : « la réflexion qui m’anime est comment faire évoluer le business model de ce métier. Nous étions un vendeur de fûts de mastic d’étanchéité ; notre ambition est d’être un partenaire service dans lavenir : nous garantissons au tunnelier quil aura en permanence le nombre de fûts adéquats, sans que le chef de chantier ait à soccuper de quoi que ce soit » prévoit Guy Chemisky.

Il est vrai que les réglementations rendant de plus en plus difficiles l’innovation sur le mastic lui-même, les services deviennent incontournables. Pour les clients le coût supplémentaire est minime, de l’ordre de 1 %, soit quelques euros par fût de 150 kg. « C’est surtout un avantage concurrentiel et une proximité plus forte avec les clients », insiste Guy Chemisky. Le groupe teste aussi des solutions à base d’IoT dans le secteur cosmétique, pour effectuer du suivi de fabrication.

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