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La data transforme l’essai dans le rugby

L’ex-demi d’ouverture gallois Dan Biggar salue les apports des données et de la technologie dans le rugby professionnel. Il s’exprimait lors d’un événement organisé autour de la « smart ball », un ballon connecté qui mesure des dizaines d’indicateurs en temps réel. Axer plus sur les enseignements à en tirer pour les entreprises.

Le rugby aime les statistiques. Mais qu’apportent-elles réellement au plus haut niveau ? Comment la science de l’analytique appliquée au sport évolue-t-elle ? Et avec quels gains pour la performance des joueurs et des équipes ?

Pour Dan Biggar, le demi d’ouverture international gallois (un poste pouvant s’apparenter au « cerveau du jeu ») qui a pris sa retraite cet été après quatre saisons à Toulon, les données sont tout simplement devenues indispensables.

Et le gaillard (1m88 pour 84 kilos) s’y connaît. Dan Biggar a obtenu sa première sélection avec le Pays de Galles en 2008. Il est devenu incontournable pour son équipe nationale (dont il a été le capitaine en 2022), avec laquelle il a remporté trois éditions du Tournoi des Six Nations – (dont un Grand Chelem).

Demi d’ouverture le plus capé du Pays de Galles (112 sélections), il a également été sélectionné à deux reprises chez les Lions britanniques et irlandais.

De la data à la culture

On a tendance à opposer culture de jeu (ou d’entreprise), esprit de groupe et « flair » d’un côté, et données, indicateurs et analytique de l’autre. Les choses sont en réalité un peu plus complexes et beaucoup moins tranchées.

« Le concept de “culture” m’a toujours intrigué. Déjà, on ne peut pas vraiment apprendre une culture. Dès qu’on essaye d’en imposer une, cela devient forcé et le groupe n’y adhère pas dans sa totalité. Ensuite, et surtout, c’est très difficile à mesurer », commence-t-il par répondre. « Comment évaluer [l’influence de] la culture des All Blacks par rapport à celle de l’Angleterre, du Pays de Galles ou de l’Écosse ? C’est quelque chose qui se construit sans même que l’on s’en rende compte. »

Photo de Dan BiggarDan Biggar

« La culture du rugby gallois a toujours été de vouloir être, ou de se voir comme des perdants ou des outsiders. […] À ce propos, je dirais que, lors de nos années les plus glorieuses, de 2011 à 2021, nous avons bousculé toutes les normes culturelles du Pays de Galles, car, pendant ces dix années, nous n’étions plus les outsiders. On ne nous percevait plus comme des joueurs qui boxent dans une catégorie au-dessus de leurs capacités. Nous étions devenus, en quelque sorte, un des porte-étendards du rugby, surtout dans l’hémisphère nord », se souvient-il.

Mais si la part de la culture dans le résultat n’est pas mesurable, celle-ci doit se construire sur des bases solides – et bien mesurables, elles. « Ce qu’on peut mesurer, c’est le travail : les kilomètres parcourus, le temps passé à l’entraînement, les efforts répétés. »

« Nous avons donc rompu avec cette culture d’outsider, mais nous n’y sommes parvenus que grâce à un travail acharné » confirmé par des statistiques objectives. « Si les stats montrent le contraire [de ce que vous dîtes], alors votre culture ne changera jamais ».

La data et l’instinct individuel

Dan Biggar souligne que les données permettent aussi de faire progresser les joueurs individuellement. « J’agissais beaucoup à l’instinct, et ça m’a très souvent servi. Mais quand on regarde les chiffres et les analyses vidéo, on se rend compte que l’instinct ne fait pas toujours le bon choix dans telle ou telle situation. »

Les explications voire les disputes sur des faits de jeu sont monnaie courante au sein d’une équipe. Revenir sur ces points « chaud », avec le recul des données, est là aussi très utile.

« Nous pouvons alors réenvisager les actions et nous dire : “Qu’est-ce que vous pensez que les statistiques disent ici ?” Si nous avions joué de cette manière, aurions-nous été meilleurs ? ».

« Si vous avez quelque chose d’objectif pour rendre votre point de vue plus pertinent et que vous le faites de la bonne manière, vous obtiendrez beaucoup plus de vos joueurs, de vos employés et de vos collaborateurs », constate-t-il.

La « computer vision » passe le relais au « smart ball »

Dan Biggar s’exprimait lors d’une démonstration d’une « smart ball » développée par Sportable, spécialiste des technologies de tracking (ballons et joueurs) dans divers sports, comme le rugby, le football australien, le football américain et le football.

Le ballon est équipé de capteurs qui fonctionnent avec des balises installées autour du terrain pour suivre en temps réel les passes, les coups de pied ou les mètres gagnés. Il est utilisé depuis 2022 dans des matchs professionnels.

Le hardware est complété par de l’intelligence artificielle (IA) et du machine learning (ML), qui transforment les données collectées en informations (insights) sur la façon dont les joueurs et le ballon se déplacent au cours d’un match et à l’entraînement.

« Si vous avez quelque chose d’objectif pour appuyer votre point de vue, vous obtiendrez beaucoup plus de vos joueurs, de vos employés et de vos collaborateurs. »
Dan BiggarDemi d’ouverture du XV gallois

Sage, qui sponsorise le Tournoi des Six Nations depuis octobre 2022, s’est associé à Sportable pour démocratiser l’analytique avec cette technologie. L’objectif ? Améliorer la performance, appuyer les décisions tactiques, optimiser les recrutements… et même enrichir l’expérience des spectateurs.

Pour Raphael Brandon, directeur scientifique chez Sportable, le « ballon intelligent » ouvre des perspectives inédites. « Elle fournit des données impossibles à collecter manuellement. Par exemple, les entraîneurs d’Arsenal peuvent quantifier objectivement certains aspects du jeu : vitesse de transmission de la balle par le milieu de terrain, efficacité de la passe, ou comparer le rythme entre l’équipe première et les U18. »

Grâce à la puce, il est possible de mettre des chiffres en face de toutes ces questions.

 « Jusqu’ici, on dépendait de l’œil humain ou d’une vision par ordinateur (ou la computer vision) semi-automatique et limitée avec une caméra qui ne voyait pas toujours la balle » vante Raphael Brandon.

« Là, tout est entièrement et automatiquement mesuré. Et c’est applicable à tous les niveaux de compétitions – des Six Nations ou de la Premiership à la Division 2 néerlandaise, en passant par les compétitions de jeunes ou le sport féminin qui n’avaient pas accès à l’analytique avancée », assure-t-il.

Le rugby a adopté la culture data

Concernant le rugby, pour le leader gallois, les joueurs de toutes les nationalités ont tous acquis à présent une « culture data ».

« Le jeu a évolué de manière spectaculaire au cours des 25 dernières années. Je pense qu’aujourd’hui, les joueurs ont davantage envie de revoir les séquences sur leur ordinateur, ou d’avoir les stats et des insights », souligne-t-il.

C’est encore plus vrai pour son poste. Une position de « meneur de jeu » qui exige d’avoir également des statistiques sur les autres joueurs.

« La plupart des joueurs ont des statistiques sur eux-mêmes. Moi j’ai aussi besoin d’info sur ce que fait le numéro 12 australien, ou le 6 argentin. J’ai besoin de savoir combien de fois l’Irlande perd en jouant face au vent », illustre-t-il. « Quand vous occupez un poste de direction, vous avez probablement besoin de plus de données et d’insights ».

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