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La stratégie gagnante d’une migration du poste de travail sous Linux
Dans les municipalités, les migrations des postes de travail sous Linux ont parfois connu des échecs retentissants. Les principales raisons ? La méthode et des résistances aux changements sous-estimées. Le témoignage de Nicolas Vivant de la mairie d’Échirolles.
La ville allemande de Munich a longtemps fait office de vitrine du passage réussi de Windows à Linux. La migration est pourtant loin d’avoir connu une trajectoire rectiligne. Elle est même au contraire émaillée de revirements et d’échecs.
D’autres municipalités – notamment en France comme Grenoble – connaissent, elles aussi, des parcours heurtés, voire sont tout bonnement dans l’impasse. Ces projets constitueraient-ils inévitablement un véritable parcours du combattant ? Ce n’est pas l’avis de Nicolas Vivant, directeur de la stratégie et de la culture numériques à la mairie d’Échirolles et ex-DSI de la commune de Fontaine.
La volonté politique, point de départ incontournable
Dans la dernière, cet expert de l’IT a mené à terme, et avec succès, un plan d’adoption du poste de travail sous Linux. Et il s’apprête en 2021 à en initier un nouveau à Échirolles. Ces deux projets ont un même point de départ : une volonté politique en faveur du logiciel libre. Mais si cette ambition est indispensable, elle ne suffit pas cependant. Elle nécessite également l’adhésion, ou a minima la bonne volonté, du service informatique.
« La volonté politique est première. Un directeur général des services ne s’opposera pas à la volonté des élus. Néanmoins, un soutien de la direction est synonyme de moyens à mobiliser sur le projet », souligne Nicolas Vivant. Mais le « gros de l’effort sur le logiciel libre » réside ailleurs, à connaître le « changement culturel à opérer ».
Bien qu’omniprésents dans différents domaines de l’IT, ces logiciels traînent parfois encore une mauvaise image. Une migration réussie devra donc s’atteler à contredire cette impression des utilisateurs. Comment ? Grâce aux usages, à l’ergonomie, au volontariat et à un calendrier de déploiement adapté.
À Fontaine, l’adoption du poste de travail Linux a débuté dans un contexte favorable : la sortie du très décrié Windows 8. Pour autant, la DSI, en accord avec les élus, a choisi de prendre du temps afin de pouvoir « prêcher par l’exemple ». La distribution est certes importante, mais la technique n’est pas le volet principal. Son ergonomie et son design sont en revanche prioritaires pour éviter tout rejet par les utilisateurs finaux.
Garantir une expérience utilisateur de même qualité
Mais ces caractéristiques permettent en outre d’éviter les dépenses pour des actions de formation. Fontaine n’a donc eu à consacrer aucun budget pour accompagner l’adoption par les utilisateurs et les équipes de la DSI. La ville a ainsi opté pour elementary OS, qui répondait à ces attentes. Outre l’ergonomie, il importe aussi d’opter pour une technologie s’intégrant au SI existant.
« Il ne faut pas qu’en se connectant sous Linux, accéder à des disques partagés devienne un enfer. Ce doit être au moins aussi simple », cite par exemple le directeur de la stratégie numérique. « Les utilisateurs sous Linux ne doivent être aucunement pénalisés. Et leur proposer un système plus beau, plus rapide, et aussi simple, facilite automatiquement l’adhésion », poursuit-il.
Cette intégration avec l’existant s’appréhende de manière étendue, pour garantir la compatibilité avec les systèmes d’impression notamment. Cela suppose une analyse des besoins métiers et de leurs outils du quotidien. Elle suppose aussi, dans le cadre des recrutements à la DSI, d’être attentif aux compétences des nouvelles recrues.
Outre ces étapes indispensables, Nicolas Vivant insiste particulièrement sur la méthode, le calendrier et la communication. « Nous avions négocié de pouvoir prendre notre temps. Pas d’objectifs chiffrés ni datés. Pourquoi ? Afin, en cas de forte résistance, de ralentir » et refaire de la pédagogie. Concrètement, le projet a donc démarré par une phase de Beta test de plusieurs mois impliquant des décideurs, des utilisateurs exigeants et représentatifs.
Une adoption progressive et basée au départ sur le volontariat
Cette première étape a permis de lever des freins récurrents et des préjugés, mais aussi de résoudre les éventuels incidents techniques. A suivi une seconde phase d’adoption basée sur un plan de volontariat. Seuls les utilisateurs le souhaitant ont été équipés de postes Linux. Résultat : aucune résistance et de futurs exemples qui contribueront à convaincre d’autres employés. Après un an, 5 à 10 % des postes étaient sous Linux.
D’autres étapes ont pu être enclenchées ensuite. Lors des renouvellements de PC, les utilisateurs pouvaient choisir entre Windows et Linux. Une incitation toujours, mais pas d’obligation. Le déploiement s’est poursuivi avec 20 % du parc sous logiciel libre après trois ans. La municipalité estimait alors possible d’accélérer. Lors des changements de PC, Linux devenait la solution par défaut. La conservation de Windows devait être justifiée, par exemple par un motif d’incompatibilité applicative insoluble, selon Nicolas Vivant.
Nicolas VivantDirecteur stratégie et culture numériques, mairie d’Échirolles, et ex-DSI de la commune de Fontaine.
À son départ de la DSI de Fontaine en janvier 2021, la commune comptait 60 % de postes sous Linux. « L’objectif, ce n’est pas 100 % de Linux, mais autant de Linux que possible et que les utilisateurs n’en souffrent pas », précise Nicolas Vivant, qui s’apprête à reproduire la même approche à Échirolles. En septembre, la ville attaquera le travail sur l’ergonomie et l’intégration au SI. Le Beta test devrait intervenir en novembre ou décembre. Les volontaires sont d’ores et déjà identifiés. Le plan de volontariat débuterait ainsi au 2e trimestre 2022. D’ici là, la municipalité aura déployé son nouvel intranet, ce qui lui permettra de communiquer plus efficacement sur ce projet.
Linux n’est pas une fin en soi néanmoins. L’adoption des logiciels libres, qui englobe aussi la suite bureautique Libre Office, répond à des enjeux de souveraineté numérique et de coûts. L’expert de la Mairie d’Échirolles évalue les économies de licences à 100 000 euros par an. Les avantages sont aussi côté utilisateurs avec des bénéfices en termes de sécurité et de simplicité d’usage. En matière d’administration, les atouts de Linux sont aussi au rendez-vous, notamment sur les mises à jour et la stabilité des postes.