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Télétravail : « Oui, mais il faut aussi préserver les contacts humains » (Franck Cohen, Workday)

Pour Franck Cohen, un des visages les plus connus de SAP, désormais conseiller de Workday, l’avènement du Digital Workplace restera comme un tournant et une évolution positive dans l’organisation des entreprises. Mais aller trop loin sur cette voie ne serait pas non plus une bonne idée.

Cet article est extrait d'un de nos magazines. Téléchargez gratuitement ce numéro de : Applications & Données: Applications et Données n°9 : « Ce qui fera la différence pour le cloud, c’est l’IA »

Franck Cohen, une des figures emblématiques de SAP en Europe depuis 10 ans, avait pris sa retraite. Mais à l’appel de son ami Chano Fernandez – co-PDG de Workday – Franck Cohen n’a pas pu résister. L’occasion pour nous – et pour tous les DSI – de profiter de l’analyse de ce « passionné d’ERP et d’IT », à la fois pointue et synthétique.

Dans la première partie de cet échange, Franck Cohen revenait sur les raisons internes qui font que les historiques, comme SAP, ont du mal se cloudifer. Dans la deuxième, il déchiffrait la stratégie qui a mené SAP à faire HANA, et l’évolution du marché de l’ERP vers le cloud. Dans la troisième partie, il avançait que l’Intelligence Artificielle infusée est l’atout décisif du cloud (et du SaaS) qui devrait le faire triompher face aux ERP « on prem ». Puis il expliquait qu’une nouvelle génération de Machine Learning plus réactive et moins gourmande en données permet de continuer à prédire des insights, même en période de fortes turbulences.

Des pratiques de collaboration dématérialisée vont perdurer

LeMagIT : Nous avons commencé sur vous d’un point de vue personnel, j’aimerais terminer de la même manière. Vous disiez que vous faisiez des millions de kilomètres par an en avion. Une des grandes prévisions actuelles est de dire que le télétravail va devenir la norme. Dans un métier comme le vôtre, le contact humain, se serrer la main, déjeuner, dîner, se voir, sont des choses extrêmement importantes. Comment voyez-vous l’avenir du travail et ce que l’on appelle le « digital workplace » ?

Franck Cohen : Je pense que l’on a beaucoup appris sur le télétravail [cette année].

« Beaucoup de gens se sont rendus compte que la technologie peut être beaucoup plus interactive que ce qu’ils pensaient. »
Franck CohenWorkday

À juste raison, on a commencé à utiliser les technologies. On s’est aperçu qu’on pouvait interagir avec des clients, faire des enquêtes instantanées, avoir un dialogue. Beaucoup de gens se sont rendu compte que la technologie peut être beaucoup plus interactive que ce qu’ils pensaient au départ.

Cela a fait émerger un certain nombre de pratiques qui vont perdurer au-delà de la crise. Inévitablement. Pour le meilleur. Je me rappelle avoir fait un voyage de plusieurs milliers de kilomètres pour une rencontre de seulement deux heures. Je m’aperçois aujourd’hui qu’on pouvait faire autrement.

Le télétravail, oui, mais…

LeMagIT : On vous sent tout de même partagé sur cette question.

Franck Cohen : Je suis peut-être un peu trop « Old School », mais il y a certains sujets que j’ai du mal à imaginer faire en vidéoconférence. Je vous donne un exemple. Je travaille aussi pour une grande banque d’investissements comme consultant extérieur. De temps en temps, quand ils ont des dossiers dans la High Tech, je participe en tant que « Industrial Advisor » : ils me demandent mon avis, au cas par cas, sur le rachat de telle ou telle entreprise.

Moi, quand on me demande s’il faut racheter ou pas, je m’intéresse d’abord à l’équipe de management. Jusqu’à présent, on faisait des réunions physiques avec les dirigeants. On passait une journée avec eux et on finissait par un dîner. Puis on se revoyait le lendemain au petit déjeuner. Tout cela pour bien cerner les individus. Parce qu’il faut « sentir » s’ils sont capables d’amener une barque de 300 millions de dollars vers un milliard de dollars.

« Le langage corporel, la façon dont les gens interagissent, a beaucoup plus de dimensions qu’on ne l’imagine. »
Franck CohenWorkday

Pendant la crise, j’ai fait cela par visio. Et bien j’étais presque incapable de donner un avis concret. Je m’aperçois que le langage corporel, la façon dont les gens interagissent, a beaucoup plus de dimensions qu’on ne l’imagine.

Donc je pense qu’il y a beaucoup de choses qu’on peut faire par vidéoconférence, et ça restera, et c’est une bonne chose. Mais je pense aussi qu’un contact physique, notamment pour créer un niveau de confiance entre les êtres humains, va continuer à rester un plus par rapport à la vidéoconférence.

En puis je vous avoue qu’une visio d’une heure me va très bien ; mais quand j’ai fait des « board meeting » de 6h… au bout de 3h je n’étais plus là (rire). Je ne sais pas rester concentré six heures devant un écran. Alors que je peux faire des réunions physiques de huit heures et me sentir tout à fait à l’aise ! Mais ce n’est pas la même chose, les mêmes interactions, ni la même dynamique.

Donc oui la visioconférence c’est une bonne chose, mais il ne faut pas non plus penser que, maintenant, tout va se faire en télétravail. Ce n’est pas une bonne idée… Enfin c’est mon avis. Je pense que les contacts, les relations humaines et le travail en équipe sont des choses essentielles qu’il faut préserver.

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