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L’Open Data dans l’agriculture : une piste pour la transformation du secteur

Dans ce troisième article, Nicolas Terpollili, Chief Data Officer chez OpenDataSoft, évoque le rôle des données ouvertes dans le secteur de l’agriculture. Un secteur soumis à une forte pression des régulateurs et fragilisé par une paupérisation de ses acteurs. L’Open Data a-t-il la capacité de d’ouvrir cet écosystème et de le transformer ?

L’agriculture est peut-être le secteur de l’économie qui à la fois connait le plus de difficultés - et des difficultés systémiques - et génère malgré tout un véritable engouement. Entre les urbains qui cherchent à racheter des exploitations, la Ruche qui dit Oui ! qui lève de l’argent auprès de grands Venture Capitalists américains ou une startup comme Agricool qui annonce fièrement des rendements multipliés par 100, sans transport ni OGM, la production agricole semble tendance. 

Pourtant, la crise est installée depuis longtemps. Elle est même globale. Les rendements, après avoir considérablement augmenté entre les années 50 et 80, ont du mal à suivre la courbe d’évolution de la population mondiale. De surcroit, le modèle qui s’est imposé depuis des années bloque une grande partie des producteurs. En cause, l’éloignement des cycles de production de la commercialisation des produits finalisés. La filière s’est disloquée, favorisant la paupérisation du maillon premier de cette chaîne de valeur : les agriculteurs. A cela s’est ajouté le poids écrasant de la bureaucratie. En Europe, la pression normative et la transition vers un modèle organisé autour de la subvention a contribué à alimenter ce débat.

Mais, les agriculteurs n’ont jusqu’alors pas bénéficié des vagues d’innovation qui ont rythmé l’innovation. Sauf depuis peu. A l’image de ces fermiers du Dakota du Nord qui apprennent à hacker leurs tracteurs John Deere, le monde agricole est désormais prêt à semparer des innovations et est prêt pour un changement de paradigme.

Et ce changement passera entre autre par une nouvelle gestion des données.

Aux Etats-Unis, Farmer Business Network a l’air très en avance. La startup fondée en 2014 en Californie développe un réseau professionnel. A travers celui-ci, elle encourage les agriculteurs à partager leurs données, du rendement des sols aux pratiques de plantations. En échange, l’agriculteur a un accès à des outils d’analyses, de comparaisons et du conseil. L’application connait un vrai succès et, sans aller jusqu’à faire de l’Open Data, fait un premier pas conséquent vers une meilleure circulation des données. Dans ce schéma, l’ouverture des données est la prochaine étape qui permettra de rendre à l’agriculteur une forme d’indépendance.

En France, l’initiative la plus aboutie est le projet API-AGRO d’Acta. Cette association réunit la majorité des Instituts Techniques Agricoles (ITA) et quelques partenaires de la Recherche & Développement (INRA, Agro-Transfert Ressources et Territoires) au niveau national pour proposer une plateforme de données ouvertes. Le catalogue propose  des données sur les rendements des productions végétales, sur des essais stimulateurs de défenses naturelles et sur les doses de référence. Toujours dans l’optique de faciliter la vie des ré-utilisateurs des données, API-AGRO met aussi à disposition des données ouvertes par d’autres producteurs comme les prévisions météo issues du modèle AROME (un modèle de simulation à l’échelle réduite) de Météo France, ou le Corine LandCover (inventaire de l’occupation des sols) du Ministère de  l’Ecologie. D’autres initiatives viennent bousculer le paysage. Citons par exemple les Digifermes lancées par Arvalis, qui servent de laboratoires pratiques d’objets et matériels connectés, et permettent, sur le terrain et avec les agriculteurs, de séparer le bon grain de l'ivraie des nouvelles technologies.

Si la Farmer Business Network fait des émules en Italie, à l’image de la récente initiative d’AgriOpenData,  en France, elle n’apparait pas dans le paysage. Certains acteurs se répartissent chacune des fonctionnalités du réseau. Dans ce cadre, l’ouverture des données joue un rôle clé : celui du maillage de ce réseau. Elles créent le liant nécessaire entre chaque point de contact.  Serait-ce finalement une façon de laisser les agriculteurs autonomes et indépendants ?

Evidemment dans ce secteur, la modernisation est un long parcours semé d’embuches. L’Open Data ne pourra pas, à elle seule, faire oublier la bureaucratie, le lobbyisme des semenciers, ni re-configurer le  modèle de distribution. Toutefois, elle a la capacité d’accompagner le secteur  vers sa transformation et vers l’Innovation., voire de renforcer l’autonomie des agriculteurs.

Cet article est le troisième d’une série rédigée par Nicolas Terpollili CDO chez OpenDataSoft, portant sur l’Open Data dans l’industrie en France. Voici les deux précédents :

Passionné d'Open Data depuis 5 ans maintenant, Nicolas Terpollili a rejoint OpenDataSoft en tant que Chief Data Officer. OpenDataSoft propose un outil qui permet à de plus en plus de clients de valoriser leurs données simplement et efficacement. Son rôle est de faire en sorte qu'il y ait de plus en plus de données disponibles sur la plateforme, qu'elles circulent de plus en plus facilement et, surtout, qu'elles soient de plus en plus réutilisées.Nicolas est diplômé de l'Ecole Centrale de Lille. Après avoir travaillé sur l'Open Data à Manchester, il fait l'aller retour entre activités d'entrepreneur et de freelance avant de rejoindre OpenDataSoft à l'été 2015

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