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La valorisation de données à l’heure du data sharing et de la monétisation

Dans le cadre de leur transformation numérique, les entreprises cherchent à améliorer la collaboration en interne et à l’externe. Elles adoptent les concepts d'Open Data, de Data Sharing et de monétisation et, sous l'impulsion des éditeurs, les combinent.

Les entreprises adoptent des plateformes ou des technologies de portail pour faciliter l’exposition des informations pertinentes vers leurs partenaires et au sein d’un département, d’une division, d’une entité à une autre, etc. La valorisation de ces dernières peut prendre plusieurs formes. Certains préconisent le partage d’informations ouvertes, sous le principe de l’open data.

L’Union européenne pousse d’ailleurs les pays membres à faire de même. Elle estime également que les entreprises peuvent suivre ce modèle et considère que ce phénomène est bénéfique pour l’économie.

Certaines entreprises à vocation d’utilité publique ont de leur côté l’obligation de partager avec les citoyens et les autorités des informations sur leurs installations et leur production. C’est le cas des énergéticiens comme Enedis ou Nova Veolia, deux clients d’Opendatasoft. Lors de son événement annuel, l’éditeur d’une plateforme de data Sharing a invité ses clients à témoigner sur les usages faits de cette solution. Chantal Genermont, Chief Digital Officer d’Enedis a expliqué comment elle a mis en place cette technologie. L’opérateur du réseau d’électricité en France gère plus d’un million et demi de kilomètre de câble pour 35 millions de clients et emploie 39 000 collaborateurs.

Open Data et Data Sharing : une frontière poreuse

De ses obligations de publication de la donnée, il a souhaité mettre en place une politique favorable au Data Sharing avec ses partenaires dès 2015. « Chez Enedis nous nous sommes rapidement dit certes nous avons des obligations de publication de données en tant que service public, mais nous allons essayer de nous mettre en amont et ainsi publier des informations alors qu’elles ne sont pas encore exigées par la réglementation ».

Via son portail conçu par Opendatasoft (ODS), le service public propose 59 jeux de données répartis dans cinq grands thèmes : consommation, exploitation, marché de l’électricité, mobilité électrique et infrastructures. « Nous avons pris le parti de partager le plus de données possible en s’assurant que la gouvernance, la qualité, la mise à jour soient respectées et puis d'offrir grâce à ODS une visualisation simple tant pour le grand public que pour les développeurs », assure la Chief Digital Officer. Enedis a par exemple publié la cartographie aérienne du réseau qu’elle opère.

Avec ses 5 000 visites et 4 000 téléchargements par mois, Enedis fait la part belle aux startups et aux concédants, c’est-à-dire les collectivités et les villes.

L’opérateur a également étendu cette démarche avec ses partenaires, dont les distributeurs et autres spécialistes de l’énergie via l’agence ORE. Ils peuvent ainsi consulter des visualisations sur la consommation d’une région, d’un département d’une ville, la présence de parc éolien, du déploiement de panneaux photovoltaïques, entre autres.

Nova Veolia est une filiale du groupe Veolia qui a pour but d’aider les collectivités à développer des services innovants liés au concept de ville intelligente. Créée en 2015, Nova Veolia est née du besoin de revoir la manière de travailler et les modèles économiques à l’aune de la transformation numérique du groupe. Il se sert alors de la structure comme un moyen d’accompagner les startups et d’en créer. Il a notamment racheté Birdz, une société spécialisée dans « l’IoT environnemental » et plus particulièrement dans la télérelève des consommations d’eau. Le contrat avec OpenDaSoft porte sur cette activité. « Il s’agit de coupler des données temps réel en provenance des réseaux d’eau avec des informations externes comme des données météo, par exemple », déclare Claire Falzone-Allard, directrice générale de Nova Veolia.

Birdz qualifie les données selon leur importance et Opendatasoft permet de les rendre disponibles et de les visualiser. Cette analyse s’appuie sur les flux en provenance de 5 millions d’objets connectés capables de mesurer les métriques liées à l’eau. Le partage de données est perçu comme un moyen de créer de nouveaux modèles économiques en mettant sur pied des services. Ces données n’ont donc pas forcément un caractère public.

L’open data ne semble pas la priorité des entreprises. Elles chercheraient plutôt à favoriser l’échange de données dans le but de créer une nouvelle forme de valeur.

Opendatasoft se présente en moteur de la transformation par le Data Sharing

« La notion de transparence, ou d’accountability, pousse les collectivités et les villes à partager les informations auprès des citoyens et de leurs partenaires », affirme Nicolas Terpolilli, responsable de l’ingénierie chez Opendatasoft.

Selon lui, ce besoin se ressent également dans le secteur privé. Ces entités cherchent à moderniser leurs activités, notamment dans le domaine du transport. « Il y a également un besoin de valoriser des données internes en entreprise afin de déterminer quels sont les référentiels pour que les équipes techniques les réutilisent sans refaire le travail de nettoyage ».

« Depuis nos débuts, la problématique du partage des données en public et en privé anime les discussions avec nos clients. La répartition entre les deux cas d’usage est d’environ 50/50 en termes de volume de données traitées, de revenus engrangés par Opendatasoft, et même en terme d’usage », assure Nicolas Terpolilli. « Par ailleurs, la plupart des entreprises veulent répondre aux deux problématiques ».

La startup française Opendatasoft s’est fait connaître en développant une solution SaaS de partage de données. Celle-ci « transforme » toutes les données en API et une surcouche de sécurité permet de gérer les accès aux informations. Opendatasoft a développé « toute une série de connecteurs » pour récupérer les données dans la plupart des systèmes d’information « en quelques clics de configuration ».

Une fois les données collectées, un ETL inclus dans le logiciel permet en principe de les nettoyer, de les enrichir avec les référentiels disponibles, puis de les indexer dans Elasticsearch. Il s’agit de « la brique technologique principale » d’Opendatasoft. « Dans l’interrogation des données et la capacité à y accéder, que ce soit la recherche plein texte ou par filtres, c’est ce qui se rapproche le plus de l’expérience vécue par un non-initié au langage SQL dans sa vie d’internaute », avance le responsable.

La surcouche de sécurité doit gérer l’accès aux informations « à l’échelle de la cellule Excel ». Enfin, Opendatasoft donne accès à une librairie de composants de visualisation de données qui permettent de créer des widgets cartographiques, par exemple. Il est également possible d’exporter les datas dans des outils analytiques comme Tableau, Power Bi ou Microstrategy.

« Il n’y a pas de magie dans la donnée, il y a des problématiques entières de qualité de renseignement des informations sur lesquelles nous essayons d’accompagner nos utilisateurs en les formant, en leur proposant des outils simples, mais il reste du travail humain à faire », affirme le responsable.

« Il n’y a pas de magie dans la donnée, il y a des problématiques entières de qualité de renseignement des informations sur lesquelles nous essayons d’accompagner nos utilisateurs en les formant, en leur proposant des outils simples, mais il reste du travail humain à faire ».
Nicolas TerpolliliResponsable ingéniérie, OpenDataSoft

Selon lui, le data sharing et l’open data dépendent d’un changement de mentalité en entreprise. « Nous proposons une solution qui facilite le fait de casser les silos, de mettre en commun les données, mais les vrais sujets concernent la gouvernance en amont, la politique et la culture d’entreprise. Dans une culture d’entreprise où personne ne veut partager et où personne ne se fait confiance, il y aura potentiellement quelques jeux de données accessibles à tout le monde, mais il n’y aura pas de réel partage ».

« Il n’y a pas de valeur dans les données, il y a de la valeur dans ce qu'elles contribuent à créer au moment de leur partage », ajoute-t-il.

Cette valeur, Opendatasoft l’entend par l’apparition de nouveaux cas d’usage ou par l’amélioration de services existants, mais elle ne propose pas de monétiser directement les données. L’éditeur estime que ses clients peuvent le faire en se connectant à l’API transactionnelle Stripe, par exemple.

« Il n’y a pas de valeur dans les données, il y a de la valeur dans ce qu'elles contribuent à créer au moment de leur partage ».
Nicolas TerpolilliResponsable ingénierie, OpenDataSoft

La vente de données n’est plus réservée aux Data Brokers

« Certains de nos clients opèrent une place de marché intégrant de la monétisation basée sur la technologie Opendatasoft, en administrant la gestion des droits et en mettant en œuvre de leur côté le système transactionnel ». Le responsable évoque Schneider Electric et sa plateforme Data Exchange. En Australie des solutions similaires seraient en train de voir le jour. Elles combineraient ODS et Magento, le CMS open source dédié au e-commerce.

Nicolas Terpolilli considère malgré tout que la demande est plutôt rare, car il estime « qu’il est extrêmement dur de monétiser de la donnée ». « Les vraies places de marché correspondent vraiment à de gros verticaux, comme la finance et c’est difficile de s’adresser à tous les métiers avec un seul modèle économique ».

De son côté, Dawex, une société créée en 2015 a pris le parti de considérer la donnée comme un actif. Laurent Lafaye, cofondateur et co-PDG de Dawex, explique que la startup s’est concentrée sur le développement d’une technologie de place de marché consacrée afin de réunir les conditions d’échange de la donnée. Celle-ci a donné naissance à deux offres.

La première lancée en 2017 se nomme Global Data Marketplace. Elle doit permettre aux entreprises d’offrir leurs datas et d’en acheter auprès d’autres acteurs. Près de 9 000 sociétés achètent et vendent des informations en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. « Nous comptons plus de 20 secteurs représentés », déclare Laurent Lafaye. « Les entreprises cherchent à tester la pertinence de leurs données auprès de potentiels acquéreurs, qu’ils fassent partie de leur filière ou non. Ce sont des données qui ne sont pas disponibles ni en open data, ni chez les courtiers ». Dawex prend une commission de 5,5 % sur chaque échange réalisé.

La deuxième offre, la Data Exchange Platform, consiste à proposer la technologie de place de marché en marque blanche. Elle peut être un moyen d’effectuer du data sharing en interne ou de proposer des catalogues de data sets auprès de leurs fournisseurs, des partenaires commerciaux ou tout autres acteurs. Elle est dépendante d’un abonnement annuel.

Ces offres concerneraient des industriels, des entreprises et des acteurs publics souhaitant changer de modèles économiques dans un contexte de transformation numérique et de renforcement des réglementations sur la protection des données. « Certaines y associent des modèles économiques directs et indirects », affirme Laurent Lafaye. Par exemple, Dawex a pour client API-Agro, une société qui émane de la collaboration d’une trentaine d’actionnaires dont les chambres d’agriculture, les coopératives agricoles, et les centres de recherche comme l’INRIA. API-Agro utilise Data Exchange Platform pour échanger des données publiques et monétiser des informations plus sensibles concernant la filière agricole.

L’éditeur propose des data sets ouverts afin de « contextualiser » les informations et les combiner avec des sources privées. « Nous fournissons des capacités de licences open data pour que nos clients qui échangent leurs données en interne ou à l’externe puissent les exploiter. « Il y a différents modèles économiques sur l’échange de données. C’est en ça que nous nous singularisons sur le marché. Nous proposons à un seul endroit des ensembles de données soumis à différentes licences », nous a répété le dirigeant.

« Il y a différents modèles économiques sur l’échange de données. C’est en ça que nous nous singularisons sur le marché. Nous proposons à un seul endroit des ensembles de données soumis à différentes licences ».
Laurent LafayeCofondateur, Dawex

La technologie PaaS de Dawex doit faciliter la gestion d’une transaction « par API ou par fichier », suivant une périodicité décidée par le fournisseur et l’acquéreur, permet d’administrer le modèle économique associé ainsi que le volet contractuel. L’éditeur entend faciliter la rédaction des contrats à distance qui régissent le partage de données : durée d’utilisation, territoires concernés, activité concernée, sous-licenciement, etc. Dans un dernier temps, Dawex a établi un système afin de « s’assurer du respect des réglementations concernant l’utilisation des données », dixit le co-CEO. Les deux parties engagées dans un contrat doivent alors remplir un certain nombre d’obligations. « Notre outil facilite la gouvernance des transactions et de la circulation des données », précise Laurent Lafaye.

Le contrat de licence (ou Smart Contract) est alors diffusé dans la blockchain Ethereum. Dawex propose également de le faire au sein de chaînes de blocs privées depuis l’automne 2019. « Nous proposons ainsi une traçabilité complète entre les fournisseurs et les acquéreurs », assure le dirigeant.

Avec la Data Exchange Platform, Dawex s’adresse aux entreprises souhaitant favoriser les cas d’usage interne. « Cela permet de désiloter la donnée, de traiter l’offre et la demande en interne et de faciliter la transparence », selon Laurent Lafaye. Cette plateforme peut être proposée comme un portail sur lequel sont postés les data sets, où les clients peuvent demander à se connecter directement à leur ERP, leur CRM et leurs applications.

Dans le cadre d’un data lake tous les départements d’une entreprise mettent en commun leurs données. Il porte une dimension collectiviste, « mais souvent une division contribue davantage qu’une autre qui sera consommatrice », contrebalance le cofondateur de Dawex. La Data Exchange Platform doit régir les échanges entre collaborateurs, la traçabilité des informations afin de déterminer qui dans l’entreprise collecte, qui prépare et nettoie la donnée, qui l’analyse, qui effectue des corrélations, et qui la consomme.

« Nous savons très bien qu’une division qui travaille sur le nettoyage et la documentation des informations numérisées qu’elle détient, c’est compliqué pour elle de la confier « gratuitement » à une entité de l’entreprise qui n’a fait aucun effort, mais qui va en tirer une plus-value. Notre technologie prend le contre-pied de cela en laissant toutes les entités proposer leurs data sets, peu importe les efforts effectués pour les retravailler, parce que le simple fait d’avoir accès à une source souvent unique a beaucoup de valeur », explique Laurent Lafaye.

Dawex trouve ses origines dans la valorisation économique de la donnée. Auparavant, les entrepreneurs derrière l’éditeur ont conçu un service « leader dans la fourniture d’informations sur le marché de l'automobile ». « Nous nous sommes rendu compte que si vous ne créez pas les conditions pour que l’offre rencontre la demande, il n’y avait pas de véritables partages », déclare le co-CEO de Dawex. Nous avons adopté le modèle d’une place de marché pour que nos clients aient la maîtrise sur ce qu'ils veulent ouvrir ou non, suivant leur condition ».

Le cloud souverain, une nouvelle condition de la sérénité des entreprises

Avec leur modèle as-a-service, les deux éditeurs sont confrontés à la méfiance de leurs clients européens. En effet, ils proposent tous deux leurs solutions dans le cloud.

« Nous travaillons avec plusieurs fournisseurs de cloud. La contrainte que nous rencontrons souvent, c'est que les clients veulent que leurs données soient hébergées dans leur pays dans des clouds souverains », affirme Nicolas Terpolilli.

« Nous travaillons avec plusieurs fournisseurs de cloud. La contrainte que nous rencontrons souvent, ce que les clients veulent que leurs données soient hébergées dans leur pays dans des clouds souverains ».
Nicolas TerpolilliResponsable de l'ingénierie, OpenDataSoft

« Nous avons déployé la plateforme pour API-Agro avec Outscale (la filiale cloud de Dassault Systèmes) parce qu’il voulait être indépendant du CLOUD Act », témoigne Laurent Lafaye. « Il est possible de trouver des opérateurs de cloud qui ne sont pas américains et qui ne sont pas soumis à cette loi », ajoute-t-il.

Ces acteurs américains proposent également leurs propres solutions de places de marché. Lors de l’événement AWS re:invent, a présenté AWS Data Exchange, une marketplace elle aussi dédiée à la vente de data sets. Pour l’instant, elle réunit principalement des acteurs de la finance et de l’industrie médicale, mais elle a vocation à accueillir tous types de jeux. AWS mentionne réunir 80 acteurs et déjà près de 1 700 « data products ».

« C’est toujours intéressant de voir un leader du cloud venir sur notre sujet, c’est un élément de visibilité de notre thématique », constate le cofondateur de Dawex. « C’est la prise de conscience qu’il y a plein de choses à dire et à faire dans le domaine de l’échange de données ». Cependant, tout comme Nicolas Terpolilli, il considère qu’AWS cherche davantage à attirer les entreprises à consommer ses solutions de stockage et analytique dans le cloud.

« C’est toujours intéressant de voir un leader du cloud [AWS] venir sur notre sujet, c’est un élément de visibilité de notre thématique ».
Laurent LafayeCofondateur, Dawex

Toutefois, Il ne serait pas surprenant que le géant du cloud suive, comme d’autres, le « cycle du hype 2020 » de Gartner, la courbe de l’évolution de l’adoption des technologies. Selon le cabinet, les « écosystèmes numériques », des plateformes numériques permettant des « connexions entre les acteurs » de manière décentralisée, font partie des tendances fortes pour les entreprises. Evidemment, les solutions proposées par Opendatasoft, Dawex, AWS et même Snowflake qui propose une solution nommée Data Exchange, en font partie.

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