Mandriva : un plan de continuation qui passe par la Russie

Après presque 4 mois de marasme généralisé, sur fond de rumeurs de vente, liquidation judiciaire, nouveaux investisseurs, fermeture de filiale, Mandriva, à bout de souffle, dévoile enfin son plan de continuation qui doit remettre le groupe sur les rails. L’éditeur Linux se donne 18 mois pour revenir sur le marché Linux, en capitalisant sur le succès brésilien, le segment pro en France et…en passant un peu de temps en Russie.

“Il est désormais temps de communiquer”, lance Arnaud Laprévote, actuel Pdg de Mandriva, histoire de planter le décor. L’éditeur Linux français, après un été et une rentrée très mouvementés, rythmés à coup de fermeture de filiale - Edge-IT - de restructuration, de nouveaux investisseurs et d’une scission d’une partie de sa communauté - le fork Mageia -,dégaine sa stratégie de relance. Un plan de bataille à plusieurs volets baptisé par le groupe “StepStone 2012”, programmé sur 18 mois et qui doit, nous explique sa nouvelle équipe dirigeante, ramener l’entreprise à son métier premier : celui de l’édition Open Source. Outre la France, Mandriva compte s’ancrer au Brésil - “le marché de référence pour le desktop”-   et s’ouvrir à la Russie dès 2011. Un marché que le groupe peut désormais atteindre, grâce à l’arrivée au capital d’un nouvel investisseur russe, NGI - à hauteur de 2 millions d’euros - , qui deviendra à terme actionnaire majoritaire du groupe.

Ce nouvel axe du bien, France / Brésil / Russie, vient ainsi orchestrer l’organisation de Mandriva. De 5 filiales - Edge-IT compris - , le groupe est passé à 2 (France et Brésil), la Russie étant pour l’heure un partenariat fort avec un gros intégrateur local, PingWin Software - bientôt une propriété de NGI. PingWin, comme l’indiquent nos confrères de TechRockets -, doit notamment mettre au standard local l’offre de Mandriva et la commercialiser, intégrée.

Au Brésil, où règne un véritable marché pour le desktop, selon Arnaud Laprévote, la filiale locale de Mandriva poursuivra sa quête sur ce segment via le plus gros fournisseur OEM local Positivo - le partenaire historique de la société. Un axe produit orienté sur le grand public. La France se positionnera davantage sur le segment professionnel avec pour objectif de faire évoluer l’offre autour de Mandriva Enterprise Server et de Pulse (solution de gestion de parcs), notamment. Là où est le marché finalement, avec une volonté de reproduire l’exception brésilienne dans l’Hexagone, mais côté pro.

Dans ce schéma organisationnel, la France sera en quelque sorte le bureau d’étude, explique Jean-Noël de Galzain, un des deux nouveaux administrateurs de Mandriva et Pdg de Wallix, éditeur de solution de sécurité Open Source. La répartition en matière de chiffre d'affaires n'a pas été communiquée. Globalement, Mandriva reposera désormais sur un modèle de vente refondu, confirme-t-il, uniquement via des partenaires, revendeurs ou OEM.

“Transposer le Libre dans une réalité économique”

 Et c’est là l’un des enjeux les plus forts pour Mandriva. “Au Brésil, ils ont réussi à transposer le Libre dans une réalité économique”, explique-t-il.  Bref, développer une véritable stratégie produit, qui passera par la mise en place d’un comité produit et d’un comité dédié à la distribution Mandriva. Sa tâche ? Redessiner les contours de la distribution du groupe et évaluer “pourquoi Mandriva Linux a perdu de son attrait en matière d’innovation”, souligne le Pdg de Wallix. Histoire de “bâtir la distribution de demain”.

Au coeur des débats, bien sûr, la très longue liste des projets de R&D auxquels Mandriva participe (du projet Compatible One à Helios, sur le segment de l’ALM, en passant par RTEL4I, dans le Linux embarqué). L’idée est notamment de convertir des éléments de ce vaste réservoir technologique en monnaie un peu plus sonnante et trébuchante. “Un laboratoire qu’il convient de transformer en une réalité économique”, illustre Jean-Noël de Galzain. A l’image de Nepomuk, projet de bureau sémantique pour KDE, qui habite aujourd’hui la dernière version de Mandriva Linux. Et l’équipe dirigeante - l’organigramme final est prévu pour octobre -  est justement expérimentée dans cette conversion économique, renchérit Arnaud Laprévote.

La petite fâcherie Mageia

Bien entendu, la communauté jouera un rôle primordial dans ce vaste plan, confirme Arnaud Laprévote, qui appelle à une plus grande liberté et une plus grande ouverture en la matière. “Les spécifications de la distribution étaient créées par un petit nombre de personnes, de façon assez peu collaborative, explique-t-il, l’idée aujourd’hui est de mettre l’accent sur l’ouverture.” Un responsable communautaire sera alors créé avec pour mission de mettre en place un outil de gouvernance. Notons que la communauté Mandriva est officiellement composée de 100 contributeurs actifs et de plus de 5 millions d’utilisateurs dans le monde, affirme le groupe.

Et justement, ces relations avec la communauté Mandriva ont connues des frictions ces derniers jours, avec l’annonce du projet Mageia. Un dérivé (on parle de fork) de l’OS Linux initié par des ex-employés d’Edge-IT avec pour objectif de garantir la pérennité de la distribution, qui selon eux, n’était pas assurée dans le giron de Mandriva.

Un pavé dans la mare du nouveau Mandriva ? Réponse d’Arnaud Laprévote : “Il est normal dans l’Open Source de créer une telle dynamique et c’est très bien. Je suis sûr que cela va nous aider dans notre travail, car nous allons pouvoir cohabiter dans une dynamique communautaire []. Mais le problème principal n’a jamais été la technique, mais bien le modèle économique.” De son côté, Jean-Noël de Galzain préfère parler “d’une querelle de couple, après laquelle l’histoire va repartir et Mandriva va renouer avec sa communauté”. Et le groupe le sait : cela passera par la sortie d’une version 2011 de Mandriva Linux, une sortie symbolique, nécessaire en guise de gage à la communauté. Cette distribution est prévue pour le deuxième trimestre 2011.

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