Projet Nice du Crédit Agricole : « parler d’externalisation est choquant »

Petit à petit, le voile se lève progressivement sur l’organisation cible de l’informatique du Crédit Agricole et sur la structuration de son programme Nice. Programme qui vise à refondre et de moderniser le système d’information de la banque. Incidemment, c’est Adobe, en communicant sur la sélection de ses technologies sur le poste de travail, qui a commencé les révélations. Mais de nombreux points d’interrogation demeurent.

Selon nos informations, le projet Nice du Crédit Agricole est découpé en 40 lots. Trois d'entre eux ont déjà été attribués à Sopra, associé pour l'occasion à la SSII Groupe Open. Un point que Pascal Hamon, responsable PMO (Project Management Office, bureau de supervision des projets) du programme Nice, refuse de confirmer, mais n’infirme pas non plus. Et s’il ne veut pas plus détailler périmètre et attribution de chaque lot, une chose est désormais sûre, suite aux informations divulguées par Adobe : Logica est de la partie pour le volet poste client du projet Nice. « L’appel d’offre était structuré autour d’un couple intégrateur/éditeur. Le choix s'est porté sur Logica avec Adobe, et incidemment Software AG pour un certain nombre de technologies. » Et de préciser que « ce n’est pas Adobe qui était, dans le cas présent, majeur, mais Logica, en particulier, avec [sa méthode clé en main d’architecture SOA] Go-On. » Une façon de dire que la communication de l'éditeur sur le sujet s'est un peu emballée. Le choix qui doit « augmenter l’agilité de notre informatique ; l’un des objectifs majeurs du programme Nice. » Accessoirement, Pascal Hamon se dit surpris de l’évocation de SQLI par Adobe : « dans le paysage, c'est vraiment très peu important [...] dans le projet, l'apporteur de valeur, c’est bien Logica. »

Sous-traitance, oui ; externalisation, non

Et c’est ainsi que Pascal Hamon explique d’ailleurs la mise à l’écart des outils Microsoft qui, pourtant, partaient favoris quelques mois plus tôt. « Naturellement, Microsoft était favori en raison de l’expérience positive et Visual Studio est bien connu. A l’inverse, les technologies d’Adobe sont connues, mais ses outils de développement ne sont pas forcément maîtrisés par les équipes. » Surtout, « 35 personnes ont travaillé pendant 3/4 mois sur les différentes solutions, leur interfaçage. Et il est apparu progressivement que l’intégration apportée par les technologies d’Adobe, via la plateforme Eclipse, était très satisfaisant, même en termes de gain de productivité. » Et d’ajouter enfin que le prototype Pentagone (celui sous Silverlight donc) a « été transformé partiellement avec les technologies Flex d’Adobe pour validation. »

Projet Nice, la fin de la controverse ?
Pascal Hamon, responsable PMO du programme Nice du Crédit Agricole, réagissait à notre article relatif à la sélection des technologies Adobe pour la refonte du poste client dans le cadre du projet Nice. Pour lui, il n’est pas question de parler de controverse ; les contestations syndicales de l’automne dernier seraient désormais loin. Surtout, « la légitimité du projet n’a jamais été contestée par qui que ce soit », même si tout ne semblait pas parfaitement fluide « au moment de l’étude de faisabilité » [à l’époque, les syndicats dénonçaient un projet « sous-dimensionné au niveau des effectifs »]. « Depuis, nous nous sommes engagés dans des discussions normales de le cadre d’une fusion de GIEs [...] Pas une seule voix ne s’élève pour dire que le projet doit être remis en cause. » Et, aujourd’hui, « les négociations continuent dans le meilleur des climats », estime-t-il. Un syndicaliste, joint au téléphone en plein milieu des négociations de ce mercredi, parlait pourtant d'un climat tendu.
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Des questions organisationnelles ont-elles également dicté ce choix ? « Quand on parle organisation, c’est l’impact d’une méthode sur notre capacité à mieux organiser notre cycle de développement » qui importe, assure Pascal Hamon. Et donc pas une logique d’externalisation, même s’il y aura bien sous-traitance et probablement plus qu’initialement prévu : un programme aussi important que Nice « ne serait pas possible sans recours à la sous-traitance. A un moment donné, nous avons été optimistes. Nous avions imaginé de confier à des prestataires le maintien opérationnel de l’existant. C’est un peu différent aujourd’hui; en tout cas, il n’est pas question de confier l'intégralité de quoi que ce soit à un tiers extérieur. »

Sur les rails

S'il y a donc bien inflexion sur la méthode, c'est peut être parce que les discussions avec les instances représentatives du personnel - notamment sur des points comme l'accompagnement des salariés appelés à changer de lieu de travail ou sur les garanties de rémunération de ceux censés rejoindre d'autres filières - prennent du temps. "Elles ont pris beaucoup de retard", estime Arlette Carrié-Tisne, l’une des porte-parole de l’intersyndicale de la fédération nationale du Crédit Agricole, malgré des négociations qui ont lieu chaque semaine.

Il faut dire que le chantier est de taille. La direction de la banque prévoit en effet 1 000 départs au sein de ses 5 GIE informatiques : 300 mises à la retraite et 700 reclassements internes. "Pour ces reclassés en caisses, se posent la question de la mobilité géographique et celle de la rémunération. En effet, le salaire d'un informaticien est souvent supérieur à celui d'un directeur d'agence. Nous nous battons pour obtenir une garantie de rémunération", explique la syndicaliste. Le programme Nice prévoit également la fermeture de la plupart de la soixantaine de sites où on trouve aujourd'hui des équipes informatiques. Ne subsisteraient plus que 16 implantations. La détermination de la répartition des métiers et des sites informatiques maintenus doit être, selon nos informations, arrêtée au cours de ce mois de juillet.

Alors Nice déjà en retard ? Pas pour Pascal Hamon, pour qui « rien n’a changé dans les dates clés du programme. Nous sommes toujours calé sur la transmission universelle du patrimoine des 5 GIE [leur absorption/dissolution en tant que personne morale, NDLR] en décembre. » Evoquée dès décembre dernier, l’échéance de la mi-2011 pour le déploiement de la V1 est également maintenue : « la migration d’AtlantiCA et de Synergie (deux des 5 GIE actuels) vers la V1 s'effectuera à l’automne 2011 ; il n’y a rien de nouveau. » Surtout, « le planning est inscrit dans le protocole d’accord avec les caisses régionales ; cela nous engage », assure Pascal Hamon. Pour shématiser, le Crédit Agricole prévoit de migrer ces deux GIE vers l'applicatif développé par une autre de ses 5 organisations informatiques (AMT). Avant d'intégrer les modifications fonctionnelles majeures dans une seconde version, attendue pour la mi-2012, qui sera elle généralisée aux cinq GIE.

Au final, le banque ne doit plus, à terme, s’appuyer que sur deux GIE, Crédit Agricole Services - pour la maîtrise d’ouvrage, avec une MOA « centrale sur les 13 domaines identifiés » - et Crédit Agricole Technologies - pour la maîtrise d’œuvre; auquel sera donc transmis l'intégralité du patrimoine des 5 GIE actuels. Une répartition des tâches pour laquelle Pascal Hamon renvoie encore une fois au protocole d’accord avec les caisses régionales du CA, « qui décrit les processus pour associer de manière intime et efficace MOA et MOE dans la conduite de projets, le prototypage, etc. »

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Le Crédit Agricole avance Jalios pour contrer Facebook
En décembre dernier, les représentants de la Fédération Nationale du Crédit Agricole (FNCA) nous indiquaient vouloir intégrer un moteur de réseau social interne au futur poste de travail des agents du Crédit Agricole - pour « qu’ils arrêtent de communiquer via Facebook », nous précisait-on alors. 
Et c’est le Jalios CMS qui devra donc, en interne, rivaliser avec Facebook. Dans un communiqué, l’éditeur Jalios souligne que la dernière version son système de gestion de contenus (CMS) « est plus communautaire ». En particulier, la FNCA estime qu’il « correspondait exactement
» au besoin exprimé. Elle travaille par ailleurs déjà avec cet outil. Jalios CMS devra également porter des espaces dédiés à la communication externe. 
Concrètement, l’ensemble doit s’articuler autour d’un site Web dédié, creditagricole.info, présentant les caisses régionales de tout l’Hexagone, avec un volet vidéo incarné par CA TV, mais aussi une médiathèque « composée d’une logothèque, de bannières Web, d’une photothèque des dirigeants des 39 caisses régionales. » Voilà pour le volet tourné vers l’extérieur. 
Pour le volet interne du projet, on trouve donc « un réseau social et collaboratif auquel près de 3 000 membres participent déjà », organisé en clubs « regroupant certaines catégories de personnes en fonction du domaine dans lequel elles travaillent ou de leurs centres d’intérêt. » L’intranet existant doit migrer vers les clubs de ce site Web ; la chronologie de l’opération n’a pas été précisée. 

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