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Open source en France : un moteur pour les entreprises, mais un secteur en manque de ressources

Si le secteur de l’open source en France profite du dynamisme de la transition des entreprises vers le numérique, une étude du CNLL et de Syntec Numérique montre un secteur aux prises avec le recrutement. L’open source cherchera à recruter 8 200 personnes en 2019.

L’open source est désormais bien positionné comme un accélérateur de l’innovation et un vecteur de la transition des entreprises vers le numérique, mais le secteur peine toujours autant à recruter les bons profils. C’est une des conclusions que l’on aurait pu retenir à la publication de deux études distinctes, l’une par le cabinet d’études Pierre Audoin Consultants pour le compte de Thalès et l’autre par le Conseil national du logiciel libre, Systematic et Syntec Numérique. Résultat : l’écosystème open source gagne certes toujours plus en maturité, comme a pu le montrer le Paris Open Source Summit la semaine dernière, mais la tension très forte en matière de recrutement – tension qui existe par ailleurs sur l’ensemble du numérique – risque d’entacher cette belle image en France.

Pourtant, comme le révèle PAC sans nuance, « la transformation numérique annonce le second âge de l’open source ». Assis sur un marché de 4,4 milliards d’euros en 2017, le secteur pèse pour plus de 10 % du secteur des logiciels et services, et connait une croissance de 8 %, bien supérieure au marché de l’IT. Mieux, les entreprises pensent, à 89 %, à augmenter, fortement ou faiblement, leur utilisation de logiciels open source dans les deux années à venir – alors que seulement 1 % pense en réduire leurs usages.

Selon les résultats de cette même étude, l’open source aurait d’ailleurs franchi un palier clé dans son rôle à jouer dans l’entreprise. D’une technologie tactique, elle est devenue stratégique pour 71 % des entreprises interrogées (151 dont 58 % à plus de 1 000 employés), montrant l’étroite imbrication de logiciel ouvert au numérique.

Et parce que la complexité est inhérente au numérique et aux nouvelles technologies qui le motorisent – essentiellement open source, dans les domaines du Big Data, Cloud, IoT, Machine Learning – , ces entreprises se reposent inévitablement sur des prestataires pour leurs projets. C’est le cas de 72 % des sondés dans l’étude de PAC / Thalès.

La nécessité du recrutement dans un secteur dynamique

Reste que ces prestataires, aujourd’hui, peinent justement à trouver les ressources nécessaires pour soutenir ces projets. « Cette absence de capacités de recrutement est même un point bloquant », note Stéfane Fermigier, co-président du CNLL et président du groupe thématique logiciel libre au sein du pôle Systematic.

Au total, ce sont quelque 8 200 postes que la filière open source compte pourvoir en 2019 pour répondre à la demande et maintenir la croissance du secteur. Cela correspond à 4 000 créations de postes nettes. Sur ces 8 200 postes, plus de 1 000 recrutements seront effectués par les pure-players du secteur, dont presque 50 % pour combler des départs. A 88 %, ces recrutements seront effectués dans la production.

Selon les projections livrées dans l’étude du CNLL et de Syntec Numérique, la croissance des effectifs de l’open source en France devrait connaître un taux soutenu de 6,2 % par an jusqu’en 2021, date à laquelle l’open source doit représenter un effectif de quelque 70 000 personnes (dont 22 600 rien que chez les entreprises utilisatrices – 47 600 chez les pure-players et autres intégrateurs).  En 2018, la filière en France compte presque 39 700 employés chez les prestataires et éditeurs, et 18 700 chez les entreprises utilisatrices.

Pourtant, à 69 %, c’est bien la question du recrutement qui reste le problème n°1 des RH. Cette filière mise sur le recrutement d’ingénieurs jeunes diplômés, mais aussi de doctorants (dans 13 % des cas), très spécialisés dans le Machine Learning et dans les systèmes distribués, là où aujourd’hui les compétences sont très pointues. Toutefois 61 % portent sur des Bac+5.

Peu de formations spécifiques

Mais surprise : il n’existe finalement que très peu de formations spécifiques à l’open source. Seulement 24 % des étudiants répondant à cette étude affirment avoir reçu au moins un cours sur l’open source ou un logiciel libre. Ils ne sont que 5 % à avoir reçu une précieuse formation dédiée. La grande majorité n’a pas ou très peu été formée sur les caractéristiques du modèle open source. « Le modèle éducatif ne s’adapte pas rapidement », claironne Philippe Montargès, co-président du CNLL et co-fondateur d’Alter Way, société de services spécialisée.

La perception des étudiants vis-à-vis de l’open source se retrouve donc décalée de la réalité et des besoins des entreprises. Pour beaucoup, l’open source est une affaire de logiciel sur le poste de travail : 50 % pensent par exemple en premier au navigateur, 42 % au traitement de texte et 41 % dans les progiciels (dont CRM et CMS). Mais finalement, le plus symptomatique : 75 % des étudiants répondants affirment que l’open source ou le logiciel libre ne constituent pas un choix définitif pour faire carrière. « La méconnaissance des métiers et des parcours possibles limite l’attrait de cette filière », note l’étude. Et Philippe Montargès de relancer alors la nécessité d’une véritable marque employeur de la filière. Le secteur avance, mais le besoin d’évangélisation n’aura finalement jamais été aussi fort.

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