« Les modèles analytiques ne doivent pas être des boites noires » (Randy Guard SAS)

Pionnier de l’analytique et de l’intelligence artificielle, SAS cultive une culture d’entreprise assez éloignée des licornes du secteur. Une stratégie qui bénéficie de l’essor de l’analytique et de l’intelligence artificielle dans les entreprises, mais qui se heurte aussi de plus en plus à la puissance des acteurs du cloud.

SAS tenait cette semaine à Paris sa conférence annuelle dont il s’agissait de la 36ème édition. L’Américain fait preuve d’une stabilité et d’une longévité sans failles sur un marché de l’analytique qui voit les modes et buzzwords se succéder à un rythme de plus en plus rapide.
Randy Guard, Executive Vice President et Chief Marketing Officer de l’éditeur a répondu aux questions de LeMagIT sur sa stratégie et le positionnement de l’éditeur.

Randy Guard, Executive Vice President - SAS Forum 2019Randy Guard, Executive Vice President - SAS Forum 2019

LeMagIT : Suite a une croissance faible en 2017 [2,3 % de croissance du chiffre d’affaires], un plan de relance a été lancé en 2018, quelles étaient les principales mesures de ce plan de relance ?

Randy Guard, SAS : Cette croissance était insuffisante alors que notre marché grossissait de 5 à 8 % par an. Nous devions améliorer notre croissance en veillant à ne pas basculer vers une hypercroissance imprévisible. Nous souhaitons délivrer des technologies et une relation avec nos clients stables. Certaines entreprises achètent des entreprises pour s’offrir des parts de marché, ce n’est pas notre approche nous achetons des entreprises pour leurs talents, pour leur propriété intellectuelle.

25 % de notre chiffre d’affaires vont dans la R&D, nous pouvons donc bâtir nous-mêmes ce que nous jugeons le plus adapté à ce que demandent nos clients, ce que remontent nos équipes terrain.
Nous avons décidé de nous concentrer sur certains secteurs, sur les applications métier en priorité dans 3 domaines : la détection de fraude, la gestion du risque et la Customer Intelligence. La détection de fraude intéresse bien évidemment les banques, les assureurs, les gouvernements, la gestion de risque les secteurs banque et assurance, alors que la donnée client intéresse toutes les industries.

LeMagIT : Qu’est ce qui a poussé SAS à privilégier ces trois domaines ?

Randy Guard : Ces domaines affichent tous les trois une croissance à deux chiffres, tant sur le volet technologique que services. Nos clients attendaient de nous des services d’expertise dans ces domaines et pas seulement des logiciels. Ils souhaitaient le support d’expert de SAS et de nos partenaires dans ces domaines.

Outre ces trois applications métiers, nos efforts portent sur notre plateforme analytique qui englobe tant les volets Data Management, Analytics et tout ce qui concerne la publication des données analytiques, y compris sur des terminaux Edge. L’analytique au sens strict représente un chiffre d’affaires de l’ordre du milliard de dollars pour nous.

Enfin un autre domaine sur lequel nous nous sommes lancés voici 2 ans maintenant, c’est l’IoT.
C’est un domaine auquel nous consacrons beaucoup d’énergie. Il s’agit d’appliquer l’analytique à un monde connecté et nous l’abordons avec différents business models. Dans certains cas nous vendons notre technologie directement au client mais parfois il s’agit de partenariat comme c’est le cas avec GE Transportation ou Siemens qui vendent leurs solutions IoT en embarquant nos technologies analytiques.

LeMagIT : Quels sont aujourd’hui les résultats de ce plan de relance ?

Randy Guard : Les solutions de Data Management continuent à bénéficier d’une demande forte, mais la croissance est maintenant plus faible. La croissance est bien plus forte du côté des solutions analytiques. C’est à la fois un marché plus large et sur lequel il reste encore un fort potentiel de croissance pour nous.

Je voudrais souligner que les segments les plus dynamiques sont la détection de fraude et la gestion de risque même si l’analytique reste bien évidemment notre solution numéro 1 aujourd’hui. Ces solutions trouvent leur marché dans les banques, assurances, services financiers mais aussi services des impôts.

Nous nous attendons aujourd’hui à voir le volet Customer Intelligence de notre offre croitre rapidement à son tour. Nous l’avons introduite sur le marché en tant que solution « As a Service » et nous allons continuer à l’enrichir de nouvelles fonctionnalités mais aussi aider notre base installée à adopter ce nouveau modèle dans les 12 à 18 prochains mois.

LeMagIT : Quel est l’impact de ces offres « As a Service » et plus largement du cloud sur votre marché ?

Randy Guard, SAS : Nos clients ont besoin d’une bonne raison pour migrer vers le cloud. Nous voulons d’une part leur donner une bonne raison de migrer en enrichissant nos offres “As a Service”, mais aussi en les aidant à migrer. Beaucoup d’entreprises vont désormais vers le cloud public et nous avons fait plusieurs choses afin de les accompagner.

D’une part, nous leur proposons des installations de type « Quick Start » pour Amazon Web Services, Azure, Alibaba Cloud et quelques autres. Ce sont des installations certifiées qui permettent d’installer SAS sur AWS ou Azure sans soucis. Cela permet à nos clients de démarrer rapidement sur un cloud public. Pour le volet Customer Intelligence, celui-ci ne fonctionne qu’en mode Saas, dans le cloud.

LeMagIT : Quel est l’impact sur SAS de la montée en puissance rapide des acteurs du cloud sur le Data Management, l’analytique et l’IA ?

Randy Guard : Nous faisons face à une grande compétition sur le plan des outils et technologies, à l’image de SageMaker d’Amazon. Si vous souhaitez faire une régression, vous pouvez le faire sur AWS, vous pouvez aussi le faire sur Azure.

Pour nous l’analytique, ce n’est pas qu’exécuter un algorithme, c’est une plateforme de production dans son ensemble, avec un volet traitement des données, de l’analytique, des contenus métiers, etc.

Nous voyons cette concurrence des acteurs du cloud mais nous travaillons avec eux pour que la plateforme SAS fonctionne parfaitement sur leurs infrastructures. Clairement ces acteurs disposent des technologies mais pour proposer des applications analytiques, il leur manque la connaissance des différents secteurs d’activité, il leur faut des experts métiers.

Nous avons consacré des années à acquérir ces compétences métiers et cela reste pour nous un atout et c’est un avantage que nous maximisons aujourd’hui. D’autre part, nous nous appuyons sur de solides partenaires tels que Capgemini et nous allons continuer à nous appuyer sur nos partenaires pour répondre au mieux aux attentes des métiers.

LeMagIT : Quelles annonces attendre de SAS ces prochains mois, quelles sont les prochaines dates clef de votre roadmap produit ?

Randy Guard : Nous avons plusieurs releases prévues autour de notre offre Viya prochainement. Nos produits évoluent désormais deux fois par an, en juillet et en fin d’année. Nous travaillons désormais sur un mode « Continuous Delivery » afin de délivrer plus rapidement les conteneurs applicatifs et les solutions cloud.

Parmi nos pistes d’innovation figure notamment l’interprétabilité des modèles de Machine Learning afin de comprendre comment fonctionnent les modèles. Des méthodes standards sont en train de s’imposer, notamment ICE (Individual Conditional Expectation), LIME (Local interpretable model-agnostic explanations) ou encore PDP (Partial Dependence Plot). Ces méthodes vont permettre aux entreprises de comprendre les résultats délivrés par leurs modèles.

L’autre grand champ d’innovation pour nous porte sur la génération automatique de texte (Natural-language generation / NLG). Un bon exemple de cas d’usage de cette technologie est un processus qui met en œuvre un pipeline analytique qui instaure des machines à vecteurs de support (SVM) pour lutter contre le « churn » (taux d'attrition), par exemple.

C’est très technique. Avec le NLG, l’expert métiers va disposer d’un texte généré par la machine à partir des données issues du modèle qui, au lieu de seulement lui fournir des valeurs des paramètres, va pouvoir lui indiquer quoi faire.
Nous utilisons cette approche pour les enquêteurs qui recherche des fraudes au moyen de modèles très élaborés. Le système va délivrer une recommandation du type « vous devriez enquêter sur telle ou telle entité car le comportement est anomal. » Selon moi, le NLG sera un composant important pour nous à l’avenir.

Un dernier sujet de recherche porte sur l’automatisation de l’analytique. Nous continuons à progresser sur ce qui est de l’auto-tuning des modèles, mettre à jour automatiquement les modèles qui sont stockés dans le référentiel, ainsi que sur l’automatisation du déploiement des modèles.

Nous nous concentrons sur l’automatisation, mais nous considérons que les modèles ne doivent pas être des boites noires. Ils doivent permettre d’en comprendre le comportement mais aussi laisser la souplesse d’en changer à tout moment. 

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