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Open Service Mesh, le pied de nez de Microsoft à Google et Istio

Microsoft s’est engagé à faire don de son maillage de services à la CNCF dans le sillage d’Istio, ouvrant la voie à une éventuelle collaboration entre fournisseurs autour de normes d’interopérabilité multicloud.

Microsoft a engagé une initiative agressive en présentant Open Service Mesh la semaine dernière. Ce projet devrait avoir des effets d’entraînement importants au sein des outils de gestion multicloud.

Le développement d’Open Service Mesh en est à ses débuts. Toutefois, il s’agit d’une implémentation de référence des normes d’interopérabilité SMI (Service Mesh Interface) de la CNCF (Cloud Native Computing Foundation). Le projet sera donné à la CNCF plus tard au cours de son développement, selon un article de blog Microsoft.

Le maillage de services est une approche architecturale de la mise en réseau des microservices qui utilise un réseau de proxies de containers, appelés sidecars, géré par un plan de contrôle central. Le projet open source Envoy est déjà considéré comme le side-car standard de l’industrie, mais de nombreux produits et projets autour du control plane, dont Istio, mené par Google et IBM, sont encore en lice pour la suprématie.

Selon les experts, la décision de Microsoft, qui fait écho à une récente controverse sur la gouvernance open source d’Istio chez Google, est une attaque évidente dirigée contre GCP.

« Ce n’est pas un hasard du calendrier, cela se passe moins d’un mois après que Google a mis Istio dans Open Usage Commons », déclare Tom Petrocelli, analyste chez Amalgam Insights. « Il faut voir cela comme un véritable pied de nez à Istio alors que celui-ci est déjà sur le marché ».

Le mois dernier, Google a fait don d’Istio à une organisation open source qu’il a créée, appelée Open Usage. Celle-ci régit les marques déposées open source, mais pas leurs licences de copyright. Jusqu’à présent, seuls les projets logiciels de Google ont intégré la nouvelle organisation. La plupart des observateurs de l’industrie ont critiqué le choix de Google de ne pas faire don d’Istio à la CNCF, la fondation open source qu’il a créée à l’origine pour gouverner Kubernetes. Les analystes estiment que cela laisse trop de contrôle à Google sur Istio.

Open Service Mesh (OSM) de Microsoft a également le potentiel de provoquer un tournant sur le marché du maillage des services et de la gestion multicloud. Néanmoins, tout dépendra de la manière dont les éditeurs, les fournisseurs et les contributeurs recevront ce nouveau projet.

Microsoft n’a pas cité d’autres contributeurs à OSM, mais certains grands éditeurs proposant des orchestrateurs de containers Kubernetes aux entreprises n’ont pas encore confirmé leur allégeance à un projet de Service Mesh. C’est le cas notamment de HPE.

L’Open Service Mesh prépare le terrain pour des alliances changeantes

Contacté par SearchITOperations [propriété de Techtarget, également propriétaire du MagIT], un porte-parole d’IBM n’a pas répondu à la question de savoir si l’éditeur soutiendra OSM. Mais n’oublions pas que la société, co-créatrice d’Istio, a fait part de sa déception face au refus de Google de faire don d’Istio au CNCF. Si cette déception est suffisamment forte pour qu’IBM passe à OSM, cela donnerait un élan significatif au projet de Microsoft pour en faire potentiellement un standard industriel.

« Ce n'est pas un hasard du calendrier, cela se passe moins d'un mois après que Google a mis Istio dans Open Usage Commons. Il faut voir cela comme un véritable pied de nez à Istio alors que celui-ci est déjà sur le marché. »
Tom PetrocelliAnalyste, Amalgam Insights

« Ne quittez pas VMware des yeux », avertit Tom Petrocelli. Jusqu’à présent, VMware a soutenu Istio dans sa plateforme Tanzu Kubernetes. « Red Hat et IBM ont beaucoup plus investi dans Istio, mais VMware, Rancher/SUSE et HPE pourraient changer de cap beaucoup plus facilement ».

Le marché du maillage de services est déjà fragmenté entre plusieurs projets. La CNCF accueille également les projets Linkerd et Kuma, ainsi que l’open core d’Hashicorp Consul Connect.

Il est également possible que le projet de Microsoft provoque une nouvelle fracture entre Google, IBM et Red Hat derrière Istio, et les éditeurs qui adopteront OSM. (Microsoft et HashiCorp ont aussi récemment conclu un partenariat pour offrir Consul Connect à la demande sur Microsoft Azure, et les représentants de Microsoft ont déclaré que cet accord ne sera pas affecté par OSM.)

« Nous nous réjouissons de lancement d’Open Service Mesh auprès de la communauté open source et sommes très intéressés de voir l’évolution du projet », assure Brian Harrington directeur de la gestion produits d’OpenShift Service Mesh chez Red Had, dans un mail transmis à SearchITOperations via un porte-parole.

« Il existe de nombreuses opportunités au sein d’un ensemble diversifié et croissant de maillages de services open source et, comme tous les vrais projets open source, ces technologies évolueront pour satisfaire au mieux leurs utilisateurs finaux ».

Il n’y a cependant pas de changement de direction chez Red Hat, remarque Brian Harrington.

« Envoy continue à jouer un rôle essentiel comme fondation du maillage de services OpenShift et nous sommes toujours investis dans Istio », déclare-t-il. « [Cette] annonce confirme que d’autres organisations reconnaissent les mêmes éléments clés dans la construction d’un maillage de services stable ».

Qu’Open Service Mesh devienne un standard ou non, il est probable qu’il aura un effet significatif sur l’aspect du marché des maillages de services. Il faudra attendre que les entreprises soient prêtes à utiliser la technologie cloud native en production, ce qui demandera quelques années, selon les experts de l’industrie.

« Les clients [entreprises] avec lesquels j’ai travaillé ces dernières années ont tardivement adopté la technologie, et les maillages de services ne sont pas toujours présents sur leurs radars », estime Jeremy Pullen, PDG de Polodis, une société de conseil en transformation numérique à Atlanta. « La plupart d’entre eux ne se soucient pas tant de la gouvernance de l’open source, mais de la compatibilité [entre les systèmes] ».

Open Service Mesh a le potentiel d’offrir une interopérabilité standardisée entre les réseaux publics et privés dans le cloud, ce qui intéressera les entreprises au fur et à mesure qu’elles utilisent des infrastructures cloud natives, considère Jeremy Pullen.

« Les clients [entreprises] avec lesquels j'ai travaillé ces dernières années ont tardivement adopté la technologie, et les maillages de services ne sont pas toujours présents sur leurs radars. »
Jeremy PullenPDG, Polodis

Open Service Mesh se concentre sur l’interopérabilité

Comme expliqué plus tôt, Open Service Mesh s’appuie sur SMI, qui n’est pas expressément une implémentation de service mesh, mais plutôt un ensemble de spécifications API standard conçues au sein de la CNCF. Si elles sont respectées, ces spécifications permettent l’interopérabilité du maillage de services sur plusieurs types de réseaux, y compris d’autres services mesh et clouds publics, privés ou hybrides.

La couche de maillage de services sera un élément clé de la portabilité des containers dans de véritables environnements multicloud largement accessibles, à mesure que les applications cloud natives des entreprises progressent, selon Jeremy Pullen.

« Le maillage de services devrait y contribuer, théoriquement, surtout s’il est normalisé, mais il va falloir faire un travail de refonte conséquent pour rendre tout container Docker compatible avec d’autres groupes de containers », avance-t-il. « Il s’agit plus que de mettre quelque chose dans Docker, il s’agit de cette capacité à acheminer les services d’une manière quelque peu découplée ».

La simplicité et la facilité d’utilisation ont également été présentées comme des points forts du déploiement d’OSM de Microsoft, qui, selon les analystes, semble répondre à un problème récurrent de complexité opérationnelle dénoncé par une partie des utilisateurs d’Istio. OSM embarquera directement certains services que ces utilisateurs déploient difficilement avec le projet de Google, comme le protocole mTLS.

Microsoft s’est reposé sur une philosophie de conception dite « no cliffs » (sans bords en français) pour construire le maillage de services ouvert, ce qui signifie que si un utilisateur doit faire quelque chose de plus avancé que ce que les API SMI permettent, comme la technique de coupure de circuit pour arrêter le flux de trafic vers un terminal défectueux, il peut choisir par défaut les API Envoy de base. Cette approche rend OSM plus flexible et extensible à mesure que les architectures de service mesh évoluent, affirme Microsoft.

« Istio a lutté contre la complexité pendant un certain temps, et a également eu du mal à répondre à certaines préoccupations d’extensibilité des clients », relate Brad Casemore, analyste chez IDC. « Cependant, des deux problèmes rencontrés, les utilisateurs considèrent la simplification comme le point le plus important à améliorer par les éditeurs ».

Istio a essayé de résoudre ce problème en passant d’une architecture de microservices distribués à un monolithe pour son control plane avec sa version 1.5, mais « même dans ce cas, il reste du travail à faire », considère Brad Casemore.

L’analyste chez IDC s’est fait l’écho des commentaires de Jeremy Pullen sur l’importance de la simplicité et de l’extensibilité pour attirer les entreprises.

« [Cela] requiert un degré de simplicité opérationnelle beaucoup plus important », renchérit-il. « Microsoft, étant donné son histoire et sa longue expérience de collaboration avec les clients-entreprises, pense probablement qu’il est culturellement bien placé pour atteindre ce but ».

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